L’ancienne ministre des Droits des femmes actuelle sénatrice socialiste, Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi, cosignée par l’ensemble des collègues de son groupe. Elle vise à reconnaître « les souffrances physiques et morales » infligées par une « législation prohibitionniste » avant 1975, date de l’adoption de la loi Veil. Le texte sera examiné en séance publique le 20 mars.
Patrimoine : les sénateurs veulent redonner vie aux églises pour lutter contre leur dégradation
Par François Vignal
Publié le
C’est un sujet sur lequel les sénateurs sont sensibles. Le patrimoine. La commission de la culture vient d’adopter, à l’unanimité, le rapport de la mission d’information sur l’état du patrimoine religieux. S’il n’est pas globalement catastrophique, certaines églises sont parfois menacées.
La sénatrice (apparentée LR) de l’Ardèche, Anne Ventalon, et le sénateur PCF des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, ont planché depuis février sur le sujet. « Pour les villages, l’église est un élément structurant, un élément central », rappelle Laurent Lafon, président centriste de la commission de la culture.
Les sénateurs sont partis d’un constat : « Les maires sont souvent démunis », notamment « les nouveaux élus », souligne Anne Ventalon. Globalement, « l’état (des églises) est correct mais elles se trouvent de plus en plus menacées, du fait d’un manque d’entretien », alerte la sénatrice de l’Ardèche.
Entre 2.500 et 5.000 églises menacées d’être abandonnées, vendues ou détruites d’ici 2030
Côté inventaire, les sénateurs ont dû faire face à une sérieuse lacune. « Le dernier inventaire national fait par le ministère de la Culture date de 1985 », « l’Etat a abandonné toute intervention dans ce domaine », regrette le communiste Pierre Ouzoulias, qui dénonce « un désengagement de l’Etat sur le patrimoine non protégé ». Pour trouver des chiffres, il faut se tourner vers l’Observatoire du patrimoine religieux. D’après l’association, il pourrait y avoir jusqu’à 100.000 lieux de culte en France, dont plus de 40.000 propriétés des communes, et 15.000 protégés au titre des monuments historiques.
L’enjeu se situe sur les édifices non-protégés. 500 édifices sont aujourd’hui fermés. Le culte n’y est plus exercé. Et entre 2.500 et 5.000 églises sont menacées d’être abandonnées, vendues ou détruites d’ici 2030, toujours d’après l’Observatoire du patrimoine. Pour rappel, les communes sont propriétaires des édifices religieux construits avant 1905, date de la loi de séparation des églises et de l’Etat.
Lire aussi » Patrimoine religieux : Stéphane Bern alerte les sénateurs sur l’état d’abandon des églises
Dans les cas extrêmes, « on peut arriver au point de la démolition », confirme Anne Ventalon, mais dans ce cas de figure rare, « une grosse mobilisation » se met en place pour sauver l’édifice. La situation est surtout plus compliquée à la campagne, c’est-à-dire dans les petites communes. « Les édifices en milieu rural sont plus dégradés qu’en milieu urbain. Ce sont des lieux plus fermés, moins fréquentés. Ce ne sont pas des lieux vivants », explique la sénatrice apparentée LR.
« Il faut cesser de voir le patrimoine comme une dépense, une charge. C’est un investissement »
Pour répondre aux risques qui pèsent sur certaines églises, les sénateurs n’appellent pas à une nouvelle loi, ni même à plus de moyens. Car ils sont là. Mais les élus ne sont pas toujours au courant. Ils doivent être épaulés. « Les maires ont besoin d’un accompagnement technique », demande Anne Ventalon, qui peut passer pour les petites collectivités par une aide à la maîtrise d’ouvrage. Autre idée : la création d’un guichet unique, pour centraliser, et donc simplifier, toutes les aides dont peuvent bénéficier les communes pour l’entretien des édifices.
Anne Ventalon note que certaines collectivités sont déjà plus engagées que d’autres, en matière de patrimoine, comme la région Auvergne Rhône-Alpes, « où il y a vraiment cette volonté politique d’accompagnement des élus locaux », ou les Yvelines, « un modèle qui pourrait être transposé à tous les départements ».
La dimension financière est essentielle évidemment. C’est aussi une question de perception. « Il faut cesser de voir le patrimoine comme une dépense, une charge. C’est un investissement », soutient Pierre Ouzoulias, qui souligne la dimension économique, par le tourisme, du patrimoine français. Reste que pour un village ou une petite ville, aux faibles ressources, la réfection du toit de l’église peut être un choix budgétaire lourd.
« La seule façon d’entretenir les églises, c’est d’ouvrir ces bâtiments »
S’ajoute la question du vandalisme, qui pousse certaines communes à fermer les églises « pour se protéger du vol. C’est une problématique », constate Anne Ventalon. Mais ces églises, parfois rongées par l’humidité, ou qui se lézardent, subissent à double titre la fermeture de leurs portes. Les architectes ont expliqué aux sénateurs que ces « immenses volumes ont une difficulté de circulation de l’air. La seule façon de les entretenir, c’est d’ouvrir ces bâtiments, avec des gens, de les chauffer ».
Alors au-delà de l’aide technique et financière pour les maires, l’enjeu est de faire vivre ces lieux. C’est ce que Pierre Ouzoulias appelle « la resocialisation » des églises. « Il faut favoriser les usages culturels, éducatifs, sociaux ou caritatifs », préconise sa collègue de l’Ardèche. Pierre Ouzoulias évoque encore « l’idée que les églises permettent la révision des étudiants. Et ça se fait déjà ».
Le rapport recommande aussi de lancer une opération nationale d’inventaire du patrimoine religieux, de doter les conservateurs des antiquités et objet d’art d’une base de données interopérable avec les régions et l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels, et le lancement d’un plan national en faveur de la préservation du patrimoine en péril. Il s’agit notamment de garantir la protection du patrimoine du XIXe et du XXe siècle – notamment les églises « en ciment et béton, un patrimoine très peu considéré », pointe Pierre Ouzoulias – ainsi que les synagogues, en Alsace.