Pédagogies alternatives : écoles modernes, écoles d’élite ou écoles farfelues ?
Les pédagogies alternatives se développent au lendemain de la Première Guerre Mondiale pour former une nouvelle élite, un homme meilleur. Mais elles échouent à s’imposer. Aujourd’hui à la marge du système éducatif français, elles connaissent pourtant un regain d’intérêt certain. Entre attirance et mise au ban, les invités d’Un monde en docs éclairent la place de ces pédagogies un peu différentes dans un système éducatif très normalisé.  

Pédagogies alternatives : écoles modernes, écoles d’élite ou écoles farfelues ?

Les pédagogies alternatives se développent au lendemain de la Première Guerre Mondiale pour former une nouvelle élite, un homme meilleur. Mais elles échouent à s’imposer. Aujourd’hui à la marge du système éducatif français, elles connaissent pourtant un regain d’intérêt certain. Entre attirance et mise au ban, les invités d’Un monde en docs éclairent la place de ces pédagogies un peu différentes dans un système éducatif très normalisé.  
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Montessori, Freinet, Steiner, Niell… Ces pédagogies aujourd’hui à la mode datent de l’entre-deux-guerres et depuis une centaine d’années, elles continuent d’exister dans la sphère éducative, sans avoir été adoptées par l’Éducation Nationale. Laurent Gutierrez, historien, spécialiste en sciences de l’éducation à l’Université de Rouen, confirme : « L’histoire du mouvement de l’éducation nouvelle nous apprend que ces pédagogies alternatives se sont essentiellement développées en périmètre de l’institution scolaire ». Il y a bien eu quelques tentatives pour imposer des pédagogies dites « actives » avec Jean Zay ou le plan Langevin-Wallon après la Deuxième Guerre Mondiale (par opposition aux pédagogies « passives » où l’élève reçoit la leçon dispensée par le professeur), « mais elles ont été fragiles et n’ont pas perduré ». Si elles ne sont pas devenues la norme, ces pédagogies n’ont pas pour autant disparues. Elles ont, d’une part, réussi à infuser dans le système classique, en influençant les méthodes utilisées par les professeurs, et d’autre part, elles continuent à exister dans le privé. Cette présence marginale peut étonner vu de l’étranger. Peter Gumbel, journaliste anglophone a porté son attention sur différents systèmes éducatifs et il pointe du doigt cette spécificité française : « En France, Montessori est quelque chose de privé, pour une élite. Si vous allez aux États-Unis, vous trouverez des écoles publiques, environ 300. D’autres pays ont même pu intégrer d’autres pédagogies au sein du système ». En France, scolariser son enfant dans une école Montessori coûterait quand même entre 5 000 et 8 500 euros à l’année, ce qui a valu à certains établissements le surnom d’écoles des enfants du CAC 40.

« La compétition plutôt que la coopération »

 

Un monde en docs - Nathalie Mons - Pédagogies alternatives
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Pourquoi cette réticence du système envers les pédagogies alternatives ? Laurent Gutierrez l’explique par l’enjeu central de l’école Républicaine telle qu’elle a été conçue sous la IIIème République : « L’objectif initial était d’accueillir la majorité des élèves, donc c’était une école de masse ». L’école n’est donc pas, et n’aurait jamais été pensé en termes de pédagogie, mais avec l’objectif d’accueillir le plus grand nombre, selon lui.
Une analyse partagée par Nathalie Mons, sociologue et présidente du Cnesco (Comité national d’évaluation du système scolaire), qui insiste elle-aussi sur la philosophie originelle de l’éducation en France : elle parle d’un véritable « projet politique de structuration d’une société » qui visait à créer « une culture nationale relativement homogène. (…) C’est une éducation qui permet de faire lien entre un ensemble d’individus et s’intéresse assez peu à l’émancipation de chacun. D’où ces pédagogies qui s’intéressent aux besoins individualisés de l’élève et qui sont assez peu présentes ». Plusieurs « acquis » de notre système actuel découlent ainsi de cette philosophie : le programme unique, le système de notes, le redoublement… Nathalie Mons décrit un système centré sur « la compétition plutôt que la coopération ».

Une culture de l’échec ?

Ce système très centralisateur ne fait aujourd’hui pas l’unanimité. Le journaliste Peter Gumbel parle même d’une « culture de l’échec ». Pour lui, c’est le refus de cette culture de l’échec qui motive les parents à se tourner vers les pédagogies alternatives. Si Laurent Gutierrez est plus nuancé, il estime tout de même qu’ « il y a une déception d’une très grande majorité des parents d’élèves aujourd’hui par rapport à l’offre d’école qui leur est proposée ». Avec un taux de décrochage scolaire de 20%, il est catégorique : « Cette école de la République n’est pas faite pour tous. D’où l’importance du développement aujourd’hui des écoles alternatives, qui décident d’ailleurs de passer des contrats d’association ou de rester hors contrat, parce qu’elles savent que, au regard des contraintes qu’elles auront en passant un contrat, elles n’auront pas toute la marge d’initiative qu’elles souhaitent avoir pour s’adresser à un public différent ». 

Pourtant l’école Républicaine est loin d’être un échec cuisant. Malgré 150 000 décrocheurs chaque année, ils sont de moins en moins nombreux depuis dix ans et la France est aujourd’hui dans la moyenne des pays de l’OCDE souligne Nathalie Mons.

 

Retrouvez l’émission Un monde en docs consacrée aux pédagogies alternatives le samedi 6 mai à 22h, le dimanche 7 mai à 9h et le dimanche 14 mai à 18h sur Public Sénat.

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