Mixité scolaire : un rapport sénatorial propose de réformer la carte des établissements REP

Le sénateur LR Olivier Paccaud propose de redessiner la carte de l’éducation prioritaire, afin de mieux prendre en compte les évolutions socio-économiques qui ont eu lieu depuis 2015 notamment. Le gouvernement assure de son côté que ce travail est en cours au sein du ministère de l’Education nationale.
Louis Mollier-Sabet

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Rapporteur spécial du budget de l’enseignement scolaire, le sénateur LR Olivier Paccaud a rendu ce mercredi un rapport appelant à une réforme des politiques d’éducation prioritaire, et notamment à la refonte de la carte des établissements classés « REP » et « REP + ». Depuis 2015 et la transformation des « zones d’éducation prioritaires » (ZEP) en « réseaux d’éducation prioritaire » (REP), le classement des établissements en REP n’a en effet pas été revu. La carte des établissements REP et REP + ne « reflète pas les nouvelles réalités sociodémographiques », remarque ainsi la Cour des comptes dans un rapport publié ce mardi. « D’abord, il y a pu avoir des évolutions socio-économiques en dix ans, explique Olivier Paccaud. Ensuite, dès 2015 certains choix ne correspondaient pas à la réalité, puisqu’au niveau des écoles notamment, nous ne disposions pas des IPS [indice de position sociale]. »

Indice de position sociale (IPS)

Indicateur utilisé depuis 2016 en interne par l’administration du ministère de l’Education nationale, il n’a été rendu public qu’en juillet 2022, après une décision du tribunal administratif en faveur du journaliste de la Gazette des communes, Alexandre Léchenet.

Construit à partir d’une enquête de 2008 ayant permis d’identifier les facteurs de réussite scolaire tels que le diplôme des parents, les conditions matérielles d’apprentissage à la maison, ou le capital culturel, l’IPS associe un indicateur chiffré aux professions des parents. Plus cet indicateur est élevé, plus le contexte familial de l’élève est favorable à sa réussite scolaire.

Compris entre 38 et 179, la moyenne des IPS des élèves permet de situer socialement la population fréquentant un établissement. Plus il est élevé, plus le public en question est favorisé socialement et vient d’un milieu facilitant les apprentissages.

La publication des données à la fin de l’année 2022 a permis de confirmer l’existence de véritables disparités sociales entre le public et le privé, les établissements privés jouissant en moyenne « d’IPS » bien plus élevés que les établissements publics.

« Ce sont des cas un peu extrêmes, mais il y a des collèges qui ont un IPS en dessous de 80 et qui ne sont pas classés REP, tandis qu’il y en a d’autres au-dessus de 110 qui y sont », détaille le sénateur. L’une des propositions du rapport est ainsi de ne plus classer les écoles en REP en fonction des collèges auxquels elles sont affectées, mais bien par rapport à leur propre « IPS » à l’échelle de l’établissement. Par ailleurs, Olivier Paccaud suggère de passer d’un classement binaire en REP ou non, à un « continuum » plus « progressif » des aides accordées au titre de l’éducation prioritaire en fonction d’indicateurs socio-économiques.

Le sénateur de l’Oise dénonce aussi un découpage qui a « exclu de facto » de nombreux collèges ruraux, à cause du critère de proximité à un quartier « politique de la ville », qu’il propose de supprimer.

Faire passer les classes dédoublées de 12 à 15 élèves

Au-delà de la refonte de la carte des réseaux d’éducation prioritaire, Olivier Paccaud propose aussi une réforme du dédoublement des classes de CP, CE1 et de grande section de maternelle mis en place depuis 2017. « Le dédoublement, c’est l’équivalent de 16 000 postes et de 800 millions d’euros par an. Ce sont des postes que l’on a pris en partie sur les remplacements, cela a aussi fait vase communicant », pointe le sénateur LR alors qu’Élisabeth Borne a fait des remplacements une priorité (voir notre article sur son audition au Sénat).

Face au « poids significatif » du dispositif sur les dépenses d’éducation, le rapporteur propose de faire passer les classes dédoublées de 12 à 15 élèves. Une mesure qui permettrait de réaffecter 850 postes pour « redonner de l’oxygène », sur les remplacements notamment. Concernant l’efficacité du dispositif, la Cour des comptes estime qu’à court terme, « la réduction de la taille des classes en REP + a eu un effet sur la progression des élèves en français et en mathématiques au cours de leurs premières années d’enseignement élémentaire. » À plus long terme en revanche, « le dispositif de dédoublement ne semble pas avoir d’impact sur [la] tendance persistante » de scores aux tests de mathématiques et de français « systématiquement et significativement » inférieurs en REP +. 

Le ministère prévoit bien de « revisiter » les politiques d’éducation prioritaire

Des propositions accueillies plutôt favorablement par Patrick Mignola lors des questions d’actualité au gouvernement ce mercredi. En l’absence d’Élisabeth Borne, le ministre chargé des Relations avec le Parlement a assuré que l’utilisation des 2,6 milliards d’euros consacrés aux politiques d’éducation prioritaires devait être « revisitée, sur la base de ce que la Cour a constaté, mais aussi du travail réalisé au sein du ministère de l’Education nationale. »

« Le dédoublement des classes a commencé à produire des effets positifs à certains endroits, mais il faut approfondir les politiques d’évaluation. La révision de la carte d’éducation prioritaire doit être mise à l’ordre du jour », a développé le ministre, avant de promettre le « partage » aux parlementaires et aux élus locaux du travail mené actuellement par le ministère.

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