Prison : visite surprise de deux sénateurs à Fresnes

Prison : visite surprise de deux sénateurs à Fresnes

Les sénateurs Laurence Cohen et Pascal Salvoldelli ont visité ce jeudi la prison de Fresnes dans le Val-de-Marne. Un droit de visite qu’ont tous les parlementaires. Depuis 2016, ils peuvent être accompagnés de journalistes. Public Sénat y était. Récit d’une visite.
Public Sénat

Par Cécile Sixou & Samia Dechir

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

À première vue, le centre pénitentiaire est bien tenu. Un grand couloir avec du parquet d’origine, entretenu par ceux que l’on appelle des « auxicireurs », des détenus payés pour astiquer les sols. « La propreté j’y tiens », confie la directrice adjointe de Fresnes. Elle vit mal les critiques et la mauvaise image véhiculée par les médias : « je suis vexée quand je vois dans les médias que l’on dit que mon établissement est très sale, ça me touche beaucoup. »

« Parfois il y a des petites souris qui sortent »

Pourtant dans la cellule 198, celle dans laquelle nous avons eu le droit de rentrer, tout n’est pas aussi idyllique. Amar, 69 ans et Samuel, 71 ans, les deux occupants, font la visite. « Vous voyez là, les fenêtres ne ferment pas et ça crée de l’humidité. » Leurs effets personnels sont mouillés et les murs infectés par des champignons noirs. « Parfois, il y a des petites souris qui sortent ! » Samuel, incarcéré depuis un mois, pour la première fois de sa vie, se lamente : « moi je n’ai pas l’habitude. » Dans leurs quelques mètres carrés, les deux hommes vivent principalement sur leurs lits superposés à trois étages sous leur couverture parce qu’il fait froid. « Vous n’êtes que tous les deux ? », demande la sénatrice (communiste) Laurence Cohen. « Oui », répond Amar, « mais parfois, on est trois, on nous met un petit jeune de 20 ans qui fume ou se coke et avec nous ça ne passe pas. »

Un surveillant pour 150 détenus

Amar et Samuel sont pourtant privilégiés car être deux dans une cellule, c’est rare à Fresnes. Avec 2649 hommes incarcérés, le taux de remplissage de la prison est de 204%. Une surpopulation difficile à gérer pour les 800 surveillants. « Il manque du personnel », nous dit le responsable des surveillants d’une des divisions. « Il y a trop d’arrivants. En moyenne, sur une semaine, il arrive 80 détenus. C’est énorme. »

La directrice adjointe du centre l’admet : « la situation est tendue », et elle a du mal à retenir les jeunes arrivants, qui ont leur première affectation à Fresnes. « C’est beaucoup de travail. Un surveillant s’occupe de 150 détenus et ça épuise. » Pour la sénatrice Laurence Cohen, qui n’en est pas à sa première visite du quartier homme de Fresnes, il y a urgence : il faut redonner des moyens aux prisons et augmenter le personnel. « Quand c’est surpeuplé à ce point-là, il ne peut y avoir que des effets négatifs en termes de gestion des détenus, mais aussi en termes sanitaires, ça nous a été signalé. Il y a des punaises et des rats. »

De la télémédecine en prison

Les punaises, la plaie de Catherine Fac, médecin à Fresnes. Quotidiennement, elle voit des détenus arriver avec des boutons et demande des désinfections de leurs cellules, mais « les punaises ne sont pas affectées à une cellule, si elles veulent elles peuvent aller à la cellule d’à côté, il faudrait réhabiliter chaque bâtiment pour venir à bout du problème », nous dit-elle. Catherine Fac est habituée à faire avec les moyens du bord. Pour soigner les détenus, elle évite au maximum leurs déplacements. Avec 800 consultations par an elle fait venir des spécialistes externes et a beaucoup développé la télémédecine au sein de la prison, notamment en dermatologie, en orthopédie, mais aussi pour les consultations d’anesthésies, « plus simple », nous déclare la médecin. « Il ne faut pas croire, les sorties en hôpitaux, les patients n’aiment pas ça. Ils ont des menottes, ils n’aiment pas être regardés comme des bêtes curieuses. »

À l’issue de leur visite, les sénateurs communistes Laurence Cohen et Pascal Salvoldelli ont réclamé la rénovation complète et un plan d’urgence pour la prison.

Dans la même thématique

Prison : visite surprise de deux sénateurs à Fresnes
6min

Société

Antisémitisme : la radicalisation d’une partie de la jeunesse, première inquiétude du gouvernement et des associations

Le gouvernement a lancé lundi 6 mai des « assises de lutte contre l'antisémitisme » pour renforcer les moyens de lutte contre un phénomène en pleine expansion depuis l’embrasement de la situation au Proche Orient, et qui touche notamment la jeunesse. Selon une enquête Ifop, 35% des 18-24 ans estime qu'il est normal de s'en prendre à des juifs en raison de leur soutien à Israël.

Le

Fresnes, Prison, Centre penitentiaire, Penitentiary center
6min

Société

Drogues en prison : 52% des détenus ont déjà consommé une substance illicite en prison

L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a publié ce lundi 6 mai, sa première enquête sur l’usage des drogues dans le milieu carcéral. Zoom sur des résultats inquiétants, qui « interrogent une éventuelle adaptation des politiques sanitaires en matière de prévention et de traitement des addictions à la réalité des consommations observées ».

Le

Weekly cabinet meeting at Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024
5min

Société

Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.

Le

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le