Porno : « Notre profession a besoin d’être reconnue », plaident des actrices et réalisatrices du X devant le Sénat

Porno : « Notre profession a besoin d’être reconnue », plaident des actrices et réalisatrices du X devant le Sénat

Actrices, réalisatrices et productrices du X étaient auditionnées par la délégation aux droits des femmes du Sénat qui prépare un rapport d’information sur les dérives de cette industrie. Carmina, Knivy, Nikita Bellucci et Liza Del Sierra ont réfuté tout amalgame de leur métier avec de la prostitution et déplorent l’absence de cadre légal de leur métier, source d’abus, d’après elles.
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« Vous dites que vous avez entendu beaucoup de souffrance. Mais, moi ce n’est pas ce que j’ai entendu pendant cette audition. J’ai l’impression, au contraire, que nous sommes des femmes épanouies dans notre travail ». Carmina, actrice et réalisatrice de films pornographiques alternatifs, par ailleurs journaliste au Tag Parfait a verbalisé l’impression générale laissée par cette audition devant la délégation aux Droits des femmes du Sénat : incompréhension mutuelle.

Pour mémoire, la délégation aux droits des femmes prépare un rapport et des préconisations suite aux dérives de l’industrie pornographique révélées dans l’affaire du porno français » ou « french bukkake » dans laquelle une cinquantaine de victimes sont déjà identifiées, et une dizaine de producteurs et acteurs sont mis en examen pour viols en réunion, traite d’êtres humains et proxénétisme.

Dans le cadre de ces travaux, la délégation auditionnait, ce mercredi, actrices, réalisatrices et productrices de films X. Aux côtés de Carmina, étaient reçues à la Haute assemblée : Knivy, actrice et camgirl, membre de la commission « Pornographies et webcam » du Strass (Syndicat du Travail Sexuel) et deux anciennes pornstars, Nikita Bellucci et Liza Del Sierra, désormais réalisatrices et productrices indépendantes de contenus X.

» Lire notre article. Porno : « C’est du proxénétisme à l’échelle industrielle », dénoncent les associations féministes auditionnées au Sénat

Au fil des auditions, les présupposées des sénatrices et sénateurs sur le milieu se fragilisent. Certes, les associations féministes, parties civiles au procès, avaient décrit des pratiques relevant « du viol filmé » et « du proxénétisme à l’échelle à industrielle », mais depuis, des sociologues ont invité les élus à appréhender le sujet sous un angle pluriel « les pornographies ». Et des journalistes spécialisés les ont enjoint à ne pas forcément aborder les actrices comme « des victimes ».

« J’ai été la victime d’une méthode de fabrication qui n’a rien à voir avec le métier qui est le mien »

Et pour la sénatrice communiste, Laurence Cohen qui, comme les associations féministes, fait le lien entre prostitution et pornographie, l’audition du jour n’a pas vraiment conforté leurs convictions.

« Vous avez employé le terme de travailleur du sexe et pour moi ça renvoie à la prostitution », relève, à ce sujet, la sénatrice.

Un lien réfuté par l’ensemble des personnes auditionnées. « Travailleur du sexe, ça veut dire tous les métiers en lien à avec la sexualité comme le striptease ou le téléphone rose. C’est un terme parapluie », lui rétorque Carmina.

Lire notre article : Porno : « Il faut cesser de traiter la pornographie comme un problème en soi », plaide une sociologue devant le Sénat

Certaines rapportent bien des violences subies dans le cadre professionnel. Mais selon elles, ces violences ont été facilitées par l’absence de cadre juridique de leur métier. « Oui j’ai été victime de l’un d’entre eux (les personnes mises en examen dans l’affaire du porno français). Mais, ce ne sont pas les pratiques sexuelles filmées ce jour-là qui me posent problème […] J’ai été la victime d’une méthode de fabrication qui n’a rien à voir avec le métier qui est le mien […] Tout simplement parce qu’il n’existe aucun véritable statut, aucune légitimité, aucune existence légale pour les acteurs et les actrices qui œuvrent dans la pornographie en France », a plaidé Nikita Bellucci.

« Vers qui se tourner, quand toute la société nous tourne le dos ? »

L’actrice indique, par ailleurs, qu’elle a récemment été entendue par la police. « Il y a des personnes qui pourraient être inquiétées incessamment ».

Carmina poursuit. « Vers qui se tourner quand toute la société nous tourne le dos ? Les seules structures prétendument féministes qui pourraient accompagner les actrices, veulent nous sauver ou nous blâmer pour avoir tourné du porno. Elles veulent nous voir disparaître plutôt que de nous soutenir ».

Liza Del Sierra qui est à l’origine de la rédaction d’une charte éthique à destination des productions pornos, rappelle avoir « pris du plaisir » dans sa carrière longue de plus de 1 000 films. La réalisatrice qui occupe également le métier d’infirmière a apporté son soutien aux victimes de cette industrie qui selon elle « n’est pas du tout représentative de cette pornographie que je connais depuis 18 ans […] Face à ces souffrances et ces abus, je m’inscris en faux contre ceux qui veulent en profiter pour censurer une forme d’art ». ». « Ma seule souffrance, depuis toutes ces années, c’est le jugement social », appuie-t-elle un peu plus loin.

Knivy rappelle de son côté que le Strass est en train d’établir un exemple de convention collective « pour avoir sur tous les tournages des coordinateurs d’intimité et pour s’assurer du consentement le jour J ».

L’ancienne ministre socialiste du droit des femmes, Laurence Rossignol, reprend alors à son compte un argument de l’association féministe, le Nid selon laquelle « l’industrie pornographique n’est pas du cinéma « car les actes sexuels sont réels, les actes de pénétration sont réels. Et s’interroge sur l’opportunité de faire des films sur les actes seraient simulés.

« Ça existe déjà, ça s’appelle l’érotisme », lui répondent les intéressées. Quant à la question de la sénatrice sur la prise en compte de l’éthique du fantasme, là encore on peut voir le lien avec l’argumentation des associations féministes. Devant la délégation, elles avaient pointé les mots-clés des moteurs de recherche des plateformes pornos. « Du racisme, de la misogynie, de la lesbophobie, de la pédocriminalité, des infractions caractérisées » avaient-elles insisté.

Les actrices et productrices ont rappelé que les vidéos accessibles sur ces plateformes étaient piratées et les titres changés. « L’Etat ne protège pas mes créations […] Je n’ai aucun moyen de protéger mes créations à part en harcelant ces plateformes qui se permettent de prendre une scène et de la redistribuer en la titrant en « jeune de 18 ans soumise avec mec de 45 ans », explique Liza Del Sierra.

« Nous savons très bien l’image qu’ont les actrices pornographiques dans la société »

En visioconférence depuis la Rochelle, la présidente de la délégation des droits des femmes, Annick Billon relève « beaucoup de préparation et de précaution » dans la prise de parole des actrices et réalisatrices « et assez peu de spontanéité pour répondre à nos questions ». « N’est-ce pas lié à la puissance de l’industrie pornographique ? », interroge-t-elle.

« Si on a fait autant d’effort de préparation, c’est parce que nous savons très bien l’image qu’ont les actrices pornographiques dans la société (..) On nous croit bêtes et simplement bonnes à faire ce que nous faisons à l’écran », s’agace Carmina.

« Si je suis autant préparée, c’est par respect envers vous. C’est une opportunité historique car nous ne sommes pas consultées habituellement contrairement aux associations féministes qui sont de grosses machines, capables de beaucoup de choses », approuve Lisa de Sierra.

 

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