Quand « le droit d’importuner » s’oppose à « balance ton porc »

Quand « le droit d’importuner » s’oppose à « balance ton porc »

La tribune publiée par Le Monde, revendiquant une « liberté d’importuner » à rebours du mouvement « Balance ton porc », a déclenché une vive polémique. Certaines féministes accusent les signataires de soutenir les prédateurs sexuels.
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Par Héléna Berkaoui

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La libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles se « retourne aujourd’hui en son contraire », d’après les signataires d’une tribune revendiquant la « liberté d’importuner. » Publié dans les colonnes du Monde, cet appel a été signé par un collectif de 100 femmes, dont l’actrice Catherine Deneuve et la journaliste Élisabeth Lévy.

Les signataires veulent dénoncer ce « puritanisme » qui, in fine, enchaînerait les femmes « à un statut d’éternelles victimes. » Pire encore, d’après elles, le mouvement #MeToo – nom du hashtag sous lequel nombre de témoignages ont été partagés sur les réseaux sociaux – a conduit à « une campagne de délation. » Ce féminisme « prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité », assènent-elles. Des arguments qui ont provoqué de vives réactions.

L’évocation de la « grande misère sexuelle » des « frotteurs » qui sévissent dans les transports en commun a achevé de mettre le feu aux poudres. À noter qu’une récente étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales décompte – en une estimation « basse » - au moins 267 000 personnes victimes d’atteintes sexuelles (exhibitions, attouchements...) dans les transports en commun en 2014 et 2015. 

Des féministes fustigent « un texte qui ne passe pas »

Pour les féministes, ces arguments font le jeu des prédateurs sexuels. Tribune contre tribune, la militante Caroline de Haas a répondu, sur le site de France Info, dans un texte signé par une trentaine de personnalités. Elle les accuse de déterrer de vieux préjugés qui font « passer les féministes pour des coincées, voire des mal-baisées. » Caroline de Haas leur reproche de mélanger « délibérément,  un rapport de séduction, basé sur le respect et le plaisir, avec une violence. »

Sur un ton plus humoristique, la journaliste, Nadia Daam s’est fendue d’un billet sur les ondes d’Europe 1. Elle pointe le contraste entre les réactions aux États-Unis et en France. Les manifestations de solidarité pour le mouvement #MeToo ont effectivement marquées la cérémonie des Golden Globes. Le discours de la célèbre présentatrice américaine Oprah Winfrey a largement été salué. Faute d'Oprah Winfrey national, Nadia Daam déplore que les Français aient, eux, « des défenseurs du droit inaliénable à coller des mains au cul, et des débats sur les blagues de Tex ! »   

Des réactions politiques rares et contrastées

Des personnalités politiques ont également réagi. La sénatrice socialiste, Laurence Rossignol, a déclaré que cette tribune était une « gifle à l’encontre de toutes les femmes qui dénoncent la réalité de ce qu’est la prédation sexuelle », ce matin sur France Inter. Marlène Schiappa dénonce des assertions « profondément choquantes, voire fausses », au micro de France culture.

« Nous avons déjà énormément de mal à faire comprendre aux jeunes filles que frotter un sexe d’homme contre une femme dans le métro, sans son consentement, c’est une agression sexuelle » affirme-t-elle. Pour Marlène Schiappa, ce texte comporte des « fantasmes », « dire, comme c’est écrit dans cette tribune, que des hommes auraient été renvoyés pour avoir touché le genou d’une femme, c’est faux ! »

L'eurodéputé FN Gilles Breton salue « ces femmes courageuses qui refusent de céder au délire de la haine des hommes ! »

La présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat considère que ces propos témoignent d’une « conception rétrograde des relations entre les femmes et les hommes. » Annick Billon se dit « consternée » par une tribune qui « remet en cause l’avancée » qu’on voit poindre sur les questions « d’égalité entre les femmes et les hommes. »

Quelques politiques saluent, eux, « ces femmes courageuses qui refusent de céder au délire de la haine des hommes ! », comme l’eurodéputé FN, Gilles Lebreton (voir son tweet). Mais la sortie la plus remarquée reste celle de Nadine Morano. L’eurodéputé LR a partagé la tribune sur Twitter, en y ajoutant un enthousiaste : « Je signe aussi ! » Dans la foulée, Nadine Morano, au cours d’une interview à RMC et repérée par Le Lab, a revendiqué son « droit à être importunée » arguant que cela pouvait « engendrer de belles histoires. »  

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