Pauline Déroulède : « C’est dingue qu’on ait un permis de conduire illimité »

Pauline Déroulède : « C’est dingue qu’on ait un permis de conduire illimité »

Il y a 4 ans percutée à l’arrêt par un chauffard, Pauline Déroulède perd une jambe. Un triste et « banal » accident de la route dont la désormais numéro 1 française de tennis handisport a fait son combat : celui pour une route plus sûre, où les conducteurs ne disposeraient pas d’un permis de conduire illimité. Invitée dans l’émission « un monde, un regard » au micro de Rebecca Fitoussi, elle revient sur cette épreuve qui l’a révélée à elle-même.
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C’est l’histoire d’une reconstruction, l’histoire d’un combat pour reprendre son envol, et de nouveau avancer. En 2018, Pauline Déroulède est fauchée par un automobiliste. Sur le trottoir celle qui attend sa compagne partie acheter un bouquet de fleurs, est percutée par un conducteur âgé qui perd le contrôle de son véhicule. « J’étais au mauvais endroit au mauvais moment » lâche-t-elle, presque fataliste avant de se reprendre et d’ajouter « il aurait fallu qu’une seule personne ne conduise pas pour que cet accident ne se produise pas. »

Se remettre debout

Amputée de la jambe droite, elle voit sa vie bouleversée, comme beaucoup de personnes accidentées. entraîneuse de tennis, employée dans une société de production, en couple ; elle craint que tout ce qu’elle a construit ne s’arrête brutalement. Commence alors un long combat pour se remettre debout. Pendant de longs mois à l’hôpital militaire de Percy celle dont l’aïeul, le militant nationaliste Paul Déroulède, magnifiait la valeur des soldats pendant la Grande Guerre, va trouver auprès des blessés au combat du réconfort et de la force : « Les militaires m’ont sauvé » dit-elle. « Un jour, un chef de service et colonel est venu dans ma chambre et m’a dit que j’étais une des leurs, et que tous mes projets n’étaient que reportés. Ces soldats m’ont transmis cette force que je n’avais pas avant et j’ai énormément de respect pour eux. Autour de moi j’ai vu dix fois pire que moi, j’ai compris que j’étais privilégiée. »

Une volonté de reprendre possession de son corps qui impressionne l’équipe médicale et son entourage. Le tennis qu’elle pratiquait déjà va devenir sa passion ; et celle qui donnait des cours à des enfants dans un club va devenir sportive de haut niveau.

Fin d’un permis de conduire illimité

Aujourd’hui devenue numéro 1 française de tennis handisport, Pauline Déroulède va aussi s’engager dans un autre défi, pour que le drame qu’elle a vécu ne se reproduise pas. Lancée par son père pendant son hospitalisation, elle va rapidement défendre l’idée de soumettre les conducteurs à un examen médical lorsqu’ils sont âgés. « C’est complètement dingue qu’on ait un permis de conduire illimité. En France on est engagé sur l’alcool au volant, le portable au volant. Mais une personne sans rien on ne la contrôle pas. Je pense qu’il y a un manque de courage politique. Trop souvent les forces de l’ordre me disent qu’ils sont impuissants à arrêter des gens inaptes à la conduite », ajoute Pauline Déroulède.
 

Je pense qu’il y a un manque de courage politique. Trop souvent les forces de l’ordre me disent qu’ils sont impuissants à arrêter des gens inaptes à la conduite.


Une idée simple, mais qui rencontre de nombreux obstacles. A commencer par les réticences des politiques. Ainsi lorsqu’elle rencontre Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur de l’époque, il lui répond « qu’il s’agit d’une responsabilité individuelle et de celle des familles » que de juger si on est encore apte à conduire. A peine sorti de l’épidermique dossier de la baisse à 80 kilomètres heure sur les routes, le gouvernement botte en touche. Si aujourd’hui le projet ne vise plus uniquement les conducteurs les plus âgés et que Pauline Déroulède milite désormais pour un test d’aptitude à la conduite pour tous les conducteurs, la jeune femme appelle les élus à passer à l’acte : « Je pense qu’il y a un manque de courage politique. Trop souvent les forces de l’ordre me disent qu’ils sont impuissants à arrêter des gens inaptes à la conduite » (déjà cité plus haut) et de s’interroger sur la place de la voiture dans notre culture : « on a un rapport, nous les Français, avec la voiture très particulier, qui n’existe nulle part ailleurs. La voiture c’est la liberté ! et c’est compliqué » de la questionner cette liberté, ajoute-t-elle.

Objectif Paris 2024

En attendant de gagner sur le terrain législatif, elle prépare activement Roland Garros l’année prochaine, et surtout les jeux paralympiques de Paris 2024. Pour gagner elle pourra bien entendu compter sur son service qui peut monter à 130 kilomètres heure, mais surtout sur son mental qui depuis son accident est à toute épreuve, elle qui dit désormais d’elle « Je ne le souhaite à personne, mais cet accident a fait naître des ressources inimaginables. Un instinct de survie. Le chemin est long, mais je connais la route. »

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