Marchés, main-d’œuvre : l’agriculture, désorganisée, est à la recherche de solutions

Marchés, main-d’œuvre : l’agriculture, désorganisée, est à la recherche de solutions

Confrontés au manque de saisonniers ou à la fermeture des marchés, les maraîchers voient leur chaîne désorganisée, à l’instar d’autres secteurs économiques.
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L’arrêt des restaurants et des cantines collectives a été un premier coup d’arrêt le 14 mars. Le début du confinement trois jours plus tard, et le ralentissement général de l’économie ont perturbé encore plus les circuits habituels de l’agriculture, et surtout du maraîchage, aussi bien dans la récolte que dans la vente. Des débouchés sont à réorienter.

Le renforcement des règles de confinement annoncé par le gouvernement aura des conséquences sur les débouchés de la production des maraîchers. Un nouveau décret du gouvernement va suspendre les marchés « couverts ou non ». Les préfets pourront toutefois donner une autorisation s’ils répondent « à un besoin d’approvisionnement de la population » ou s’ils accueillent moins de 100 personnes simultanément.

La décision du gouvernement a contrarié les acteurs de ces marchés locaux, qui se demandent comment écouler la production. « Le risque de contamination n’est pas plus élevé que dans les autres formes de commerce », ont-ils fait valoir dans un communiqué commun, qui regroupe des syndicats agricoles, les chambres d’agriculture ou encore Marchés de France.

La fermeture des marchés inquiète les producteurs, notamment les maraîchers

« Cette décision ne nous plaît pas. Il est évident que tout ne pourra pas se faire dans les grandes surfaces. Nous avons besoin de ces marchés couverts et de plein-vent », s’est exclamée Christiane Lambert, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

Indispensables à certains producteurs locaux, les marchés le sont aussi à certains consommateurs. « Je sais à quel point ils sont vitaux dans les communes rurales », a reconnu ce matin sur France info le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, qui fait confiance aux communes pour trouver des solutions.

« Il faut travailler d’arrache-pied si nous voulons réussir à rouvrir les marchés », insiste Christiane Lambert. Un guide de bonnes pratiques, comme par l’exemple l’installation de barrières pour réguler les passages et faire respecter les distances entre clients, doit être envoyé. C’est également le message qu’a envoyé le message Didier Guillaume ce matin sur Public Sénat.

Un appel lancé à la grande distribution pour écouler la production

Afin de réorganiser en urgences les filières, la FNSEA a alerté la grande distribution. Des images d’asperges et de fraises espagnoles en rayon, très peu pour Christiane Lambert. « Ce n’est pas supportable », s’est indignée la présidente de la FNSEA, qui indique avoir appelé sept enseignes de la grande distribution pour favoriser l’achat de produits français. « Ils m’ont répondu favorablement », assure-t-elle. L’appel a été étendu aux boucheries pour la viande ovine notamment.

Reste un secteur « sans solution » : l’horticulture et les pépiniéristes. Pour ces professionnels, la FNSEA encourage les producteurs à se tourner vers le fonds de solidarité gouvernemental dédié aux entrepreneurs et très petites entreprises, afin de recevoir le forfait de 1 500 euros d’aide. Elle rappelle également qu’un dispositif de report des charges est possible. Des matelas suffisants pour amortir le choc ? « Pour l’instant, les aides sont conséquentes », estime Christiane Lambert.
 

« Rejoignez la grande armée de l’agriculture française » : l’appel remarqué du ministre

La journée a également été marquée par une déclaration choc du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume : « Rejoignez la grande armée de l’agriculture française ! » a-t-il exhorté aux personnes sans activité, sur BFM et RMC ce matin. « Il faut que les travaux des champs se fassent et, pour qu'ils se fassent, il faut de la main-d'œuvre », a-t-il insisté, dans un encouragement contradictoire avec la consigne nationale de rester à domicile.

Si Christiane Lambert affirme qu’il n’y a pas de risque de pénurie, à condition que la consommation soit « normale », elle a néanmoins reconnu que l’agriculture est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre dans la situation actuelle. « Nous manquons de bras, c’est évident », déclare-t-elle. Avec la fermeture des frontières, c’est toute la main-d’œuvre européenne qui va manquer à l’appel pour les récoltes de printemps : asperges ou encore fraises. « Des producteurs qui n’ont pas de solutions et qui jettent leurs asperges, ça me fend le cœur », lâche Christiane Lambert, confinée pendant son point presse.

Le besoin est estimé à 45 000 personnes pour le mois de mars, 75 000 pour le mois d’avril. En comptant les saisonniers français, ce sont au total 200 000 personnes dont va avoir besoin d’agriculture dès aujourd’hui, et dans les prochaines semaines. Une plateforme a été mise en place la semaine dernière pour mettre en relation les producteurs avec des salariés au chômage technique : « Des bras pour ton assiette ».

La FNSEA indique qu’il faudra « offrir des garanties de sécurité » : travailler un rang sur deux ou encore mettre à disposition des bidons de savon.

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