Un exil géographie
Dans le cas de Nina Bouraoui, le souvenir de l’exil passe d’abord par le souvenir lointain du traumatisme de la guerre d’Algérie puis de son indépendance jusqu’à son arrachement au pays pour rejoindre Paris. Pour Abnousse Shalmani le traumatisme est autre et elle l’écrit dans son roman :
« L’exil : une claque qui vous déstabilise à jamais. C’est l’impossibilité de tenir sur ses deux pieds, il y en a toujours un qui se dérobe comme s’il continuait de vivre au rythme du pays perdu ».
Livres & vous, Abnousse Shalmani et la figure de l'exilé
Dans une époque où les crises migratoires sont au cœur de nos préoccupations et ce dans toute l’Europe. Un autre regard donc que celui de ces deux romancières qui nous racontent à quel point l’exil peut aussi être une force…
Livres & vous, Abnousse Shalmani "Je suis métèque", je suis quelqu'un qui accepte "de ne pouvoir être rien d'autre qu'un exilé, j'en ai fait une force, je n'ai pas de limite"
Un exil intime
Pour Nina Bouraoui, l’exil est aussi intime. Son homosexualité traverse ses romans depuis ses débuts et celui-ci tout particulièrement. Débuté au moment des débats violents sur le mariage pour tous, elle écrit aussi pour rompre avec la culpabilité de cette homosexualité, homosexualité féminine souvent fantasmée dans un monde d’hommes et parfois même invisibilisé par l’homosexualité masculine, le titre de son roman se joue justement de cette ambiguïté, Tous les hommes désirent naturellement savoir …
Écrire donc pour combattre la honte et sa propre homophobie…
Livres & vous, Nina Bouraoui "L'écriture comme réponse à la difficulté de porter l'homosexualité"
Cet exil intime et féminin oblige aussi nos romancières à s’interroger sur le pays qu’elles ont quitté. La violence qu’a vécue la mère de Nina Bouraoui en Algérie en tant que française, pour Abnousse Shalmani c’est la contrainte du voile en Ira
Elle réagit justement au travail du juriste Anton Struve qui relaie quotidiennement sur Twitter des vidéos de femmes iraniennes qui retirent leur voile.
Livres & vous, Abnousse Shalmani à propos d'Anton Struve qui présente des femmes iraniennes qui se dévoilent
Une entreprise féministe qu’Abnousse Shalmani dit avoir initié très jeune à 6ans…
« « A poil » dans la cour, poursuivie par des « femmes corbeaux » qui se prennent les pieds dans leur tchador. Elle se souvient : «Mon cul nu était l’insulte suprême, la révolte absolue.» Et d’ajouter : «Si tout le monde s’était foutu à poil, Khomeiny aurait cédé !»
Bien que liées par la question de l’exil ce sont deux approches féministes que l’on découvre chez ces deux romancières et c’est peut-être sur #metoo que leurs avis divergent le plus. Abnousse Shalmani avait signé la tribune du Monde sur la « liberté d’importuner » l’an dernier.
Livres & vous, Abnousse Shalmani à propos de la liberté d'importuner et de la tribune
Une signature qu’elle regrette un peu et qu’elle tempère par ces mots
«Ma crainte, c'est que la victimisation ne se transforme en infériorisation».
Un combat, des combats qu’il faut sans cesse recommencer…
Retrouvez l’intégralité de l’émission Livres&vous vendredi 5 octobre à 22h sur Public Sénat.