Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Mea culpa d’Olivier Véran sur les masques : ce qu’avait déclaré le ministre devant les sénateurs
Par Public Sénat
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Dans un livre autobiographique à paraître aux éditions Robert Laffont, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, revient sur l’un des épisodes les plus controversés de la gestion de l’épidémie de covid-19 en France : la pénurie de masques de protection. « Une partie de l’opinion nous a reproché d’avoir sciemment menti sur les masques, pour cacher la pénurie. Ce n’est pas le cas », assure l’ancien ministre de la Santé, en poste entre 2020 et 2022, dans une interview accordée au Parisien à l’occasion de la publication de son ouvrage, Par-delà les vagues. Et d’esquisser ce qui semble être un mea culpa : « La vérité, c’est que, sur les masques, nous nous sommes trompés, ni plus ni moins. Nous, l’Organisation mondiale de la Santé, les autorités sanitaires internationales. De bonne foi, certes, mais nous nous sommes trompés. Donc, ce livre est aussi l’occasion pour présenter mes excuses. »
Retour en trois actes sur cet épisode et les déclarations faites à l’époque par Olivier Véran, mais aussi Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé.
Premier acte : le gouvernement dément les rumeurs autour d’une pénurie de masques
Le premier cas de coronavirus en France est identifié au mois de décembre 2019. Rapidement, devant la multiplication des foyers infectieux et au vu de la dégradation de la situation sanitaire dans certains pays frontaliers, notamment l’Italie, l’inquiétude monte sur le territoire national. Le 22 janvier 2020, sur BFM TV, le directeur général de la Santé, le professeur Jérôme Salomon, conseille le port du masque entre autres gestes barrière pour se prémunir de la maladie, dont il compare le mode de transmission à celui de la grippe. Son intervention est relayée sur le compte twitter officiel du ministère de la Santé. Et pourtant, le discours de l’exécutif manque de cohérence, car au même moment le site internet du ministère indique - comme le signale un article publié à l’époque par franceinfo -, « que le port de ce type de masque par la population non malade afin d’éviter d’attraper la maladie n’est pas recommandé », précisant que « son efficacité n’est pas démontrée ».
Un mois plus tard, le 26 février, Jérôme Salomon est auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat. Nous n’en sommes qu’au début de la crise, mais déjà le sénateur LR Alain Milon alerte sur les masques chirurgicaux, impossibles à trouver en pharmacie et qui s’écoulent à prix d’or sur les sites de vente en ligne. Réponse de Jérôme Salomon : « Il y a des stocks stratégiques importants détenus par Santé publique France sur les masques chirurgicaux. La seule chose, c’est qu’on attend. On ne distribue des masques que lorsque c’est nécessaire, aux malades, aux cas contacts, dans la zone où circule le virus. […] On est sur une réserve du stock mais il n’y a pas de sujets de pénurie. » Et d’ajouter : « On le dira beaucoup en points presse, il ne faut pas s’inquiéter là-dessus. »
Deuxième acte : face au manque de masques, le ministre cible ses prédécesseurs
Trois semaines plus tard, la France est confinée. Le port du masque pour se prémunir du virus ne fait toujours pas partie des recommandations officielles. Le 17 mars, sur franceinfo, Olivier Véran reconnaît qu’il existe un sujet : « Nous avons assez de masques aujourd’hui pour permettre aux soignants d’être armés face à la maladie et de soigner les malades. Mais en fonction de la durée de l’épidémie, nous ne savons pas si nous en aurons suffisamment à terme », admet-il.
Interrogé le 19 mars par le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, lors de l’examen du projet de loi d’urgence sanitaire, le ministre de la Santé impute cette baisse à des décisions prises sous les précédents gouvernements, notamment à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy : « En 2010, il y avait dans notre pays un stock d’Etat d’un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques FFP2. Il y avait donc 1,6 milliard de masques. Le même nombre qu’en 2008 et qu’en 2009. Il y a eu la grippe H1N1, il y a eu une saisine du Haut conseil de santé publique et il y a eu une décision à l’époque qui consistait à dire qu’il n’est plus nécessaire de conserver et d’alimenter des stocks d’Etat en maques chirurgicaux », explique-t-il. « En 2011, il n’y avait plus que 800 millions de masques chirurgicaux, en 2012, 680 millions, en 2013, 550 millions, et ainsi de suite. Puis, quand je suis arrivé au ministère et quand Agnès Buzyn était ministre, il y avait 150 millions de masques chirurgicaux, et aucun masque FFP2 », a encore détaillé le ministre.
« A l’époque [en 2011, ndlr], il a été considéré qu’avoir des stocks qui peuvent se périmer n’était pas indispensable dans la mesure où la production de masques était gigantesque, notamment en Chine et qu’on pourrait s’alimenter en temps venu », poursuit Olivier Véran. « Mais ce qu’on n’avait pas anticipé à l’époque, c’est que la Chine serait percutée avant la France par une épidémie terrible, qui frapperait la première région industrielle productrice de masques au monde et qu’il n’y aurait plus une usine qui tournerait pendant trois mois. » Et d’enfoncer le clou : « Nous étions un pays, hélas, qui n’était pas préparé du point de vue des masques et des équipements de protection, à une crise sanitaire, en raison d’une décision qui a été prise il y a 9 ans ».
L’enquête parlementaire lancée par le Sénat sur la gestion de l’épidémie, dont les conclusions ont été publiées en décembre 2020, a montré que les réserves étaient passées de presque 2 milliards d’unités (masques chirurgicaux et FFP2) à la fin des années 2000 à seulement 100 millions à la veille de la crise sanitaire. Le 3 octobre 2018, plus de 600 millions de masques ont notamment été déclarés non conformes aux nouvelles normes, mais le stock stratégique n’a pas été réapprovisionné à hauteur. « Un choix incompréhensible » pour le Sénat.
>> Lire notre article - Covid-19 : les sénateurs accusent Jérôme Salomon d’avoir fait pression pour modifier un rapport compromettant sur les masques
Le 21 mars 2020, lors d’une conférence de presse, le ministre de la Santé assure que la France a pris les devants pour tenter de compenser son faible stock : « C’est parce que nous avons, dès le début, considéré que la disponibilité en masques allait être une difficulté dans la gestion de cette crise qu’il a été décidé de recourir dès le mois de janvier à l’importation de masques, en provenance de tous les pays producteurs, avant même les premiers cas sur le territoire national ». Des propos qui contredisent toutefois ceux tenus en janvier, devant le Sénat, par son directeur général de la Santé sur l’absence de pénurie.
À partir de 2 minutes dans la vidéo ci-dessous :
Troisième acte : Olivier Véran récuse les accusations de mensonge
Auditionné le 24 septembre 2020 par la commission d’enquête du Sénat, Olivier Véran assure n’avoir jamais cherché à dissimuler la vérité aux Français sur le stock de masques. En revanche, le locataire de la rue de Grenelle cible l’Organisation mondiale de la Santé, dont les recommandations auraient, selon lui, poussé la France à minimiser dans un premier temps l’importance du rôle des masques de protection pour freiner la propagation du virus : « Quand j’ai pris mes fonctions, en matière de stock de masques, le mal était fait. Mais si j’avais dû dire aux Français : on aurait dû vous donner des masques, mais on n’en a pas, je le leur aurais dit. La doctrine et le stock sont deux choses différentes. En l’occurrence, on n’avait pas un stock suffisant, même pour protéger les soignants », a-t-il déclaré. « Quant à la doctrine, elle était inspirée des recommandations scientifiques françaises, européennes et internationales, et nous l’avons fait évoluer bien avant l’OMS : lorsque, le 4 ou le 5 juin, elle a considéré que le masque grand public pouvait, sans faire consensus scientifique, être intéressant, il y avait belle lurette que nous produisions des masques grand public. »
Suivant ce raisonnement, le ministre avait donc estimé que même si l’Etat avait disposé d’un stock nécessaire de masques au début de la pandémie, ceux-ci n’auraient peut-être pas été distribués. « Je ne veux pas donner l’impression d’être au-dessus de la polémique. Je comprends parfaitement qu’on s’interroge. Est-ce que je regrette qu’on n’ait pas eu les stocks de masques suffisants pour protéger les soignants, les personnels hospitaliers, les médecins ? Évidemment oui. Mais, si nous avions eu 2 milliards de masques en stock, les aurait-on distribués à la population ? Sur la base des recommandations dont on disposait, je ne vois pas pourquoi on l’aurait fait. »