Quand « le droit d’importuner » s’oppose à « balance ton porc »
La tribune publiée par Le Monde, revendiquant une « liberté d’importuner » à rebours du mouvement « Balance ton porc », a déclenché une vive polémique. Certaines féministes accusent les signataires de soutenir les prédateurs sexuels.

Quand « le droit d’importuner » s’oppose à « balance ton porc »

La tribune publiée par Le Monde, revendiquant une « liberté d’importuner » à rebours du mouvement « Balance ton porc », a déclenché une vive polémique. Certaines féministes accusent les signataires de soutenir les prédateurs sexuels.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles se « retourne aujourd’hui en son contraire », d’après les signataires d’une tribune revendiquant la « liberté d’importuner. » Publié dans les colonnes du Monde, cet appel a été signé par un collectif de 100 femmes, dont l’actrice Catherine Deneuve et la journaliste Élisabeth Lévy.

Les signataires veulent dénoncer ce « puritanisme » qui, in fine, enchaînerait les femmes « à un statut d’éternelles victimes. » Pire encore, d’après elles, le mouvement #MeToo – nom du hashtag sous lequel nombre de témoignages ont été partagés sur les réseaux sociaux – a conduit à « une campagne de délation. » Ce féminisme « prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité », assènent-elles. Des arguments qui ont provoqué de vives réactions.

L’évocation de la « grande misère sexuelle » des « frotteurs » qui sévissent dans les transports en commun a achevé de mettre le feu aux poudres. À noter qu’une récente étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales décompte – en une estimation « basse » - au moins 267 000 personnes victimes d’atteintes sexuelles (exhibitions, attouchements...) dans les transports en commun en 2014 et 2015. 

Des féministes fustigent « un texte qui ne passe pas »

Pour les féministes, ces arguments font le jeu des prédateurs sexuels. Tribune contre tribune, la militante Caroline de Haas a répondu, sur le site de France Info, dans un texte signé par une trentaine de personnalités. Elle les accuse de déterrer de vieux préjugés qui font « passer les féministes pour des coincées, voire des mal-baisées. » Caroline de Haas leur reproche de mélanger « délibérément,  un rapport de séduction, basé sur le respect et le plaisir, avec une violence. »

Sur un ton plus humoristique, la journaliste, Nadia Daam s’est fendue d’un billet sur les ondes d’Europe 1. Elle pointe le contraste entre les réactions aux États-Unis et en France. Les manifestations de solidarité pour le mouvement #MeToo ont effectivement marquées la cérémonie des Golden Globes. Le discours de la célèbre présentatrice américaine Oprah Winfrey a largement été salué. Faute d'Oprah Winfrey national, Nadia Daam déplore que les Français aient, eux, « des défenseurs du droit inaliénable à coller des mains au cul, et des débats sur les blagues de Tex ! »   

Des réactions politiques rares et contrastées

Des personnalités politiques ont également réagi. La sénatrice socialiste, Laurence Rossignol, a déclaré que cette tribune était une « gifle à l’encontre de toutes les femmes qui dénoncent la réalité de ce qu’est la prédation sexuelle », ce matin sur France Inter. Marlène Schiappa dénonce des assertions « profondément choquantes, voire fausses », au micro de France culture.

« Nous avons déjà énormément de mal à faire comprendre aux jeunes filles que frotter un sexe d’homme contre une femme dans le métro, sans son consentement, c’est une agression sexuelle » affirme-t-elle. Pour Marlène Schiappa, ce texte comporte des « fantasmes », « dire, comme c’est écrit dans cette tribune, que des hommes auraient été renvoyés pour avoir touché le genou d’une femme, c’est faux ! »

L'eurodéputé FN Gilles Breton salue « ces femmes courageuses qui refusent de céder au délire de la haine des hommes ! »

La présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat considère que ces propos témoignent d’une « conception rétrograde des relations entre les femmes et les hommes. » Annick Billon se dit « consternée » par une tribune qui « remet en cause l’avancée » qu’on voit poindre sur les questions « d’égalité entre les femmes et les hommes. »

Quelques politiques saluent, eux, « ces femmes courageuses qui refusent de céder au délire de la haine des hommes ! », comme l’eurodéputé FN, Gilles Lebreton (voir son tweet). Mais la sortie la plus remarquée reste celle de Nadine Morano. L’eurodéputé LR a partagé la tribune sur Twitter, en y ajoutant un enthousiaste : « Je signe aussi ! » Dans la foulée, Nadine Morano, au cours d’une interview à RMC et repérée par Le Lab, a revendiqué son « droit à être importunée » arguant que cela pouvait « engendrer de belles histoires. »  

Partager cet article

Dans la même thématique

Quand « le droit d’importuner » s’oppose à « balance ton porc »
8min

Société

Voitures en bout de course, hélicos hors d’âge, loyers qui plombent les comptes : le numéro 1 de la gendarmerie alerte devant le Sénat

Malgré un budget en légère hausse de 200 millions d’euros en 2026, la gendarmerie nationale est contrainte à des « renoncements » multiples, alerte son directeur général, Hubert Bonneau. Face à une hausse de la délinquance et des missions diverses, y compris l’appui aux armées, en cas de guerre face à une autre nation, ses moyens sont insuffisants, juge le patron de la gendarmerie.

Le

SNCF la greve du 21 novembre 2024 en forme ultimatum.
5min

Société

Sabotage sur le réseau SNCF : « Surveiller un tel réseau, c’est quasi-impossible » estime-t-on au Sénat

Après des actes de malveillance qui ont paralysé plusieurs lignes importantes du réseau ferroviaire dimanche et lundi, le ministre des Transports a pointé la difficulté technique de sécuriser 28 000 km de voies. Les parlementaires pointent la même difficulté, alors que les acteurs du ferroviaire soulignent tous un « sous-investissement chronique » dans les infrastructures.

Le