À l’initiative de la comédienne Anna Mouglalis, de la vice-présidente de l’association #metoomedia Muriel Réus et de la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert, 147 personnalités signent une tribune ce 14 mai dans Le Monde. Le texte, également publié sous forme de pétition par la Fondation des femmes, demande la mise en place d’une « loi intégrale contre les violences sexuelles et sexistes ».
Selon une étude de l’institut des politiques publiques, la part des classements sans suite pour des accusations de viol a augmenté, passant de 86 % en 2016 à 94 % en 2022. Un électrochoc pour les signataires de la tribune. « Nos prises de parole #metoo ont révélé une réalité plongée dans le déni : les violences sexistes et sexuelles sont systémiques, pas exceptionnelles. Pour autant, une affaire semble en chasser une autre, qui nous écoute vraiment ? », demandent-ils.
« La politique de lutte contre les violences sexuelles est une politique des petits pas »
« Sur la question du viol, une partie du travail a été fait mais il reste encore du chemin à parcourir », reconnaît Dominique Vérien, présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Si elle comprend et partage les constats de la tribune, la sénatrice centriste ne défend pas l’idée d’une loi globale sur le sujet.
« J’ai toujours dit que cette politique de lutte contre les violences sexuelles était une politique des petits pas, au fur et à mesure de l’évolution de la société. La preuve c’est que, depuis la grande loi de Marlène Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, nous n’avons fait que revenir dessus car le compte n’y était pas », estime Dominique Vérien.
« Réclamer une grande loi, cela veut dire ne pas procéder à des avancées petit à petit pour finalement ne jamais mettre de moyens supplémentaires à leur mise en œuvre », explique de son côté la sénatrice centriste Annick Billon. L’ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes reconnaît également l’intérêt d’une méthode des petits pas, qui a déjà permis d’intégrer dans la loi un seuil de non-consentement avant l’âge de 15 ans, une avancée obtenue en 2021, trois ans après la loi Schiappa.
« Sans moyens, une meilleure définition juridique du viol ne changera rien »
Pour améliorer le traitement des plaintes, le gouvernement explore pour le moment une autre piste : inclure dans la définition juridique du viol la notion de consentement. À l’Assemblée, un groupe de députés travaillent à l’élaboration d’un texte, qui pourrait être débattu d’ici la fin de l’année. « L’ajout du seul mot « consentement » dans la loi ne permettra pas de rattraper le retard abyssal de la France en la matière », dénoncent les signataires de la tribune.
Mais pour les deux sénatrices, le problème est ailleurs, la réduction du nombre de classements sans suite passe avant tout par la formation des personnels. « Sans moyens, une meilleure définition juridique du viol ne changera rien. Une fois que quelque chose est inscrit dans la loi, il faut des moyens pour que cela change réellement la vie des femmes. C’est la même réflexion que pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution », défend Annick Billon. « Il faut former les policiers, les gendarmes et les magistrats pour qu’ils chaussent d’autres lunettes, qu’ils se placent davantage du côté des victimes dans le recueil de leurs témoignages et la collecte de preuves », ajoute Dominique Vérien.
L’examen d’un plan global n’est pour le moment pas d’actualité, mais les avancées se poursuivent au Parlement. Ce 14 mai, le Sénat examine une proposition de loi visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection afin d’accorder plus durablement la protection aux femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales. Le texte a déjà été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.