Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Qu’est devenu l’esprit de mai 68 ?
Par Alexandre Delrieu
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Le 22 mars 1968, près de 150 étudiants occupent la faculté de Nanterre. Rétrospectivement, cette révolte emmenée par Daniel Cohn-Bendit, est souvent considéré comme l’un des points de départ du mouvement de Mai 68. S'il bloquera la France durant plusieurs semaines, le sociologue Alain Touraine refuse de le qualifier de « révolution », préférant le terme « mouvement de libération ». « Mai 68 pour moi c’est la rencontre […] de l’imaginaire de la nouvelle jeunesse avec le souvenir symbolique du front populaire et de la libération », estime le sociologue qui enseignait alors à l’université de Nanterre.
« Une explosion populaire »
Alain Krivine, fondateur de la Jeunesse communiste révolutionnaire puis dirigeant de la LCR, insiste particulièrement sur l’aspect populaire du mouvement, dépassant le cadre des partis politiques et organisations syndicales traditionnelles. « Je pense que c’est la plus grande explosion populaire que j’ai jamais vue », souligne-t-il. S’il se réjouit de la « spontanéité » du mouvement, il reconnaît que « l’absence de parti politique implanté » explique pourquoi Mai 68 a « politiquement échoué ».
« 68 a ouvert des portes fantastiques »
Alors, bien que le soulèvement étudiant, rapidement rejoint par le monde ouvrier, n’a pas renversé le pourvoir, l’esprit qui l’a habité a-t-il durablement influencé la vie publique ? Pour Alain Krivine, « 68 a ouvert des portes fantastiques » en préfigurant le « mouvement de libération des femmes, des homosexuels, des immigrés ». En ce sens, Alain Touraine souligne que Mai 68 a introduit de manière inédite dans le débat public « les thèmes de la personnalité et de la culture ».
« L’esprit de 68 n’a pas changé, mais ce qui a changé c’est les conditions »
Au moment où la gronde sociale monte contre les réformes du gouvernement, au lendemain d’un défilé du 1er mai particulièrement tendu, le souvenir de Mai 68 pourrait-il aujourd’hui faire des émules ? Le sociologue Alain Touraine réfute la thèse d’un nouveau soulèvement comparable à celui de 68. Selon lui la France n’est pas prête à « être société », c'est-à-dire « le moment où les gens se sentent engagés dans leur personnalité profonde, dans leurs émotions profondes, qui les font monter d’un coup […] sans intermédiaire ».
Le militant Alain Krivine est plus nuancé. Pour lui, si l’esprit contestataire de mai 68 persiste, les conditions d’un soulèvement ne sont pas encore réunies. « Il y a un mouvement étudiant qui est plus grand mais moins vigoureux qu’en 1968. Il y a un prolétariat qui est plus grand mais beaucoup plus divisé qu’en 1968. Et c’est tous ces problèmes qu’on a à résoudre maintenant si on veut qu’il y ait un nouveau Mai 68 ».