« La bonne application de cette loi est primordiale ». Le 29 novembre 2022, soit un an après le vote définitif au Sénat de la proposition de loi de lutte contre la maltraitance animale, La Fondation Droit Animal (LFDA) alertait sur le manque d’avancées quant à la mise en place des mesures votées. Sept mois plus tard, la sénatrice Anne Chain-Larché (LR) – seule parlementaire encore en poste à avoir travaillé sur le sujet à l’époque – présente à la commission des affaires économiques un rapport critique de l’application de la loi par l’exécutif qu’elle juge « partielle et partiale » et dont le vote au Parlement n’était pas « dénué d’arrière-pensées électorales ». « Je me sens responsable des animaux parce que cette loi n’est pas sans conséquence », avance la sénatrice. « Au Sénat, nous avons mis un peu moins d’un an à travailler dessus en faisant des déplacements et des auditions. Nous avons pris notre temps et avons réécrit la PPL à 80 %. Aujourd’hui, les mesures proposées par le Sénat n’ont pas toutes été instaurées par l’exécutif ».
La première inquiétude de la sénatrice repose sur le sort des animaux sauvages et des professionnels du spectacle. La loi, dont le troisième chapitre a été largement médiatisé, prévoit l’interdiction des spectacles itinérants d’animaux sauvages, tels que les cirques, avant la fin de l’année 2028. Une interdiction sans accompagnement, qui tourmente la sénatrice. « Nous avons, d’un trait de crayon, rayé des années de culture, de mode de vie, de patrimoine, de savoir-faire. Il faut aussi fixer une indemnité correcte lorsque les cirques cèdent un animal sauvage. Aujourd’hui, on propose 3000€ pour un lion ou un tigre, ce qui n’est pas suffisant », martèle-t-elle.
« Quel dommage qu’on ait tout interdit en France quand d’autres pays contrôlent ! », se désole Anne Chain-Larché. La sénatrice rappelle aussi dans son rapport, que les interdictions en cascade auraient pu être évitées grâce à un renforcement des contrôles des professionnels, qu’elle juge en grande partie irréprochables. « La France ne se donne pas les moyens de contrôler donc on interdit ». Ainsi, la sénatrice compte exclure les voleries de l’interdiction de représentation des animaux sauvages. Bien que les aigles ou les faucons soient considérés comme sauvages, Anne Chain-Larché estime que le vol libre est une « composante de notre patrimoine ». Selon ses dires, le Sénat progresserait de consort avec le ministre de la Transition écologique. « Nous sommes en train de mettre en place les modalités d’exercice de ces métiers pour qu’ils perdurent sans leur imposer de revenir à chaque fois à leur volerie d’origine. On essaye de faire en sorte de jalonner le parcours des spectacles de volières, un peu à l’image des Bed & Breakfast ».
Trois arrêtés à publier d’urgence
Une autre inquiétude est de taille pour la sénatrice. Depuis un an et demi, l’exécutif n’a pas publié trois arrêtés pour permettre aux delphinariums d’améliorer l’accueil de leurs cétacés. Ils portent sur la définition des règles d’accueil des cétacés pouvant engendrer des travaux de réaménagement des centres, sur la définition du champ possible d’expériences scientifiques menées dans ces établissements et sur la démonstration publique de leurs observations. Ces spectacles ne sont interdits que lorsqu’ils ne se basent pas sur une expérience scientifique.
Deux seuls endroits sont concernés en France : Marineland et Planète Sauvage. Avec la loi, ces deux établissements ne sont plus des delphinariums mais sont devenus des « programmes scientifiques », pouvant toujours réaliser des spectacles liés à leurs expérimentations. Par exemple, au quotidien, des scientifiques travaillent à la compréhension du mode de vie des cétacés afin d’éviter que les animaux sauvages ne s’échouent sur les côtes. « Ces scientifiques doivent travailler. D’autant plus que la France fait partie d’un programme européen sur les cétacés. Il est évident que ces programmes doivent être définis dans un ensemble de critères ». La sénatrice presse donc le ministère de la Transition écologique de publier les arrêtés « en bloc » pour que les centres s’adaptent.
« Il y a des extrapolations de nos propositions qui sont superfétatoires »
La loi ne se concentre pas uniquement sur les animaux sauvages. La lutte contre l’abandon et la maltraitance des animaux de compagnie figure aussi dans le texte adopté. En premier lieu, Anne Chain-Larché exprime une « satisfaction » à propos du rehaussement des sanctions contre les personnes utilisant des colliers étrangleurs ou électriques sur des chiens ou des chats. La sénatrice rappelle tout de même qu’encore une fois un renforcement des contrôles par les services vétérinaires serait nécessaire pour lutter efficacement contre la maltraitance des chiens et chats.
« Il y a des extrapolations de nos propositions qui sont superfétatoires. Des interprétations abusives, qui ne sont pas gravées dans le marbre et sur lesquelles on pourrait revenir dessus », tance la sénatrice LR. Elle ne juge pas utile que l’exécutif ait étendu aux furets et aux lapins les mesures du Sénat concernant le certificat d’engagement et de connaissance ainsi que le délai de réflexion de sept jours avant une adoption. « Pour un lapin ou un furet, qui reste en cage, ce n’est pas le même engagement qu’un chien ou un chat. Il n’est pas nécessaire d’avoir autant de connaissances », juge la sénatrice.
Enfin, le rapport rappelle la préoccupation du Sénat au sujet de l’interdiction de la vente de chiens et de chats en animalerie. Une mesure inscrite à la PPL afin d’éviter les achats d’animaux de compagnie de manière impulsive. Anne Chain-Larché regrette qu’aucun rapport n’ait encore vu le jour au sujet des abandons de ces animaux acquis en animalerie. Une volonté, qui vise encore à ne pas ôter des compétences à des professionnels. « Nous sommes soucieux de l’avenir des animaux mais aussi des professionnels. Nous tirons la sonnette d’alarme ».