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Permis de conduire : le projet de loi européen visant à mettre fin au permis à vie cristallise les tensions

Un projet de loi européen, qui sera soumis au vote du Parlement fin février et porté par la députée européenne écologiste française Karima Delli, propose de modifier la directive européenne sur la durée de validité du permis de conduire en fixant notamment une visite médicale obligatoire à l’obtention du permis, puis tous les 15 ans. A partir de 70 ans en revanche, la mesure est renforcée par un contrôle tous les 5 ans. Objectif ? « Zéro mort » sur les routes à l’horizon 2050.
Alexis Graillot

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Bientôt la fin du permis à vie ? Dans le cadre de son objectif « Zéro mort » sur les routes en 2050, la Commission Transports de la Commission européenne avait adopté en décembre dernier un texte durcissant les conditions de validité du permis de conduire pour les automobilistes. A quelques jours du vote tant attendu au Parlement, l’opposition au texte s’est cristallisée ces derniers jours à l’initiative des associations de défense des automobilistes, notamment à travers d’une pétition qui a recueilli plus de 400 000 signatures. Une opposition d’autant plus forte que les tendances en matière de sécurité routière ces dernières années n’étaient pas au durcissement entre abaissement du permis à 17 ans et fin du retrait de points pour les petits excès de vitesse.

 

En France, 2 tentatives notables mais non concluantes

 

Le sujet en France a été à plusieurs reprises remis sur le devant de la scène à l’occasion d’accidents de la route mêlant des conducteurs âgés. Par exemple, en juillet 2023, un conducteur de 81 ans avait causé deux accidents mortels en moins de 3 mois à Saint-Malo sur le même boulevard. Ce fait divers parmi d’autres, avait conduit le député MODEM Bruno Millienne à déposer une proposition de loi « visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite pour les conducteurs de 75 ans et plus », pointant par ailleurs que « l’inattention (17%) et les difficultés pour respecter les priorités (16%) sont les facteurs principaux d’accidents mortels pour les plus âgés (65 ans et plus) ». On peut intégrer à ces chiffres, les « malaises », responsables à 26% des accidents mortels chez les 75 ans et plus. A titre de comparaison avec la catégorie de conducteurs les plus jeunes (18-24 ans), ces données s’effondrent respectivement à 10% pour l’inattention, 6% pour le respect des priorités et presque nul pour les malaises, selon les données de la Prévention routière. En revanche, chez les 18-24 ans, la vitesse (48%), l’alcool (27%) et les stupéfiants (19%) sont les trois principaux facteurs d’accidents mortels contre respectivement 7%, 2% et 0% pour les plus de 75 ans.

Au Sénat, la dernière tentative de proposition de loi remonte à plus d’une décennie, portée alors par l’ancien député centriste, Yves Détraigne « visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus ».

Dans les deux cas, les propositions de loi avaient été rejetées avec comme principales raisons évoquées, le risque de « stigmatiser » une catégorie de population qui souffre déjà de problèmes de mobilité, notamment en zone rurale, mais également de ne pas s’attaquer aux causes les plus accidentogènes que sont la vitesse et la consommation de substances illicites au volant.

 

En Europe, des restrictions déjà à l’œuvre dans de nombreux pays

 

Loin d’être la règle, la France fait même plutôt figure d’exception comparé à ses camarades européens, bon nombre d’entre eux ayant déjà mis en place des règles de restriction de la durée de validité du permis de conduire. Avec l’Allemagne et la Pologne, elle fait partie des seuls pays où le permis à vie est la norme.

Certains pays, à l’image de la Belgique ou de la Roumanie, ont choisi des dispositions fixant un examen régulier sans pour autant intégrer une limite d’âge. A ce titre, le renouvellement du permis doit s’effectuer tous les 10 ans après délivrance d’un certificat d’aptitude à la conduite délivré par un médecin.

D’autres Etats ont en revanche adopté une limite d’âge spécifique avec renouvellement à intervalles réguliers. C’est notamment le cas des Pays-Bas, où des dispositions quasi-identiques à celles du projet de loi européen ont été adoptés, l’examen médical étant obligatoire pour les personnes âgées de plus de 75 ans, renouvelable tous les 5 ans. Cette limite d’âge est abaissée à 70 ans au Danemark et en Finlande, 65 ans en Espagne et en Grèce. L’Italie a quant à elle fixé cet examen à seulement 50 ans. Mais en la matière, le Portugal s’illustre encore davantage puisque l’examen médical est fixé dès l’âge de 40 ans, renouvelable par la suite à 50 ans, 65 ans puis 75 ans. Après 75 ans, en revanche, un contrôle doit être effectué tous les 2 ans.

Dans le détail des chiffres, la Roumanie est le pays le plus accidentogène en Europe avec 86 tués par million d’habitants. La France est légèrement au-dessus de la moyenne européenne (46 tués par million d’habitants) avec 50 tués par million d’habitants, quand le meilleur élève est la Suède pour seulement 20 tués par million d’habitants. Tendanciellement, la baisse la plus spectaculaire est à mettre au crédit de la Lettonie qui a divisé son nombre de morts sur les routes par 5 entre 2000 et 2022.

Plus généralement, à l’exception de Malte, tous les pays européens ont connu une baisse significative du nombre de tués sur les routes en 20 ans. En valeur absolue, le rapport Delli observe que « le nombre de personnes tuées sur les routes de l’UE a décru de manière significative, passant de 51 400 en 2001 à 19 800 en 2021 ». En revanche, il note que l’objectif fixé de réduction de 75% n’est pas atteint : « Si ces statistiques peuvent paraître positives, elles restent bien en-deçà de l’objectif initial de réduction de 75 % du nombre de morts pour la période 2001-2020 ».

 

Les seniors plus dangereux sur les routes ?

 

Ces différentes restrictions à l’œuvre posent néanmoins la question de la part de responsabilité des personnes âgées dans les accidents de la route mortels au regard du reste de la population. Une étude récente de la Sécurité routière s’était récemment penchée sur la part de conducteurs de véhicules de tourisme présumés responsables lors d’accidents mortels selon leur âge. Le constat est sans appel : 80% des conducteurs de 75 ans et plus étaient responsables pour seulement 65% des 65-74 ans. En revanche, il serait faux de dire que les personnes les plus âgées sont les plus responsables des accidents mortels puisqu’elles partagent ce chiffre avec les 18-24 ans qui sont eux aussi responsables à 80% des accidents mortels sur les routes (certes pour des motifs différents précédemment évoqués).

En outre, si le nombre de morts a fortement diminué sur les routes depuis 20 ans, force est de constater que les plus de 65 ans constituent la seule catégorie où cette donnée continue à augmenter. Ainsi, en France, entre 2010 et 2023, on compte 21% de morts en moins sur les routes. Dans le détail, ce chiffre a diminué dans toutes les catégories d’âge les plus jeunes avec une baisse spectaculaire pour les 18-24 ans (-40%). En revanche, ces données ont augmenté à partir de 55 ans avec une catégorie d’âge particulièrement touchée : les 65-74 ans qui ont vu leur taux de mortalité sur les routes augmenter de 43%. L’occasion de nous rappeler que si les personnes âgées sont en grande partie responsables des accidents de voiture dans lesquelles elles sont impliquées, elles sont aussi les usagers de la route (piétons, cyclistes ou automobilistes) … les plus exposés.

 

D’autres mesures « plus fortes et contraignantes » à venir ?

 

Si la mesure d’âge cristallise les oppositions au texte, il est à noter que le projet de loi ne vise pas uniquement les personnes plus âgées, comme le rappelle Karima Delli dans son rapport : « Alors que l’UE doit atteindre l’objectif dit « Vision zéro » d’ici à 2050 et qu’elle est en retard sur celui-ci, des mesures fortes et contraignantes doivent être prises pour lutter contre les accidents de la route au cours des prochaines années ». Le dispositif prévoit également une batterie de mesures envers les populations les plus jeunes et les conducteurs novices, parmi lesquelles « des cours relatifs à la sécurité routière et aux alternatives de mobilité pour les élèves du secondaire », l’impossibilité pour les Etats membres d’abaisser l’âge d’obtention du permis ou encore le durcissement des sanctions en cas de dépassement de vitesse pour les conducteurs novices.

D’autres mesures visant l’ensemble des conducteurs sont également à l’ordre du jour à l’image de la généralisation du permis à points dans l’ensemble de l’UE ou la fixation d’un temps d’examen suffisamment long « pour évaluer correctement les compétences des candidats ».

Le débat au Parlement est prévu le 27 février pour un vote le lendemain. Le résultat s’annonce d’ores-et-déjà serré puisque le texte avait été adopté de seulement 1 petite voix d’écart en Commission. Sans compter que d’ici là, le texte pourrait être remanié au cours des négociations entre les différentes institutions.

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