Vous avez participé à la réunion avec Élisabeth Borne. Comment a-t-elle justifié le port du masque obligatoire en entreprise ?
La ministre du Travail nous a d’abord expliqué que sa décision se basait sur le rapport du Haut conseil à la santé publique. Il est désormais établi que la transmission par aérosol vient s’ajouter à ce que l’on connaissait déjà : les gouttelettes, l’hygiène des mains, etc. Donc il faut prendre des mesures supplémentaires. Le ministère a souligné le fait qu’il existait actuellement 60 clusters d’entreprises, donc à peu près 23 % des clusters en cours d’investigation. Et sur ces 60 clusters, une douzaine concerne des abattoirs, qui sont des milieux humides. D’après les dernières recherches, le virus semble aimer ce milieu humide et il semblerait que les masques chirurgicaux soient moins efficaces dans ce contexte-là.
Quelle a été votre réaction à cette annonce ?
S’il faut porter le masque en entreprise, on le fera. Bien entendu, on n’accueille pas cela avec le sourire car cela envoie un message anxiogène à la population. On aimerait donc trouver un juste milieu et faire du cas par cas en fonction du secteur d’activité et pourquoi pas remettre en place une jauge avec un certain nombre de mètres carrés par collaborateur. Évidemment, notre but est de tout faire pour éviter un nouveau confinement, mais il faut faire les choses de façon mesurée. Il ne faut pas envoyer un message anxiogène si l’on veut faire repartir l’activité.
Ce discours est-il audible par les pouvoirs publics, alors même que l’épidémie repart ?
Le ministère applique à la lettre le rapport du Haut conseil. Or, il ne fait pas mention d’une jauge particulière. Mais le gouvernement semble ouvert à des ajustements mais lesquels, dans quelles proportions, sur quelles bases… Nous n’avons pas de détail. Nous avons donc convenu de faire le point régulièrement afin de leur faire remonter les problématiques particulières qui sont rencontrées sur le terrain. La ministre pourra elle-même faire saisir le Haut conseil pour recueillir un avis médical avant de prendre une décision.
Nous sommes d’accord, mais il faut faire très vite car il ne faut surtout pas paralyser l’activité. Par exemple, les restaurants : par définition, on ne peut pas manger avec son masque. Ou encore, les plateaux télé : cela voudrait dire que tous les participants à toutes les émissions doivent porter un masque ? Les salles de sport, on fait comment ? À toutes ces questions, nous n’avons pas encore de réponse.
Le port du masque devient obligatoire et donc à la charge de l’employeur. Les entreprises y sont-elles préparées ?
La bonne nouvelle, déjà, c’est qu’on peut s’approvisionner en masques, ce qui n’était pas le cas au début de la pandémie. Donc on incite les entreprises à se constituer un stock de masques pour équiper leurs collaborateurs. Cela fait partie de la protection du salarié, donc c’est pris en charge par l’employeur. Aujourd’hui, nous ne demandons pas de prise en charge de la part de l’État, nous prenons nos responsabilités.
En revanche, il existe une aide qui a été mise en place par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail au moment du déconfinement, qui permet une prise en charge des masques si vous avez mis en œuvre un système de protection comme des plexiglas. On envisage quand même de demander le déplafonnement de cette aide qui est aujourd’hui limitée à 5 000 euros par entreprise.
Reste une solution pour libérer des espaces dans les bureaux : le télétravail. Y êtes-vous favorable ?
Le télétravail est une solution mais elle doit rester à l’initiative de l’employeur, bien sûr en lien avec les partenaires sociaux ou les salariés. Cela a des vertus, notamment dans les grandes villes : diminution du temps de transport, amélioration de la qualité de vie... Ce choix peut être adapté, mais pas toujours.
Dans les secteurs d’activité où vous avez beaucoup de gens sur le terrain et d’autres dans des bureaux, nous avons vécu durant le confinement des tensions. Les salariés commençaient à dire : « Nous, on va sur le terrain, vous nous envoyez au casse-pipe pendant que vous, vous êtes planqués chez vous. » Une fracture sociale se crée, l’émulation et l’esprit d’équipe dans l’entreprise s'en ressentent. On peut l’envisager, mais de façon mesurée : quelques jours par semaine, par exemple. Mais toujours en fonction de l’organisation de l’entreprise