Plan de lutte contre la pauvreté : le gouvernement veut « investir socialement »

Plan de lutte contre la pauvreté : le gouvernement veut « investir socialement »

L’exécutif a lancé ce mardi une phase de concertation de six mois pour définir les actions de son plan de lutte contre la pauvreté. L’accent est mis sur les enfants et les jeunes, afin de casser les logiques de reproduction sociale.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Flora Sauvage)

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L’Élysée a choisi le 17 octobre, journée mondiale de refus de la misère, pour présenter sa stratégie en matière de lutte contre la pauvreté et lancer une concertation de six mois avec une quarantaine d’acteurs : associations, experts, entreprises. Ces discussions, qui se tiendront dans un cadre interministériel (Santé, Travail, Éducation, Égalité Femmes-Hommes) doivent déboucher au printemps sur un plan d’action national.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn défend une logique d’ « investissement social » dans la jeunesse. Pour lutter contre la pauvreté, qui touche 8,7 millions de personnes en France, l’idée du gouvernement est d’agir davantage par la prévention et l’égalité des chances, et ce, dès le plus jeune âge. L’ambition présentée est de ne plus seulement traiter les effets de la pauvreté, mais de résoudre le problème à la racine, en agissant sur les « facteurs de reproduction » sociale.

« Renouveler notre approche »

Les enfants sont particulièrement touchés par la pauvreté : un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre, a rappelé la ministre, quand le taux de pauvreté atteint 13,9% dans la population.

Agnès Buzyn explique que la démarche de la concertation va chercher à « renouveler notre approche de la lutte contre la pauvreté » et à « éviter que les jeunes pauvres d'aujourd'hui ne deviennent les pauvres de demain ».

Le gouvernement souhaite s’appuyer sur les acteurs du terrain et sur les « initiatives locales », qu’il s’agisse d’éducation, d’emploi  ou de structures.

Le gouvernement entend par ailleurs améliorer « l’accès aux droits ». C’est un des points sur lesquels avait insisté la ministre de la Santé, lors d’un conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales. Agnès Buzyn s’était notamment engagée à accroître le taux de recours aux minima sociaux, dans une période où de nombreuses personnes éligibles aux prestations sociales ne les réclament pas. Parallèlement, la ministre a indiqué qu’il fallait simplifier les démarches administratives et améliorer les retours vers l’emploi.

Soutien aux familles les plus fragiles et aux parents isolés

« La pauvreté a changé de visage, elle touche de plus en plus d'enfants, de familles, notamment monoparentales, et de plus en plus de jeunes », a déclaré à la mi-journée la ministre.

Auditionnée par la commission des Affaires sociales du Sénat, Agnès Buzyn a enfin rappelé ce matin que dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) 2018 des engagements seraient pris en direction des familles, notamment les plus vulnérables. 36% des familles monoparentales sont sous le seuil de pauvreté.

Parmi ces mesures : une hausse du complément familial pour les familles nombreuses, une revalorisation de l’allocation de soutien familial à destination des familles monoparentales, ou encore une hausse de 30% du complément de libre choix du mode de garde, destiné aux parents qui payent une garde à domicile ou une micro-crèche.

Des associations réclament « des moyens à la hauteur »

Dans un communiqué publié ce mardi, l’association ATD Quart Monde, qui marque cette année ses 60 ans d’action, a partagé la logique du gouvernement, indiquant qu’il était  « temps d’investir durablement dans la lutte contre la pauvreté, de s’attaquer à ses causes profondes et pas seulement à ses conséquences ». Mais « sans des moyens financiers à la hauteur, cette concertation débouchera sur des vœux pieux ou sur des actions à faible portée », souligne l’ONG.

Le Secours catholique demande, lui, une réponse « globale » dans la lutte contre l’exclusion, « qui ne peut être coupée en morceaux ». L’association précise que des personnes sans enfants sont autant dans le besoin et que le budget 2018 est « source d’inquiétude », avec « d’importantes réductions de crédits » dans les « domaines essentiels » du logement et du social.

Notant « l’aggravation » de la précarité et la pauvreté, Françoise Sivignon (présidente de Médecins du Monde) a déclaré être « toujours en attente d’un plan ambitieux politique de lutte contre cette pauvreté ».

« Jamais la lutte contre la pauvreté ne doit servir de variable d’ajustement budgétaire »

Cette question du financement a d’ailleurs évoquée, lors de la séance de questions au gouvernement, par le sénateur (PS) Yannick Vaugrenard, très attaché à cette problématique. « C’est d’un véritable plan de lutte pour l’éradication de la pauvreté dont notre société a besoin », a déclaré le sénateur de la Loire-Atlantique.

« Jamais la lutte contre la pauvreté ne doit servir de variable d’ajustement budgétaire […] Quelle est votre ambition sur cette question majeure qui est autant sociale que sociétale, Monsieur le Premier Ministre ? »

QAG : « Jamais la lutte contre la pauvreté ne doit servir de variable d’ajustement budgétaire » (Yannick Vaugrenard)
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C’est le secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner, qui lui a fourni la réponse, en insistant sur le dédoublement des classes de CP en REP et REP+ ou encore le plan Logement. Indiquant que la lutte contre la pauvreté dépassait les clivages de l’hémicycle, le porte-parole du gouvernement a ensuite cité Victor Hugo : « il faut savoir limiter la pauvreté sans limiter la richesse ». Et d’ajouter, non sans quelques réactions sur les bancs de la gauche :

« Il y a celles et ceux qui considèrent qui considèrent qu’on peut dépenser ce que nous n’avons pas produit, et ceux qui pensent qu’il faut produire pour pouvoir dépenser, pour pouvoir protéger, pour pouvoir aider les femmes et les hommes qui sont dans cette grande difficulté. C’est tout le sens de l’action que nous portons dans le projet de loi de finances. »

Christophe Castaner cite Victor Hugo au Sénat : « Il faut savoir limiter la pauvreté sans limiter la richesse »
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