Pour le président de la Cimade, il y a « une vraie politique de maltraitance à l’égard des migrants »

Pour le président de la Cimade, il y a « une vraie politique de maltraitance à l’égard des migrants »

Pendant près de quatre ans Cédric Herrou et les membres de l’association Roya citoyenne sont venus en aide aux migrants. Si leur humanité sans conditions force l’admiration, la justice leur reproche d’avoir fait entrer illégalement des étrangers en situation irrégulière sur le territoire. Les humanitaires sont-ils des coupables ordinaires ? L’augmentation, puis le reflux des vagues migratoires peuvent-ils remettre en question le droit d’Asile ? Un monde en docs ouvre le débat.
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Par Pierre Bonte-Joseph

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Ils sont venus du fond de la vallée. Un par un et puis par dizaines. Sans autre considération, Cedric Herrou le paysan, les a accueillis au milieu de ses champs d’olivier. Pour les nourrir, pour les aider à faire valoir leur droit à l’asile. Une aide inconditionnelle qui lui a valu des poursuites pour aide illégale à l’entrée des immigrés sur le territoire français. Si depuis le jugement a été partiellement cassé, la situation parle d’elle-même. Les militants des droits de l’homme sont désormais la cible de la justice, et parfois même comparés à des passeurs comme l’a fait, avant de rétracter, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner en avril dernier.

« l’ONU a dénoncé une politique cruelle et attentatoire aux droits fondamentaux » Christophe Delthombe

Une solidarité citoyenne, face à la politique de maltraitance

Pour le président de la Cimade association historique d’aide aux migrants l’accompagnement procuré par Cedric Herrou et les autres militants relève « d’une vraie solidarité citoyenne () dans la vallée de la Roya mais aussi à Calais, à Besançon. Elle répond à une vraie compassion, une vraie nécessité d’avoir un accueil digne des personnes qui arrivent » avant de dénoncer « une vraie politique de maltraitance à l’égard des migrants. À calais ou à grande Synthe il y a une chasse aux migrants () on va lacérer les tentes, envoyer des lacrymogènes dans les duvets, arracher des papiers, ça, c’est vu () l’ONU a même dénoncé une politique cruelle et attentatoire aux droits fondamentaux »

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La compassion ne suffit pas

Pour le sénateur LR du Tarn-et-Garonne François Bonhomme, spécialiste des questions migratoires, « Il ne faut pas s’en tenir à la seule compassion. Je comprends que les gens réagissent à des situations individuelles, souvent dramatiques mais le rôle du politique c’est d’aller au-delà du passionnel et de mettre en place des politiques de maîtrise de sa souveraineté », avant d’ajouter « je rappelle que 4 % des personnes déboutées du droit d’asile repartent. Il ne faudrait pas que le droit d’asile soit une situation dilatoire pour permettre l’accès au territoire national à des personnes qui ne remplissent pas les bonnes conditions. Il y a un dévoiement du principe » d’asile, avec une pression migratoire qui si elle a baissé, risque pour le sénateur de se reproduire « c’est une tendance lourde » ajoute-t-il.

« Il y a un dévoiement du principe d'asile » François Bonhomme

Les demandes d'asile augmentent en France malgré le reflux migratoire en Europe

Un constat que relativise Yves Pascouau, coordinateur du projet Migrations en Questions, « le pourcentage de migrants stagne autour de 3,4 % dans le monde ». Il n’y a pas de vague migratoire en France où les chiffres ne varient que très peu depuis 1980. Mais si le nombre de migrants qui frappent aux portes de l’Europe est passé de 1 million en 2015 à 115 000 en 2018, les demandes d’asile en France augmentent.

Le président de l'OFII le rappelle : « la pression de la demande d’asile a diminué en Europe »
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« La France a une position particulière » renchérit Didier Leschi, si les demandes d’asile ont baissé de 40 % en Europe, l’année dernière elles ont augmenté de 20 % en France, parce que le France apparaît un pays plus accueillant que d’autres. Et la France reste le pays de recours de ceux qui ont été déboutés, notamment d’Allemagne » avant d’ajouter « Il faut d’abord dire que notre pays se comporte bien dans l’accueil des demandeurs d’asile. Notre parc de places a doublé en quatre ans, et nous disposons désormais de 100 000 places. Et globalement nous n’avons pas de tensions sur les territoires ». Ce que confirme le sénateur François Bonhomme, « il faut recevoir moins, mais il faut recevoir mieux ».

Pour Christophe Delthombe enfin, il est temps de revenir à un débat plus apaisé, moins hystérique « Il faut revenir sur des propos raisonnables sur le sujet () On voit des discours populistes surfer sur l’anti immigration, alors que les chiffres sont revenus à ceux de 2014 »

 

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