Manifestation contre les violences sur les mineurs, Toulouse

Relaxe d’un homme accusé de violences familiales : le droit de correction invoqué par les juges est « contraire à la loi »

Ce 18 avril, la cour d’appel de Metz a relaxé un policier condamné en première instance pour des faits de violences sur ses enfants et sa compagne. Dans leur arrêt, les juges ont indiqué qu’un « droit de correction est reconnu aux parents ». Une décision qui indigne la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure d’une proposition de loi qui interdit les « violences éducatives » depuis 2019.
Rose-Amélie Bécel

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Condamné à 18 mois de prison avec sursis et au retrait de son autorité parentale en première instance, Yves Milla, délégué syndical à l’Unsa police, a été relaxé ce 18 avril lors de son procès en appel à Metz. L’ancien major de la police aux frontières est accusé de violences envers ses deux enfants, aujourd’hui âgés de 10 et 13 ans, mais également à l’encontre de son ex-compagne.

Le père de famille mis en cause a reconnu pratiquer une éducation « stricte et rude ». Lors de leur audition en 2022, les enfants décrivent une toute autre réalité, rapportée par BFM TV. « Quand mon père est énervé contre moi, il m’étrangle et me colle contre le mur. Moi et mon petit frère, on est terrifiés à un point que vous ne pouvez pas imaginer », aurait déclaré l’aîné.

Un « droit de correction » définitivement abandonné en 2019

Dans son arrêt, la cour d’appel de Metz ne conteste pas ces faits de violences, estimant les témoignages des victimes « concordants et corroborés ». Mais les juges justifient les gestes du père de famille par l’existence pour les parents d’un « droit de correction », qui « autorise le juge pénal à renoncer à sanctionner les auteurs de violence, dès lors que celles-ci n’ont pas causé un dommage à l’enfant, qu’elles restent proportionnées au manquement commis et qu’elles ne présentent pas de caractère humiliant ».

Au Moyen Âge et pendant l’époque moderne, ce « droit de correction » reconnaissait aux chefs de famille, mais aussi aux maîtres d’écoles ou encore aux employeurs, la possibilité de frapper les personnes placées sous leur autorité. Un droit petit à petit abandonné, le code pénal prohibant toute violence, mais qui refait parfois surface au tribunal.

En 2018, une proposition de loi de la députée Modem Maud Petit demandait ainsi l’inscription dans le code civil de l’interdiction des « violences éducatives ordinaires », considérant que « les titulaires de l’autorité parentale doivent l’exercer sans violence et ne doivent pas utiliser la violence physique, verbale ou psychologique, à l’encontre de l’enfant ». Un texte entré en vigueur un an plus tard et désormais lu par l’officier d’état civil lors des cérémonies de mariage, marquant l’abandon définitif de ce « droit de correction ».

« On a l’impression de faire trois pas en arrière »

Au Sénat, la proposition de loi avait été votée à l’unanimité. « Des générations entières ont été élevées avec ce principe qu’une fessée ne fait de mal à personne. En réalité, ces violences produisent des séquelles chez l’enfant. On lui apprend que frapper ou injurier peut être légitime et ensuite on cherche à lutter contre une hausse des violences chez les mineurs, c’est complètement paradoxal », défend Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure du texte.

La sénatrice socialiste se dit donc « choquée » par la décision des magistrats de Metz, qu’elle estime « contraire à la loi ». « Avec le vote de ce texte, nous avions fait un pas en avant. Aujourd’hui, on a l’impression de faire trois pas en arrière. Le terme “droit de correction” est d’un autre temps. C’est un retour en arrière terrible, d’autant que les faits étaient établis et que l’homme avait été condamné en première instance », dénonce-t-elle.

Les élus ne sont pas les seuls à s’indigner de la décision des magistrats. Quelques jours après la relaxe, trois recours ont été déposés auprès de la cour de cassation, par l’avocat des deux enfants, de l’ex-conjointe du policier, mais aussi par le parquet général de Metz.

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