Pédophilie au sein de l’Église : les évêques « assument le mal commis » et formulent des propositions

Pédophilie au sein de l’Église : les évêques « assument le mal commis » et formulent des propositions

Un mois après la publication d’un rapport fleuve sur « les violences sexuelles dans l’Église catholique » depuis 1950, la Conférence des évêques de France annonce la mise en place d’une instance « de réparation », et d’un fonds d’indemnisation des victimes financé par les biens de l’Eglise. Au Sénat, on insiste sur des réformes à opérer dans le recrutement des prêtres.
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Depuis, Lourdes, où la Conférence des évêques de France était réunie, son président Mgr Éric de Moulins-Beaufort s’est montré déterminé à apporter une réponse concrète aux conclusions accablantes La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) dénombre 330.000 personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences sexuelles depuis 1950.

>> Lire notre article: Rapport Sauvé sur la Pédophilie : « Le Sénat aurait pu s’honorer de lancer une commission d’enquête », regrette Patrick Kanner

« Beaucoup de mal a été commis. Il faut bien qu’il soit assumé. A la fois pour en libérer ceux et celles qui l’ont subi et aussi pour en dégager notre Eglise […] Un système ecclésiastique s’est transformé, s’est perverti, et a rendu possible la commission de ces crimes en grand nombre », a reconnu Mgr Éric de Moulins-Beaufort.

La Ciase, présidée par Jean-Marc Sauvé, avait formulé 45 recommandations, pour permettre à l’institution d’assumer ses responsabilités et de prévenir toutes nouvelles formes de violences, notamment à l’égard des mineurs.

Après plusieurs jours de réunions et un vote à huis clos lundi matin, les 120 évêques ont décidé la constitution d’une instance nationale chargée d’indemniser au cas par cas les victimes de violences sexuelles. Cette instance sera présidée par Marie Derain de Vaucresson, ancienne défenseure des enfants, qui constituera « son équipe à sa guise sur le modèle de la commission Sauvé », a précisé le président du CEF.

Les moyens de cette indemnisation seront constitués dans un fonds d’indemnisation des victimes de pédocriminalité dans l’Église. « Les évêques de France ont décidé d’abonder ce fond autant qu’il est nécessaire en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers de la Conférence des évêques de France ou des diocèses […] Nous n’utiliserons pas les dons que les fidèles nous font », a expliqué selon Mgr de Moulins-Beaufort avant d’ajouter que, s’il le fallait, « un emprunt pourra être souscrit pour anticiper les besoins ».

Auditionné devant le Sénat la semaine dernière, Jean-Marc Sauvé avait indiqué que l’Eglise avait « une dette et un dû » à l’égard des victimes. « Nous avons acquis la conviction que ce type de préjudice est irréparable, mais nous excluons l’hypothèse d’une réparation barémisée, sur une échelle des peines qui serait celle du Code pénal », avait-il insisté.

« Il y a une spécificité du prêtre pédocriminel qui est lié au recrutement »

« L’hypothèse d’un appel aux dons pour nourrir ce fonds avait été évoquée par certains clercs. Donc, Cette instance de réparation au cas par cas, ça va plutôt dans le bon sens et ça montre que l’Église avance », se félicite Dominique Vérien, sénatrice centriste, rapporteure d’une mission d’information sur les violences sexuelles sur mineurs.

>> Lire notre article: Abus sexuels sur mineurs : les 38 préconisations du Sénat

Néanmoins, la sénatrice insiste sur les réformes nécessaires dans le recrutement des prêtres. « C’est quelque chose qu’on avait signalé au sein de la mission d’information. La pédophilie dans l’église est très spécifique. Elle est liée au rôle du prêtre et aux profils qui sont retenus. 80 % des victimes sont des garçons. Il y a une spécificité du prêtre pédocriminel qui est lié au recrutement », estime-t-elle.

« Conscients d’être dans un processus de moyen et long termes », les évêques ont annoncé la mise en place de neuf groupes de travail dans lesquels seront associés religieux et laïcs. Un sera notamment chargé d’analyser les causes des violences sexuelles au sein de l’église », « pour comprendre la nature des violences sexuelles au sein de l’église ». Un autre sera consacré « à la formation des futurs prêtres ».

Marie Mercier, sénatrice LR rapporteure pour la commission des lois de la mission d’information du Sénat, juge également « capital de rechercher la motivation profonde de cette vocation ordinationnelle. Un travail qui devrait être réalisé par un psychologue ».

« Pour toute vocation sacerdotale, il faut aller au fond des choses. Il peut y avoir des motivations spirituelles, il peut aussi y avoir d’autres motivations à mettre au jour, qui peuvent être des contre-indications », avait aussi pointé Jean-Marc Sauvé,

La mission d’information du Sénat préconisait également la consultation du fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (le FIJAISV), avant chaque recrutement d’une personne travaillant en contact avec des mineurs. Une proposition reprise par la Conférence des évêques concernant le recrutement de tout agent pastoral (laïc, personne consacrée, clerc) appelé à travailler auprès des mineurs.

Sur l’épineux sujet du secret absolu de la confession associé aux lois de la République qui imposent à quiconque de signaler des abus sexuels sur mineurs, le président du CEF a indiqué la signature d’un protocole entre chaque diocèse et le ou les parquets concernés.

« Il faut en finir avec le "Grâce à Dieu, les faits sont prescrits" du cardinal Barbarin »

Enfin, le rapport Sauvé avait plaidé en faveur d’une profonde réforme de la procédure pénale canonique, « pour y introduire les règles d’un procès équitable et faire place aux victimes dans la procédure », celles-ci n’étant jamais tenues informées de son déroulé ni des sanctions prononcées à l’égard des agresseurs. Un processus essentiel dans la reconnaissance du statut de victime mais qui doivent être soumises à l’approbation du Vatican.

« L’Eglise doit opérer un changement de paradigme complet et se concentrer sur les victimes et plus sur les auteurs. La pédophilie n’est pas une atteinte à la chasteté. Il faut en finir avec le : "Grâce à Dieu, les faits sont prescrits" du cardinal Barbarin. L’Eglise doit avoir une vraie prise de conscience et faire un zoom sur les victimes. En ce sens, l’indemnisation des victimes, ce n’est pas acheter leur silence mais par exemple leur permettre d’avoir accès à ses soins », conclut Marie Mercier.

 

 

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