Enfants et ecrans
Illustration d'un enfant jouant sur une tablette et son frere jouant sur un smartphone//BENAYACHEADIL_sipa.30232/Credit:ADIL BENAYACHE/SIPA/2401081800

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».
Rose-Amélie Bécel

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« Il faut qu’on ait un consensus scientifique, que les scientifiques commencent à donner un plan et qu’on éclaire le débat public qui viendra ensuite », avait affirmé Emmanuel Macron, à l’occasion de sa conférence de presse donnée mi-janvier. Installée dans la foulée, une commission constituée de dix experts rend son rapport sur le sujet au président de la République ce 30 avril.

Les experts alertent sur les lourdes conséquences d’une « hyperconnexion subie des enfants », « pour leur santé, leur développement, leur avenir », mais aussi plus largement pour l’avenir « de notre société » et « de notre civilisation ». Leur rapport formule donc plusieurs propositions fortes : interdiction des écrans pour les moins de 3 ans, interdiction de l’usage du téléphone portable avant 11 ans et autorisation d’accès aux réseaux sociaux à partir de 15 ans, seulement sur les plateformes qualifiées d’« éthiques ».

« Quelle perte de temps, quelle perte de moyens ! »

Des recommandations scientifiques déjà formulées par le psychiatre Serge Tisseron dans un livre publié dès 2013, intitulé « 3, 6, 9,12 : apprivoiser les écrans et grandir », affirme Catherine Morin-Desailly. La sénatrice centriste s’est elle-même largement inspirée de cet ouvrage pour formuler sa proposition de loi « visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants au écrans », votée à la quasi-unanimité au Sénat en novembre 2018.

« Aujourd’hui, je me dis quelle perte de temps, quelle perte de moyens ! Faire appel à des scientifiques pour répondre à un problème que nous avions déjà posé il y a des années… Nous avons perdu six ans », dénonce Catherine Morin-Desailly. Malgré le très large vote du Sénat, son texte n’a en effet jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. À l’époque, le gouvernement n’était en effet pas enclin à prendre des mesures et avait exprimé un avis défavorable au texte. « Nous estimons que les données des études sont encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable », avait indiqué Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé de l’époque Agnès Buzyn. « Au Sénat, tout le monde avait été choqué que la ministre Agnès Buzyn ne se déplace pas, elle n’a jamais daigné me recevoir », regrette Catherine Morin-Desailly, dénonçant un « manque de considération » du gouvernement de l’époque.

En parallèle, un texte similaire, déposé il y a un an par les députées Renaissance Caroline Janvier et Aurore Bergé, attend toujours d’être inscrit au Sénat après un large vote à l’Assemblée. Après les déclarations d’Emmanuel Macron mi-janvier, l’inscription du sujet parmi les préoccupations du gouvernement a poussé Catherine Morin-Desailly et Caroline Janvier à écrire à la ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui devrait les recevoir prochainement.

Interdiction des écrans : « Je vois mal comment nous pourrions imposer cela aux parents »

Concernant le contenu du rapport remis au président de la République, la sénatrice centriste reste là aussi dubitative : « Ma proposition de loi ne formulait pas une proposition aussi restrictive que l’interdiction des écrans pour les moins de trois ans, car dans les faits je vois mal comment nous pourrions imposer cela aux parents ».

Le texte proposait en effet d’obliger les fabricants du numérique à indiquer sur l’emballage de leurs produits que leur utilisation « nuit au développement de l’enfant de moins de trois ans », d’assortir les publicités de « messages à caractère sanitaire » et d’engager chaque année une campagne nationale de sensibilisation aux « bonnes pratiques en matière d’exposition aux écrans ». « Avant toutes choses, ce sont des mesures très concrètes de prévention, d’éducation, qu’il faut mettre en place auprès des parents, des médecins », insiste Catherine Morin-Desailly.

Si le gouvernement n’a pas encore concrètement expliqué comment il se saisirait du rapport, des propositions émergent déjà. Lors de son discours de la Sorbonne la semaine dernière, Emmanuel Macron a affirmé sa volonté de porter la question de la majorité numérique à 15 ans au niveau européen. « C’est très bien », reconnaît Catherine Morin-Desailly, « mais il faut voir comment cette mesure peut se mettre en place concrètement, car il ne faudrait pas que les plateformes auprès desquelles nous justifieront de notre âge disposent ensuite d’un fichier de l’identité de leurs utilisateurs ». En France, la disposition existe déjà en partie, obligeant les réseaux sociaux à refuser l’inscription des enfants de moins de 15 ans, sauf si l’un des parents donne son accord.

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