Cet accident a conduit à un long débat sur la sécurisation de la chasse au Sénat. En décembre 2020, Morgan Kean coupait du bois dans sa propriété de Calvignac dans le Lot lorsqu’il est abattu par une balle perdue d’un chasseur.
Les proches de la victime et les opposants à la chasse dans le Lot créent le collectif, « Un jour un chasseur », qui quelques mois plus tard dépose une e-petition sur la plateforme dédiée du Sénat. Le texte demande alors l’interdiction de la chasse les mercredis et dimanches, un renforcement des règles de sécurité, un contrôle des armes de chasse et des comportements à risque, un renforcement des sanctions pénales et la reconnaissance des victimes de la chasse par l’État.
Sans même attendre les 100 000 signatures en 6 mois, le seuil nécessaire pour déclencher une action parlementaire, selon le règlement du Sénat, les commissions des affaires économiques et des lois, annoncent en novembre 2021 la création d’une mission parlementaire sur la sécurisation de la chasse, « face à l’émotion suscitée par les accidents dramatiques récents ».
Une initiative qui semble quelque peu contre nature dans cette maison traditionnellement pro-chasse. A l’orée de la campagne présidentielle, plusieurs candidats s’emparent du sujet notamment Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot favorables à l’instauration de jour sans chasse.
Un rapport du Sénat qui ne contente personne
Après des mois de travaux et de nombreuses auditions, le rapport est présenté en septembre dernier mais n’a satisfait ni les anti-chasse, ni les fédérations de chasseurs. En effet, le jour de la sortie du rapport, le président de la Fédération Nationale des chasseurs, Willy Schraen avait affirmé dans un communiqué qu’il s’agissait de « 30 propositions liberticides ». (Ce rapport) « a oublié d’en mentionner une 31ème : interdire tout bonnement la chasse ! Ce qui reviendrait au même et serait plus sincère de la part de ces sénateurs, sous influence des anti-chasse », avait-il accusé.
Le rapporteur de la mission, Patrick Chaize (LR) avait réfuté toute influence du lobby de la chasse sur les travaux de la mission de contrôle. « Nous avons recherché l’efficacité plutôt que le signal politique », avait-il expliqué.
Les élus ont pourtant écarté l’hypothèse d’une journée d’interdiction hebdomadaire. Statistiques à l’appui, les sénateurs ont balayé toute évolution en ce sens au niveau national. « On ne retrouve pas cette surreprésentation dans les accidents ayant pour victimes des non-chasseurs qui se répartissent sur toute la semaine sans pic marqué le mercredi ou le week-end », souligne le rapport. La mission a aussi plaidé en faveur d’un délit d’entrave à la chasse. Actuellement, s’opposer à un acte de chasse, est considéré comme une contravention. Une disposition visant à transformer cette contravention en délit, puni d’un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, avait été votée au Sénat en avril 2019.
L’essentiel de leurs 30 propositions consiste en un renforcement des dispositifs déjà existants. Quelques mesures plus fortes aussi, comme le durcissement des conditions d’obtention du permis de chasse, la nécessité d’un certificat médical annuel, tel qu’il se pratique déjà dans les sports ayant recours au maniement d’armes à feu, ou encore l’interdiction de la chasse en état d’ébriété ou sous stupéfiants. « L’évidence même », avait raillé Mila Sanchez, co-fondatrice du collectif « Un jour un chasseur ».
Le gouvernement prépare une série de mesures pour sécuriser la chasse
Néanmoins, cette dernière mesure a les faveurs de Bérangère Couillard, la secrétaire d’Etat chargée de l’écologie qui présentera dans quelques semaines une série de mesures pour un meilleur encadrement de la chasse. L’hypothèse d’un jour sans chasse n’est pour le moment pas écartée.
Ce jeudi au tribunal correctionnel de Cahors, soulignant la « gravité des manquements à l’origine du décès de Morgan Keane », le procureur a requis deux ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis à l’encontre de l’auteur du tir mortel et 18 mois d’emprisonnement, dont 12 avec sursis, contre le directeur de battue. Le jugement a été mis en délibéré le 12 janvier.
Il a par ailleurs demandé un retrait définitif du permis de chasse des deux prévenus et une interdiction de détenir des armes pendant cinq ans.
En France, le nombre d’accidents de chasse est à la baisse depuis 20 ans, selon l’Office français de la biodiversité (OFB). Néanmoins, pour la saison 2021/22, l’OFB a recensé 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux concernant des victimes non-chasseurs.