« Le nombre de violences policières augmente, et le nombre de policiers qui se suicident augmente », le constat frappe par sa justesse. Laëtitia Nonone est présidente de l’association Génération avisée, elle cherche depuis des années à comprendre le malaise présent au sein - et autour - de l’institution policière. « Pourquoi, comment l’expliquer ? » s’interroge-t-elle. L’origine de ces maux est peut-être à chercher dans la formation des forces de l’ordre. Comme en témoigne Valentin Gendrot, journaliste qui a infiltré un commissariat du dix-neuvième arrondissement de Paris durant 6 mois, la formation pour devenir policier est très incomplète : « Dans mon cas, j’ai suivi une formation pour être policier contractuel. A l’issue de trois mois seulement, je suis sorti de l’école avec une habilitation pour porter une arme sur la voie publique. Le code de déontologie n’a été que survolé, les questions des violences conjugales sont traitées en 3 heures seulement… et c’est la même chose pour la formation des gardiens de la paix, puisqu’elle a été réduite à 8 mois ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a d’ailleurs qualifié cette décision « d’erreur fondamentale ».
« A l’issue de trois mois seulement, je suis sorti de l’école avec une habilitation pour porter une arme sur la voie publique ». Valentin Gendro
Un faible taux d’encadrement
D’autant plus qu’à l’issue de leur courte formation, les jeunes agents sont souvent affectés dans des quartiers sensibles avec un faible taux d’encadrement, la faute aux dynamiques de mutation, comme le note Mathieu Zagrodzki, chercheur spécialiste de la police : « Les plus anciens se font muter de préférence dans des zones plus tranquilles, et ce sont les jeunes qui font la police dans l’agglomération parisienne ». Or, on peut supposer qu’il existe un lien entre le taux d’encadrement et les violences illégitimes : « Par définition, quand vous vous retrouvez avec des gens qui ont un an de métier et qui dirigent une patrouille, même avec la meilleure volonté du monde, ils n’ont ni l’expérience ni le recul pour gérer un certain nombre de situations » explique Mathieu Zagrodzki.
« Les plus anciens se font muter de préférence dans des zones plus tranquilles, et ce sont les jeunes qui font la police dans l’agglomération parisienne » Mathieu Zagrodzki.
Et ce, sans compter un autre problème, celui du niveau des recrues. Depuis les attentats de 2015, l’exécutif a décidé d’augmenter sensiblement le nombre de policiers sur le terrain. La sélectivité au concours a donc mécaniquement baissé. Matthieu Valet, porte-parole SICP, concède que le niveau des nouvelles recrues est un vrai sujet : « Le niveau est beaucoup plus faible que ce que l’on constatait auparavant, et pas uniquement pour les gardiens de la paix, c’est pareil pour les officiers et les commissaires ». Comment, alors, parvenir à mieux former ces nouveaux arrivants ?
Le niveau général du recrutement baisse
Le commissaire, qui a commencé comme gardien de la paix avant de gravir tous les échelons de la police nationale, a une idée : « Quand j’étais jeune gardien de la paix en sortie d’école, j’étais encadré par un ancien qui avait dix ans de police. Un ancien c’est quelqu’un qui connaît le terrain, la population, les problèmes locaux. Et surtout, quand on est jeune et plein de fougue, c’est bien qu’il y ait un ancien qui dise « là attention il vaut mieux réagir comme ça », mais ça, ça ne s’apprend pas à l’école et ça ne s’improvise pas ». Un moyen de mieux gérer la transition de l’école vers le terrain, qui permettrait sans doute aux policiers de faire leur travail plus sereinement, et donc de mieux remplir leurs missions. L’enjeu est d’une importance fondamentale, car « depuis les trois dernières années, et dans les deux années qui arrivent, un tiers de la police nationale aura été renouvelé » selon Matthieu Valet.
--
Retrouvez le débat d’Un monde en Docs consacré à la police, en replay sur notre site.