Mobilisation contre la réforme des retraites : syndicalistes et élus se projettent déjà vers « les défis » sociaux à venir

En marge de la quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, syndicalistes et élus de gauche saluent le rapport de force qu’a construit, au fil des mois, l’intersyndicale avec le gouvernement. Même si la page des retraites semble désormais sur le point de se tourner, ils espèrent parvenir à imposer à l’exécutif un agenda de discussions centré sur les revendications salariales et le pouvoir d’achat.
Romain David

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Une ultime démonstration de force avant la réédition ? L’intersyndicale mobilisée depuis cinq mois contre la réforme des retraites appelait ce mardi 6 juin à une quatorzième journée de mobilisation. Près de trois mois après l’adoption par le Parlement du recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, les opposants à la réforme se sont donné rendez-vous à deux jours du débat, en séance publique à l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi visant à abroger la mesure d’âge, mais dont les chances d’adoption sont particulièrement minces. Quelque 250 manifestations et rassemblements étaient prévus à travers la France.

Les autorités attendent entre 400 000 et 600 000 personnes, dont 40 000 à 70 000 dans le seul cortège parisien, indique l’agence France-Presse. Le taux de mobilisation déterminera l’avenir du mouvement, alors que 58 % des Français déclarent soutenir la contestation et 66 % se disent toujours opposés à la réforme, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié le 31 mai. Le dispositif de sécurité prévoyait le déploiement de 11 000 membres des forces de l’ordre, dont 4 000 rien que dans la capitale.

Laurent Berger (CFDT) : « On veut un profond changement de méthode »

« On aurait souhaité, on souhaite encore que l’Assemblée nationale puisse se prononcer sur une mesure qui va changer la vie de millions de travailleurs et de travailleuses en France, c’est-à-dire le report de l’âge légal à 64 ans », a fait savoir Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, au micro de Public Sénat à quelques minutes du coup d’envoi de la manifestation. « Les manifestants dans les cortèges sont moins nombreux qu’aux dernières manifestations, c’est une évidence, mais leur présence montre encore un désaccord profond avec cette réforme, ce qui nous permet aussi de montrer que les organisations syndicales sont encore là face aux défis qui sont devant nous », relève celui qui passera le flambeau, le 21 à juin, à Marylise Léon, l’actuelle secrétaire adjointe de la CFDT.

« On veut un profond changement de méthode », avertit Laurent Berger à l’adresse du gouvernement qui tente, depuis plusieurs semaines, de bâtir un nouvel agenda social avec les partenaires sociaux. « On ne se contentera pas de sujets sur une liste, on veut des avancées sur l’emploi des seniors avec des contraintes pour les employeurs, on veut des avancées sur la pénibilité, on veut des avancées sur l’évolution des ordonnances de 2017. Ces sujets seront sur la table », martèle Laurent Berger qui souligne le poids retrouvé des organisations syndicales, « qui ont pris encore plus de centralité dans le monde du travail ces six derniers mois. »

Sophie Binet (CGT) : « Pas question pour nous que l’on nous impose un agenda régressif »

La nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, estime également que l’intersyndicale restera unie dans les mois à venir, sans pour autant qu’il s’agisse d’une fin en soi. « Les retraites resteront toujours un combat et l’intersyndicale restera unie pour dire que cette réforme est violente socialement, injustifiée économiquement et qu’elle doit être abrogée ou ne pas être appliquée », assure-t-elle.

Se projetant aussi sur les prochains sujets de débats avec le gouvernement, elle n’entend pas se plier à un mémorandum : « Nous voulons que les exigences des salariés soient enfin entendues et prises en compte en matière d’augmentation des salaires, de prévention des conditions de travail. Nous voulons parler égalité des femmes et des hommes, des mesures sur la prise en compte des enjeux environnementaux… Bref, il doit y avoir des négociations sur ces sujets », énumère-t-elle. « Pas question pour nous que l’on nous impose un agenda régressif. Et que l’on ne nous dise pas que l’on va discuter de la conditionnalité du RSA. Ce n’est pas le RSA qu’il faut conditionner, ce sont les aides publiques aux entreprises, il ne faut pas se tromper de combat. »

Patrick Kanner (PS) : « Il y aura d’autres combats »

« La loi est promulguée, mais elle reste injuste et impopulaire », estime Patrick Kanner, le président des sénateurs socialistes, également présent dans le cortège parisien ce mardi. Cet élu du Nord ne doute pas que les répliques de la crise politique déclenchée par la réforme des retraites continuent à se faire sentir dans les mois à venir. Il évoque notamment le couperet des sénatoriales, en septembre prochain, au cours desquelles les sièges de la Haute Assemblée seront renouvelés de moitié. « Que diront les sénateurs Renaissance qui ont voté pour cette réforme injuste aux maires ? On verra bien s’il n’y aura pas une sanction dans les urnes, même avec un scrutin indirect. »

« Est-ce qu’il y aura une quinzième journée de mobilisation ? Peut-être pas sur les retraites mais il y aura d’autres combats », prédit encore Patrick Kanner. « Notamment sur le pouvoir d’achat avec l’inflation qui rogne le portefeuille des plus petits, des modestes, des fonctionnaires, et qui devient insupportable. »

Carole Delga (PS) : « Il ne faut jamais rien lâcher en politique »

Autre personnalité de gauche à marcher dans le cortège parisien, Carole Delga, la présidente PS du conseil régional d’Occitanie. Auprès de Public Sénat, elle rappelle les répercussions de la réforme « sur les femmes qui ont eu des carrières fractionnées » et la prise en compte insuffisante à ses yeux des critères de pénibilité pour certains métiers. « Je serais toujours aux cotés de ce peuple-là, de celles et ceux qui s’opposent à cette réforme injuste qui demande aux plus pauvres, aux plus impactés par la vie, de faire le plus d’efforts », explique la socialiste. Celle à qui l’on prête des ambitions présidentielles ajoute enfin : « Il ne faut jamais baisser les bras, il ne faut jamais rien lâcher en politique et se tenir prêt pour mettre en place un nouveau projet de société, plus juste. »

(Images : Audrey Vuetaz et Cécile Sixou)

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