Pas de dérogation au couvre-feu pour les spectacles : « La double peine » selon les sénateurs
Le Premier ministre s’est opposé à des dérogations au couvre-feu à 21h pour les salles de spectacles et de cinéma. « Une décision décevante », pour les sénateurs membres de la commission de la Culture.

Pas de dérogation au couvre-feu pour les spectacles : « La double peine » selon les sénateurs

Le Premier ministre s’est opposé à des dérogations au couvre-feu à 21h pour les salles de spectacles et de cinéma. « Une décision décevante », pour les sénateurs membres de la commission de la Culture.
Alexandre Poussart

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« Les règles doivent être les mêmes pour tous », a rappelé le Premier ministre Jean Castex, ce vendredi à Lille, en répondant à une question sur d’éventuelles dérogations au couvre-feu de 21h, en faveur du secteur de la culture. « Tout le monde doit être chez soi à 21h, sauf des exceptions très précises. Je suis sûr que tout le monde va s’adapter y compris le monde de la culture », a assuré Jean Castex. Pour Sylvie Robert, vice-présidente (PS) de la commission de la Culture au Sénat, « cette décision est très décevante et fait retomber tous nos espoirs. Ce confinement nocturne et le retour d’1 siège sur 2 dans les salles, c’est la double peine pour des acteurs culturels qui avaient fait des investissements afin de rouvrir cet été. »

La dérogation proposée par la ministre de la Culture Roselyne Bachelot

Avec cette décision, le Premier ministre a tranché un désaccord entre le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, et la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, favorable à des dérogations au couvre-feu pour le monde du spectacle. Dans une interview accordée ce vendredi matin au journal Le Parisien, Roselyne Bachelot avait demandé un assouplissement du dispositif pour les salles de spectacle. La ministre proposait que les programmations se terminent à 21h, et que le billet d’entrée fasse office de justificatif pour rentrer chez soi après le couvre-feu. « C’était une proposition raisonnable qui donnait de la souplesse aux acteurs culturels pour adapter leur programmation », remarque Sylvie Robert.

« Un enjeu de cohésion sociale »

« Entièrement d’accord avec la ministre de la Culture », a réagi sur Twitter la sénatrice centriste Sonia de la Provôté. « Au-delà de l’aspect économique, le maintien des spectacles et de l’ouverture des salles et autres théâtres est un enjeu démocratique et de cohésion sociale... Osons le dire, c’est humainement vital ! » « Cela aurait été un symbole fort de la part du gouvernement d’accepter cette dérogation », regrette Laure Darcos, sénatrice (LR). « Permettre aux Français d’aller aux spectacles aurait pu leur donner de la bonne humeur dans ces six semaines qui s’annoncent compliquées. J’espère au moins qu’ils liront des livres ! »

« La survie économique de tout un secteur est en jeu »

De son côté, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était opposé à cette proposition, ce vendredi matin dans une interview à BFMTV et RMC. « Je suis contre toute exemption. Ce qui fait la force d’une règle, c’est sa clarté, sa simplicité. Si vous commencez à multiplier les exemptions, on ne va pas s’en sortir », a affirmé le locataire de Bercy.

« Des dérogations il y en a déjà, notamment pour le secteur des transports. Cela montre que le secteur de la culture n’est pas assez bien considéré », réplique Laurent Lafon, sénateur centriste et président de la Commission de la Culture du Sénat. « J’ai été surpris que le ministre de l’Économie intervienne pour répondre à Roselyne Bachelot sur cette question des dérogations pour les spectacles. Elle demandait au moins une réponse sanitaire du ministre de la Santé mais pas de Bruno Le Maire. Et puis sur le terrain économique, rappelons que ce couvre-feu équivaut à une forte amputation de l’activité pour certaines salles. »

La sénatrice Sylvie Robert ajoute que « ce qui est en jeu c’est la survie de tout un secteur économique » (qui représente 2,3% de notre richesse produite) ».

« Un couvre-feu ne tient que s’il est respecté par tout le monde »

Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice (Les Républicains) de Paris, est plus nuancée sur cette décision : « Même si je pleure le secteur de la culture qui connaît une catastrophe actuellement, un couvre-feu ne tient que s’il est respecté par tout le monde. Si vous accordez une dérogation aux salles de cinéma, les restaurants, les bars, les salles de sport vont vous en demander. L’enjeu est surtout de prendre la décision au niveau sanitaire. »

Des mesures d’accompagnement du secteur culturel

Le Premier ministre Jean Castex a annoncé ce vendredi matin que des mesures de soutien aux entreprises culturelles touchées allaient être décidées dans la journée. La ministre de la Culture s’entretient ce vendredi après-midi après les représentants des professions concernées. « Il faut donner de la visibilité aux acteurs », demande Sylvie Robert, qui est aussi rapporteure du budget de la Culture au Sénat. « Les aides actuelles et le prolongement du prêt garanti par l’État jusqu’en juillet  2021 vont dans le bon sens. Mais il va falloir verser les aides rapidement car il y a des entreprises qui ne vont pas pouvoir tenir, et derrière il y a des artistes. Concernant le plan de relance et de soutien à la culture, il faudra calculer les pertes occasionnées par ce couvre-feu… »

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