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Réseaux sociaux : une proposition de loi pour lutter contre la haine en ligne bientôt examinée au Sénat 

Une proposition de loi visant à lutter contre la haine en ligne arrive au Sénat. Elle entend mieux protéger les utilisateurs mineurs. Une « priorité » selon sa rapporteure Alexandra Borchio Fontimp, qui souhaite instaurer une majorité numérique à 15 ans.
Lauriane Nembrot

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« On ne veut rien interdire à personne. On sait qu’il n’y a pas que du mauvais sur les réseaux sociaux. Mais on sait aussi qu’il y en a. Et on veut alerter ». Voici en substance la volonté de la sénatrice des Alpes-Maritimes Alexandra Borchio Fontimp. Rapporteure de la proposition de loi qui vise à lutter contre la haine en ligne, la sénatrice se félicite que ses amendements pour renforcer la protection des mineurs sur internet aient été adoptés.

Aujourd’hui, elle veut « mieux protéger les mineurs qui se retrouvent exposés à des contenus violents » et parfois même pornographiques, comme l’avait démontré l’intéressée dans le rapport d’information consacré à l’industrie du porno en France. Interrogé sur le projet de loi « sécuriser internet », le ministre de la Transition numérique a confirmé mercredi 10 mai la volonté de gouvernement de mettre en place des sanctions pour les sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs. Une proposition tirée des travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur le porno.

Pointant du doigt « les effets toxiques d’un usage non contrôlé » des réseaux sociaux, le Sénat a adopté en commission le 2 mars 2023 le texte du député Laurent Marcangeli. Selon Alexandra Borchio Fontimp, c’est « un texte de bon sens ». Avec ce feu vert, le Parlement entend ainsi « mieux protéger les utilisateurs des applications en ligne ». Et surtout réguler l’accès des mineurs de moins de quinze ans aux réseaux sociaux.

Accord parental requis

Notamment pour les protéger du risque d’être cyberharcelés. Selon la commission nationale de l’informatique et des libertés, au moins deux élèves par classe au collège seraient victimes de harcèlement en ligne. « 6 % des collégiens seraient harcelés jusque dans leur chambre via leur smartphone ou les réseaux sociaux », dénonce encore la Cnil.

Au cœur de cette proposition de loi, la commission sénatoriale entend renforcer l’autorité parentale. Ainsi, un amendement de la sénatrice Alexandra Borchio Fontimp et adopté au Sénat instaure qu’au moins un des deux représentants légaux d’un mineur devrait donner son aval en amont d’une inscription sur les réseaux sociaux. « Les actes nécessitant l’accord de l’ensemble des titulaires de l’autorité parentale sont réservés aux cas les plus importants de la vie du mineur, comme une intervention chirurgicale ou un changement d’école. Dans les autres cas, l’accord d’un seul parent est requis, l’autre étant présumé en accord », défend la sénatrice.

Si leur accord est nécessaire pour l’inscription, elle peut aussi permettre la suppression d’un compte d’un mineur sur les réseaux sociaux. « L’un des titulaires de l’autorité parentale peut demander aux fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne la suspension du compte du mineur de quinze ans », prévoit l’article 2 de la proposition de loi.

La responsabilité des fournisseurs

Une mise en demeure à l’encontre d’un fournisseur pourra être prononcée par l’Arcom, le gendarme français de l’audiovisuel et du numérique, si celle-ci constate des manquements. « En cas d’inexécution de la mise en demeure, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner au fournisseur de mettre en œuvre une solution technique conforme », prévoit la proposition de loi. En cas d’infraction, le fournisseur pourrait écoper d’une amende.

« On souhaite aussi renforcer la sensibilisation des parents et des mineurs », détaille Alexandra Borchio Fontimp. Ainsi, elle a souhaité mettre en place des messages de préventions contre le harcèlement seront diffusés par les fournisseurs. Aussi, tout utilisateur de 15 ans devra avoir l’autorisation de ses représentants légaux pour s’inscrire à un réseau social. Une mesure qui se veut rétroactive. Les fournisseurs de réseaux sociaux, qui ont le devoir de vérifier l’âge de leurs utilisateurs, auront l’obligation de demander l’autorisation expresse de l’un des titulaires de l’autorité parentale relative aux comptes déjà créés et détenus par des mineurs de 15 ans.

Pour une majorité numérique à 15 ans

15 ans, selon la parlementaire c’est un « âge raisonnable auquel on est un peu moins vulnérable ». Alexandra Borchio Fontimp rappelle aussi qu’il y a « une délibération européenne qui dit qu’à 15 ans on peut consentir à l’exploitation des données numériques. C’est aussi l’âge auquel on entre au lycée. Moi, je trouve que c’est le bon âge pour utiliser les réseaux sociaux ».

C’est précisément pour ça que la sénatrice est favorable à l’instauration d’une majorité numérique fixée à 15 ans. En dessous de cet âge, l’accord des parents deviendrait obligatoire pour qu’un adolescent puisse s’inscrire sur un réseau social. En conséquence, « les réseaux, qui jusqu’à présent acceptent l’inscription à partir de 13 ans, devront en tout état de cause repousser l’âge « officiel » de deux ans ». « On veut alerter les parents sur les dangers qui existent mais in fine on les laisse décider. On veut surtout protéger les mineurs, c’est une priorité », explique Alexandra Borchio Fontimp qui martèle sa volonté de « sensibiliser ».

La proposition de loi entend également évaluer les conséquences de l’usage des réseaux sociaux sur le développement cognitif des plus jeunes. « Le gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les conséquences de l’utilisation des plateformes en ligne, de la surinformation et de l’exposition aux fausses informations sur la santé physique et mentale des jeunes, notamment des mineurs, ainsi que sur leurs capacités d’apprentissage », indique l’article 4.

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