Noël Le Graët : pourquoi le patron de la FFF ne peut pas être limogé par la ministre des Sports ?

Noël Le Graët : pourquoi le patron de la FFF ne peut pas être limogé par la ministre des Sports ?

La pression devient intenable pour le président de la Fédération Française de Football. Après ses propos désobligeants sur l’icône Zinédine Zidane, la ministre des Sports appelle le comité exécutif (Comex) de la FFF « à prendre ses responsabilités ». Malgré cette injonction, Noël Le Graët est pratiquement le seul à pouvoir mettre prématurément fin à ses fonctions.
Simon Barbarit

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« Je n’en ai rien à secouer ». « Je ne l’aurais même pas pris au téléphone ». Ces propos visant, Zinédine Zidane vont-ils précipiter la chute de Noël Le Graët ? Dimanche interrogé par RMC sur la reconduction de Didier Deschamps à la tête de l’équipe de France, le patron de la Fédération Française de Football a taclé sans raison l’icône du football mondial, un temps pressenti pour prendre la tête de l’équipe nationale si jamais les résultats étaient décevants au dernier mondial au Qatar. Des propos qui s’ajoutent à d’autres déclarations polémiques du dirigeant de la 3F.

« Il nous a habitués à ces sorties de route »

Mais cette fois-ci, Noël Le Graët a fait l’unanimité contre lui. Seul joueur de l’équipe de France en activité, Kylian Mbappé n’a pas hésité à fustiger son président pour son « manque de respect à la légende ».

La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra s’est placée dans la roue du champion du monde en dénonçant « des propos hors sol ». « Il nous a habitués à ces sorties de route. Je pense qu’on a tous en tête ce qui a été dit ces dernières années, des paroles qui minimisaient les risques, parfois la prégnance des phénomènes de racisme et d’homophobie dans le football, qui ont pu choquer des communautés », a-t-elle rappelé lundi, lors d’une conférence de presse. Elle a ensuite enjoint le comité exécutif (Comex) de la Fédération française (FFF) à « prendre ses responsabilités » mais sans demander explicitement la démission du dirigeant.

En effet, le pouvoir politique n’a pas la possibilité de démettre de ses fonctions le président de la FFF, une association régie par la loi du 1er juillet 1901. La FFF dispose toutefois d’une délégation de service public. A ce titre la Fédération perçoit des subventions de l’Etat, en échange, elle s’engage à déployer une stratégie « portant sur la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineur(e) s, la préservation de l’éthique et de l’équité des compétitions sportives, les concertations engagées avec les acteurs représentatifs, notamment les sportifs (ves) et les entraîneur(e) s, le développement durable, la bonne gouvernance de l’instance comme de ses Ligues et Districts » peut-on lire sur le site de la FFF.

« Un système qui irresponsabilise les dirigeants de la FFF »

« Ces missions de service public sont un peu symboliques car la Fédération de football, très puissante financièrement, peut se passer des moyens publics. C’est d’ailleurs l’une des seules qui ne disposent pas de cadres techniques de l’Etat en son sein. Le système Français est fait de telle sorte que les aspects sociétaux du football comme le supporterisme ou le racisme sont renvoyés à l’Etat et la Fédération se concentre sur l’aspect sportif. C’est un système qui pour moi, irresponsabilise les dirigeants de la FFF. On a vu avec la Coupe du monde que Qatar que certaines questions, qu’on ne se posait pas avant, s’imposent maintenant à la FFF. Et ça va continuer », indique Patrick Mignon, sociologue du sport.

Suite à des révélations parues dans la presse, c’est toutefois au titre de cette délégation de service public que le ministère a commandé un audit il y a quelques semaines afin d’éclaircir les pratiques managériales de l’instance en matière de violences sexistes et sexuelles. Noël le Graët est lui-même visé par des accusations d’agression sexuelles. L’agente de joueurs Sonia Souid a témoigné, ce mardi, du comportement inapproprié du président de la FFF, message vocal du mis en cause à l’appui. De quoi affaiblir un peu plus Noël Le Graët, auditionné ce mardi, au ministère des Sports, dans le cadre de l’audit.

Le précédent 2010

Mais faute de lien hiérarchique, le gouvernement ne peut que faire pression sur la FFF. En 2010, le fiasco de la Coupe du Monde en Afrique du Sud, avait coûté la place de Jean-Pierre Escalettes, alors à la tête de la FFF. La ministre des Sports de l’époque, Roselyne Bachelot avait jugé son départ « inéluctable ». « Les joueurs ne doivent toucher aucune rémunération, le sélectionneur s’en va […] le dernier acteur de ce désastre est la Fédération », avait-elle déclaré. Le choix de diligenter un audit au sein de la FFF avait été écarté. En revanche, une commission d’enquête parlementaire avait été mise en place à l’Assemblée nationale.

Selon franceinfo, des membres du comité exécutif de la FFF tentent désormais de convaincre Noël Le Graët de convoquer un Comex (comité exécutif) extraordinaire afin qu’il s’explique sur ces propos à l’égard de Zinédine Zidane et sur les accusations dont il fait l’objet.

Mais Noël Le Graët, qui verra son mandat prendre fin en 2024, n’est statutairement pas menacé. Selon l’article 12 du règlement de la FFF. Seule l’Assemblée fédérale composée des représentants des clubs amateurs et professionnels peut mettre fin au mandat du Comité Exécutif « avant son terme normal » par un vote à bulletin secret à la majorité absolue.

 

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