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Mort de Nahel : la polémique grandit autour de la cagnotte ouverte pour le policier de Nanterre

Une cagnotte en ligne, lancée au bénéfice de la famille du policier inculpé pour le tir mortel qui a visé Nahel, a franchi ce 3 juillet la barre du million d’euros. A gauche, les demandes de clôture se multiplient. Le président de LR, Eric Ciotti, dit comprendre que des Français soutiennent une famille « dans l’épreuve ». Dans les rangs de la droite, majoritaire au Sénat, plusieurs membres estiment que cet élan traduit un sentiment « de ras-le-bol » dans l’opinion.
Guillaume Jacquot

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La tournure devient de plus en plus politique au fur et à mesure que les compteurs progressent. Lancée il y a quatre jours, la cagnotte de soutien à la famille du policier de Nanterre, mis en examen pour homicide volontaire, a dépassé le seuil symbolique ce 3 juillet du million d’euros. A l’heure où nous écrivons ces lignes, près de 45 000 personnes ont effectué un don sur une plateforme, pour un montant cumulé de 1,13 million d’euros. La cagnotte destinée à soutenir la mère de Nahel, tué par un tir policier lors d’un contrôle, a récolté quant à elle 232 000 euros à cette heure, grâce au soutien de près de 12 000 internautes.

« Soutien pour la famille du policier de Nanterre, Florian M. qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort. Soutenez-le MASSIVEMENT et soutenez nos forces de l’ordre ! » peut-on lire en description sur cette initiative lancée par Jean Messiha, ancien porte-parole d’Eric Zemmour durant la campagne présidentielle.

Le socialiste Olivier Faure dénonce une « cagnotte de la honte », 

Après plusieurs nuits d’émeutes dans un grand nombre de villes françaises, qui ont suivi le décès du jeune Nahel, l’opération scandalise un grand nombre de personnalités de gauche. Beaucoup ont fait part publiquement de leur colère à l’égard de la plateforme GoFundMe, l’accusant de soutenir une « cagnotte de la honte », pour reprendre les mots du premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.

Tout au long de la journée de dimanche, à mesure que les dons progressaient, les appels à clôturer la cagnotte se sont accumulés chez les partis membres de la NUPES. « Le message envoyé aux victimes de violences policières est monstrueux. Qu’attendez-vous pour la fermer ? » a ainsi interpellé ce lundi la sénatrice (EELV) Mélanie Vogel. « Le message assumé c’est tuez des arabes et vous deviendrez millionnaires, et le gouvernement regarde passer cette horreur sans rien dire alors qu’il avait fait clôturer en deux jours la cagnotte du gilet jaune qui avait frappé un policier », s’est indigné dimanche le député du Nord David Guiraud (La France insoumise).

« Pas le sujet du gouvernement », selon Olivier Klein

Au gouvernement, les réactions sont beaucoup plus neutres. « D’abord, il y a un grand principe, c’est que chacun peut exprimer ses sentiments et participer à une cagnotte […] Mais je pense pour le coup que ça ne va pas dans le sens de l’apaisement », a commenté ce matin le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, sur France Inter. Et d’ajouter, au sujet de la personne à l’origine de la cagnotte : « Je me demande s’il n’y pas derrière tout ça de l’instrumentalisation. » Pour Olivier Klein, ministre de la Ville et du Logement, s’est aussi timidement exprimé. « Ce n’est pas le sujet du gouvernement. Je n’ai pas à commenter cette cagnotte », a-t-il affirmé sur les ondes de France Info. Pour seule position politique sur le sujet, l’ancien maire PS de Clichy-sous-Bois s’est contenté de dire « quand l’extrême droite fait des choses, elle ne le fait pas sans arrières pensées ».

Chez les Républicains, peu de commentaires exprimés sur le bien-fondé ou non de la cagnotte en soutien de la famille du policier inculpé. Dimanche, sur le plateau de BFMTV, le président du parti, Eric Ciotti a indiqué qu’il n’était pas choqué par le principe de cette cagnotte, tout en pointant « une forme de récupération politique », de la part de Jean Messiha. Le député des Alpes-Maritimes a fait le distingo avec la cagnotte ouverte par des policiers à travers l’Amicale motocycliste des Hauts-de-Seine. Celle-ci affiche plus de 64 000 euros de dons ce lundi soir, et près de 2700 participants. « Celle des motards, c’est pour le soutien à la famille, celle-là, je crois qu’on peut comprendre que des Français veuillent soutenir une famille qui était aussi dans l’épreuve », a-t-il développé. Ce matin, sur LCI, Eric Ciotti a fait savoir qu’il « pourrait » y participer.

« Les Français soutiennent la police », considère Jacqueline Eustache-Brinio (LR)

Au sein du groupe LR au Sénat, beaucoup considèrent que le niveau de la participation traduit un sentiment grandissant dans l’opinion publique. « On ne peut pas ignorer ce qu’elle exprime dans l’esprit des Français. Les Français soutiennent la police. Mais ça ne remet pas en cause ce que dira la Justice sur ce qu’il s’est passé à Nanterre », observe la sénatrice LR du Val-d’Oise, Jacqueline Eustache-Brinio. « Quand on voit la somme annoncée aujourd’hui, ça nous surprend tous. On n’aurait pas imaginé ça », ajoute-t-elle en déplorant les « leçons » de la gauche. « Nous sommes dans un pays de libertés. Chacun a le droit de soutenir la cause qu’il a envie de soutenir. »

« Chacun donne l’argent à qui il veut, ce n’est pas mon sujet », balaye également le sénateur Jérôme Bascher, quasiment sur le même état d’esprit que son président de parti. « Une cagnotte un peu politique, je trouve ça un peu dommage. Soit on est généreux, soit on fait de la politique. La générosité ne fait pas de bruit, sinon ça s’appelle de la récupération. Je trouve ça triste et malheureux », fait savoir le sénateur de l’Oise. La progression des dons illustre cependant un message de l’opinion, selon lui. « La population manifeste son ras-le-bol grâce à cette cagnotte. Les Français veulent de l’ordre. »

Sénateur du Maine-et-Loire, un département qui n’a pas été épargné non plus par les troubles, Stéphane Piednoir évoque lui aussi une « mobilisation étonnante ». « Cela montre bien la préoccupation des gens sur l’ordre dans notre pays, c’est avant tout ce que ça signifie. » Le sénateur affirme « distinguer » la cagnotte de Jean Messiha de celle des motocyclistes de la police. « Si c’est une démarche citoyenne, et celle des motards je la classe plutôt dans cette catégorie, je comprends. C’est une famille qui va devoir faire face à des frais, et se reloger. » Stéphane Piednoir exprime en parallèle une inquiétude sur ce qu’illustre cet élan. « Je ne sais pas si tous ceux qui ont contribué à cette cagnotte comprennent de quoi il s’agit, mais cela montre bien qu’il y a deux clans désormais. Je me souviens des mots de Gérard Collomb, quand il a quitté le ministère de l’Intérieur : aujourd’hui on vit côte à côte… Je crains que demain on vive face à face. »

De son côté, la plateforme qui héberge la cagnotte initiée par Jean Messiha estime que cette dernière est « conforme » aux conditions d’utilisation et qu’elle ne sera pas bloquée, selon BFM Tech&Co qui a contacté le site.

En 2019, Leetchi avait décidé de fermer une cagnotte lancée en soutien à Christophe Dettinger, le Gilet jaune boxeur, qui s’était battu à mains nues face aux forces de l’ordre sur un pont parisien. La plateforme avait invoqué un non-respect de ses conditions générales d’utilisation qui « proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence ».

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