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Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.
Alexis Graillot

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Un peu plus de huit ans jour pour jour après une loi pénalisant les clients, le gouvernement s’apprête à présenter, ce jeudi 2 mai, un nouveau plan pour lutter contre la prostitution. Retour sur la législation actuelle et les nouvelles dispositions prévues par le futur projet de loi, qui prévoit notamment de « s’adapter aux nouvelles formes de prostitution, notamment numérique », et de « s’attaquer spécifiquement à la question des mineurs pour lutter efficacement face au continuum prostitutionnel », explique-t-on dans l’entourage de la ministre, auprès de l’AFP.

« Encore beaucoup de manquements à la loi en France »

Côté pile, la loi de 2016 a introduit plusieurs dispositions pour mieux protéger les travailleurs du sexe en France, plutôt que de les sanctionner. Supprimant le délit de racolage, le texte a également introduit « un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle (…), à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ». Côté face, cette plus grande protection des personnes prostituées est contrebalancée par la pénalisation des clients. La loi prévoit notamment une contravention de cinquième classe à l’encontre de ces derniers, soit une amende de 1500 euros. En cas de récidive, ce montant est majoré à 3750 euros. A l’époque, un vif débat avait opposé, d’un côté, les défenseurs de la loi, promoteurs d’un courant « abolitionniste », visant à terme, à mettre fin à la prostitution, de l’autre côté, les opposants à la loi, défendant davantage un encadrement de la pratique.

Huit ans plus tard, le débat n’est toujours pas tranché entre ces deux courants. En revanche, différents rapports et retours du terrain ont pointé les limites de la loi. En 2021, une table ronde, à l’initiative de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, avait souligné le manque de moyens dans l’accompagnement des personnes prostituées vers une reconversion. « « Nous avons accompagné 568 personnes en cinq ans. Ce n’est rien du tout par rapport aux demandes qui nous arrivent. […] Il faudrait embaucher davantage de travailleurs sociaux, mais nous n’avons pas de financements supplémentaires », avait alerté la présidente du Mouvement du Nid de l’époque, Claire Quidet, qui défend un courant « abolitionniste », porté par le slogan « Abolir le système prostitueur ».

Même constat du côté du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui avait souligné, en 2022, « beaucoup de manquements à la loi en France », dénonçant « une montée en charge encore trop lente », ainsi que « des disparités d’un territoire à l’autre ».

Faire face aux nouveaux défis de la prostitution des mineurs et du rôle accru des réseaux sociaux

Deux ans plus tard, la donne n’a pas vraiment changé, contraignant le gouvernement à changer de braquet. « Il faut permettre à toutes les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution de pouvoir le faire dans de bonnes conditions. Or, aujourd’hui ce n’est pas le cas », s’inquiète la directrice du mouvement du Nid, Stéphanie Caradec. Alors qu’entre 30 000 et 50 000 personnes sont victimes de la prostitution, selon les chiffres du Haut conseil pour l’égalité, les mineurs occupent désormais une place non négligeable, l’institution estimant le chiffre à « au moins 10 000 », dans son communiqué du 13 avril 2022. Dans la même lignée, un rapport de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETH), avait pointé une explosion de la prostitution des mineurs de 300% entre 2016 et 2020.

Une augmentation inquiétante, dont la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, s’était émue, auditionnée le 21 mars dernier au Sénat, à l’approche des JO, qui fait peser « un risque pour la traite humaine et la prostitution, reconnaissant d’elle-même les limites du système : « Cette aide est aujourd’hui très faible monétairement et mériterait sans doute d’être revalorisée. Mais ce programme est sous consommé. Le sujet est donc de mieux détecter pour garantir que toutes les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution soient accompagnées ». Avec notamment un focus particulier sur les enfants de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance), dont Aurore Bergé avait estimé qu’ils étaient « des proies pour le système prostitutionnel, notamment dans nos agglomérations ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce nouveau plan ne semble guère susciter beaucoup d’enthousiasme du côté des associations, contactées par nos confrères de l’AFP : « On sait qu’on va avoir le droit à une stratégie purement idéologique, on va passer à côté du sujet qui est la situation des personnes concernées sur le terrain », regrette Sarah-Marie Maffesoli, coordinatrice chez Médecins du Monde. Une opinion partagée par Elisa Koubi, coordinatrice du syndicat du travail sexuel (Strass) qui constate une augmentation des clients « beaucoup plus agressifs et plus violents » et des personnes prostituées obligées de « s’éloigner pour éviter la police, donc de s’isoler et de sortir des radars des associations et de la prévention santé ».

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