PMA pour toutes : « C’est un sujet de société pas de bioéthique »
L’ouverture de la PMA à toutes les femmes arrive au Parlement à la rentrée. Intégré au projet de loi bioéthique, présenté en conseil des ministres ce mercredi, le sujet divise à la Haute assemblée.

PMA pour toutes : « C’est un sujet de société pas de bioéthique »

L’ouverture de la PMA à toutes les femmes arrive au Parlement à la rentrée. Intégré au projet de loi bioéthique, présenté en conseil des ministres ce mercredi, le sujet divise à la Haute assemblée.
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Le texte aura finalement pris un an de retard. Si Emmanuel Macron s’était dit favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes durant la campagne de 2017, il l’avait néanmoins subordonné à l’avis du conseil national d’éthique (CCNE), « afin de construire un consensus le plus large possible » et d’assurer un débat « pacifié et argumenté ». Malgré l’avis positif du CCNE en juin 2017, l’ouverture d’états généraux de la bioéthique et une validation « a minima » du conseil d’État, l’année suivante, l’exécutif a pris son temps pour accoucher d’un texte potentiellement sujet à division.

Quand un sénateur LR comparait la PMA aux expériences du médecin nazi, Mengele

En effet, dès avril 2018, 119 sénateurs, dont 108 LR, avaient cosigné une tribune dans le Figaro pour faire part de leurs inquiétudes. « Ces questions méritent mieux qu'une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font appel à notre sens de l'humain, à notre conception du bien de l'enfant, à notre vision de la société et des valeurs qui la fondent » avaient-ils fait valoir. Quelques mois plus tard, dans une interview à Nice Matin, le sénateur LR, Henri Leroy comparait les dérives possibles liées à l’extension de la PMA aux expériences du médecin nazi, Mengele. Une comparaison reprise les jours suivants par l’ancien président de LR, Laurent Wauquiez, devant les militants de Sens commun.

2000 femmes par an concernées

« C’était un engagement du président de la République » et « il est tenu » s’est félicitée, ce mercredi, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, à l’issue du Conseil des ministres avant d’ajouter : « La société a évolué, notamment en termes de diversité des modèles familiaux et de leur acceptation ».

La PMA pour toutes présentée par Agnès Buzyn
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Jusqu’ici réservée aux couples hétérosexuels ayant des problèmes d'infertilité, le projet de loi étend la PMA aux femmes seules et aux couples lesbiens. L’acte sera remboursé par la Sécurité Sociale comme il l’est actuellement pour les hétérosexuels. Selon Agnès Buzyn cela entraînera un surcoût annuel de 10 à 15 millions d'euros, contre 300 millions d'euros. « L'élargissement de la PMA devrait concerner « autour de 2 000 femmes par an » a-t-elle évalué.

« La médecine est là pour réparer, pas pour transformer la nature humaine »

Une disposition « profondément choquante » pour le sénateur LR, Sébastien Meurant. « Quand on voit que certains Français ont déjà du mal à prendre rendez-vous chez un généraliste… Ce texte nous est présenté comme donnant des droits supplémentaires alors qu’on se dirige vers la marchandisation des corps. Je suis favorable à la PMA quand elle concerne un homme et une femme qui ne peuvent pas avoir d’enfant car la médecine est là pour réparer pas pour transformer la nature humaine » estime l’élu du Val d’Oise qui voit dans ce projet de loi un prélude à la légalisation de la GPA (gestation pour autrui).

Amendement en vue pour la GPA

 « La PMA étendue aux couples homosexuels n’est pas un sujet de bioéthique mais un sujet de société. Et si on s’oppose au droit d’avoir un enfant alors à ce moment-là, il faut supprimer l’IVG et la pilule » estime, pour sa part, le président LR de la commission des affaires sociales du Sénat, Alain Milon. Favorable à l’extension de la PMA et même à l’ouverture de la GPA (il avait déposé une proposition de loi dans ce sens en 2010), le sénateur LR ne comprend pas le refus, réaffirmé encore aujourd’hui par Agnès Buzyn « de voir apparaître la gestation pour autrui ». « À partir du moment où le gouvernement justifie l’extension de la PMA à toutes les femmes par le principe d’égalité. Il va devoir trouver une justification pour s’opposer à la GPA ». Alain Milon n’exclut pas de déposer un amendement sur l’ouverture de la GPA lors de l’examen du texte au Sénat. « Je serai bien seul » reconnait-il.

« La PMA aurait déjà dû figurer dans la loi de 2013 »

« La GPA on est quand même sur une gestation de 9 mois, ce n’est pas la même démarche. Je ne crois pas à la GPA éthique. Les conditions économiques étant ce qu’elles sont, cela conduira forcément à la marchandisation » objecte Michelle Meunier, vice-présidente PS de la commission des affaires sociales du Sénat, pour qui « la PMA aurait déjà dû figurer dans la loi de 2013 sur le mariage pour tous ».

Les enfants nés d’une PMA dans un couple homosexuel seront-ils discriminés ?

En ce qui concerne la filiation, le gouvernement a prévu un dispositif spécifique pour les enfants nés d’une PMA dans un couple homosexuel. Avant la PMA, les couples de femmes devront signer une « déclaration commune anticipée » devant notaire, à transmettre à l'officier d'état civil après la naissance. Les deux femmes, celle qui a porté le bébé ainsi que sa compagne, seront ainsi reconnues comme les parents. Un dispositif contesté par les associations LGBT qui y voient une discrimination car actuellement pour les enfants nés d’une PMA dans un couple hétérosexuel, le conjoint est déclaré père par présomption de paternité si le couple est marié. Ou, s’il ne l’est pas, par simple déclaration devant l’officier d’état civil. Sur France Inter, Agnès Buzyn a assuré que « l’acte de naissance intégral » « n’était jamais donné à un tiers » à l’inverse de « l’extrait d’acte naissance » « dans lequel la naissance par procréation médicalement assistée n’apparaîtra pas ».

Levée partielle de l’anonymat du don de sperme

Le projet de loi prévoit, enfin la levée partielle de l’anonymat du don de sperme. Les enfants nés d’un don après l’entrée en vigueur de la loi pourront accéder à leur majorité à des « données non-identifiantes » (âge, caractéristiques physiques, etc.) du donneur, voire à son identité si ce dernier donne son accord.

Le texte sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 24 septembre et probablement au début de l’année 2020 au Sénat. Le projet de loi comporte 32 articles dont la plupart touchent à la génétique, à la recherche sur les cellules-souches et sur l’embryon. « C’est hautement plus important que la PMA qui est un sujet populiste » tient à rappeler Alain Milon. « La PMA, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt » confirme Michelle Meunier qui évoque des « sujets bien plus existentiels » comme « le séquençage génomique » ou le « portage des données en télémédecine ».

 

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