King Charles III at the French Senate – Paris

Marche contre l’antisémitisme : « L’idée est de renforcer le sentiment d’unité de la Nation autour des valeurs républicaines »

Le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale appellent à défiler dimanche à Paris contre l’antisémitisme. Ils devraient être rejoints par de nombreux responsables politiques. Une initiative inédite, derrière laquelle transparait des « désaccords profonds sur le pacte républicain », comme l’explique le politologue Olivier Rouquan à Public Sénat.Cet événement sera à suivre en direct sur Public Sénat et LCP, avec une émission spéciale de 14 heures à 17 heures.
Romain David

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Le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains) et la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) organisent dimanche 12 novembre une « marche civique » contre la recrudescence de l’antisémitisme en France. Plus d’un millier d’actes ont été recensés par les autorités depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre. Dans une tribune publiée par le Figaro, les deux parlementaires appellent à la « mobilisation générale », et demandent à « tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de notre République » de rejoindre leur initiative.

Cet événement sera à suivre en direct sur Public Sénat et LCP (canal 13 de la TNT), avec une émission spéciale de 14 heures à 17 heures dimanche, accompagnée de nombreuses réactions politiques depuis les rangs de la manifestation et le point de vue de différents experts en plateau.

Si de très nombreux responsables politiques ont fait savoir qu’ils se rendraient à cette marche, la venue annoncée du Rassemblement national divise. De son côté, Emmanuel Macron n’a pas encore confirmé sa présence. Interrogé par Public Sénat, le politologue Olivier Rouquan, enseignant-chercheur en sciences politiques et chercheur associé au Centre d’Études et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques (CERSA), évoque la dimension symbolique et politique de cet événement.

C’est la première fois que les présidents des deux chambres du Parlement appellent à un rassemblement de ce type. Quelle portée accordée à cette mobilisation ?

« En mai 1990, François Mitterrand s’était joint à une manifestation contre l’antisémitisme, une première pour un chef d’Etat depuis la Libération. Il avait également déposé, quelques années plus tard, une gerbe près du pont du Carrousel, sur les lieux de l’assassinat raciste de Brahim Bouraam. Mais il me semble, effectivement, que c’est la première fois qu’un tel événement est organisé à l’initiative du président du Sénat et de la présidente de l’Assemblée nationale.

L’idée est de créer une mobilisation autour de la représentation nationale et de renforcer le sentiment d’unité de la nation autour des valeurs républicaines. Les deux présidents occupent judicieusement un espace symbolique. On sait que les citoyens ont une perception lointaine des deux assemblées, sans effet d’identification, alors que le Parlement est plutôt proche de la société civile et des associations qui la structurent.

Vous évoquiez la présence de François Mitterrand dans un rassemblement contre l’antisémitisme. On pense également à François Hollande, qui avait fait venir des dirigeants du monde entier, dont le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour participer à la marche parisienne contre le terrorisme après l’attentat au siège de Charlie Hebdo. Pensez-vous qu’Emmanuel Macron doive participer à cet événement ?

Le chef de l’Etat n’est pas à l’initiative et il cherche depuis le début un point d’équilibre dans la politique internationale qu’il incarne. Il y a aussi, bien sûr, des raisons de sécurité, qui rendent la chose particulièrement compliquée. Mais à l’évidence, son absence suscitera pour une partie de l’opinion des interrogations, à plus forte raison si la mobilisation est forte.

La venue du Rassemblement national suscite des remous, notamment à gauche où l’on réclame un cordon sanitaire entre le parti de Marine Le Pen et le reste des participants. Les organisateurs, de leur côté, assurent qu’ils ne marcheront pas aux côtés des membres du RN, mais appellent aussi à faire terre les polémiques pour ne pas entacher le caractère « civique » de la marche. L’événement peut-il encore échapper au risque de coloration politique ?

La présence du Rassemblement national ne regarde que ses sympathisants et ses dirigeants, dont certains restent proches des positions traditionnelles de l’extrême droite. Mais on ne peut pas nier qu’il y a depuis 2011, [année où Louis Aliot, alors numéro 2 du parti, effectue une tournée en Israël, ndlr] une volonté de rapprochement du RN avec les intérêts de l’Etat hébreu. Le parti de Marine Le Pen trouve aussi à un tel évènement une occasion d’ajouter une pierre de plus à sa stratégie de normalisation.

Mais ramener la manifestation à cette affaire, c’est tomber dans le piège du RN. Moins l’on parlera de leur présence, plus cette marche restera civique et indifférenciée.

LFI continue de se distinguer des principales formations politiques. Le mouvement refuse de rejoindre une manifestation à laquelle participe le RN. Dans un tweet, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le « rendez-vous » des « amis du soutien inconditionnel du massacre », en référence aux représailles israéliennes sur la bande de Gaza.

L’absence de LFI empêche l’unanimité de la représentation nationale autour de cet événement. L’avenir nous dira si les sympathisants insoumis approuvent la stratégie déployée par Jean-Luc Mélenchon et ses proches. (Selon un sondage Backbone-Odoxa Consulting pour Le Figaro, publié jeudi 9 novembre, 75 % de sympathisants LFI soutiennent l’organisation de cette marche. Ils sont 79 % à estimer qu’y participer ne s’assimile pas à un soutien au gouvernement d’Israël, ndlr).

Mais au-delà du positionnement de LFI, on constate au sein de la classe politique des tensions et des désaccords profonds sur le pacte républicain et les valeurs qui devraient nous rassembler, ce qui reste particulièrement inquiétant. »

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