Risques environnementaux : vers la création d’une 6ème branche de la Sécu ?

Risques environnementaux : vers la création d’une 6ème branche de la Sécu ?

La mission d’information sur « la Sécurité sociale du XXIème siècle a rendu son rapport ce mercredi. La rapportrice écologiste Mélanie Vogel y réfléchit à la future création d’une 6ème branche de la Sécurité sociale, censée couvrir l’accroissement des dépenses de protection sociale liées au dérèglement climatique.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que la campagne électorale est un peu atone, et qu’elle a encore du mal à mettre à l’agenda des sujets structurants, les commissions et les missions d’information du Sénat continuent leur travail, malgré la fin de la session parlementaire. Le groupe écologiste a ainsi créé une mission d’information pour plancher sur la création d’une « sécurité sociale écologique », assurant les risques environnementaux. La création de la 5ème branche a déjà été un serpent de mer de la protection sociale française pendant des années, avant d’être créée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021. Cette branche « dépendance » n’a même pas totalement achevé sa montée en charge, que la mission d’information sur « la sécurité sociale écologique du XXIème siècle » propose de réfléchir à la création d’une 6ème branche, dédiée à la prévention et à l’assurance des risques liés à l’environnement.

Le dérèglement climatique interroge sur « la soutenabilité financière de la Sécu »

Le rapport de Mélanie Vogel, sénatrice écologiste, part d’un constat de départ simple : 23 % des décès dans le monde sont liés « au fait d’avoir travaillé ou vécu dans un environnement insalubre », les plus défavorisés supportant la plus forte charge de surmortalité. Cette « vulnérabilité croissante » à des risques environnementaux doit amener les pouvoirs publics à considérer plus systématiquement la dimension environnementale des politiques sanitaires, comme l’a fait l’OMS en promouvant le concept de « santé intégrée » (« One Health ») depuis 2010. Le but est ainsi de prendre en compte de manière systémique, à la fois la santé des humains, de l’environnement et des animaux, la pandémie récente étant citée dans le rapport en exemple justifiant la pertinence d’une telle approche.

Le but est notamment de pallier l’une des faiblesses connues du système de santé français, trop curatif et pas assez préventif, en tentant de lutter à la racine contre les facteurs de risques sanitaires, comme la pollution ou une mauvaise alimentation. Plus prosaïquement, la prise en compte du dérèglement climatique dans une perspective de protection sociale a conduit la mission d’information à s’interroger sur « la soutenabilité financière de la Sécurité sociale. » En effet, le dérèglement climatique accroîtrait les dépenses de santé en créant de nouveaux risques sociaux, tout en ralentissant la croissance économique, avec l’épuisement des ressources et les contraintes économiques liées à la transition écologique. Or le financement de notre modèle social – et en particulier de la Sécurité sociale – reposant sur la croissance, notre « pacte social risque d’être ébranlé », d’après la rapportrice de la mission d’information, Mélanie Vogel.

Une 6ème branche pour préparer le financement de « l’accroissement probable » des dépenses de Sécu

C’est donc pour résoudre cette future crise de la protection sociale que la mission d’information s’est penchée sur la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale pour les risques environnementaux, proposition « portée dans le débat public par certains économistes », en tentant d’imaginer les contours que celle-ci pourrait avoir. Un exercice complexe entre une majorité sénatoriale LR et centriste et la rapportrice du groupe écologiste. Guillaume Chevrollier, président LR de la mission d’information précise ainsi « que le groupe LR se désolidarise du principe de la 6ème branche », et s’est montré plutôt « défavorable » aux propositions de financement portées par les écologistes sur un ISF climatique ou la non-extinction de la CADES. Mais le président, comme la rapportrice, de cette mission d’information se félicitent tout de même des pistes qu’ouvre ce rapport pour alimenter le débat public autour d’un constat qui, lui, a fait consensus : l’Etat n’est actuellement pas prêt à assurer les risques environnementaux qui vont s’accroître, et il va falloir réfléchir aux modalités de financement de ces risques.

Par conséquent, les contours de cette 6ème branche de la sécurité sociale « restent flous », de l’aveu même de Mélanie Vogel. C’est le prix du compromis politique. Mais si l’on rentre dans la réflexion du groupe écologiste, qui en est donc restée au stade d’hypothèse, l’objectif d’une 6ème branche de la Sécu serait « d’unifier les dépenses liées au changement climatique et à la transition écologique », en garantissant que les prélèvements sur les activités polluantes servent bien à lutter contre le dérèglement climatique. Ce sont ainsi les dépenses de Sécu liées au dérèglement climatique et aux nouveaux risques sanitaires environnementaux qui seraient financées, tout comme les dépenses de transition énergétique et aux mutations de l’emploi qui en découleront, la prévention des risques naturels, ou la couverture de risques inassurables, la pandémie ayant bien montré que certains risques n’étaient actuellement pas couverts par les contrats d’assurance.

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Graphique issu du rapport de la mission d'information présentant la 6ème branche "environnement" de la Sécurité sociale
Sénat

À cet égard, la création d’un fonds spécial d’investissement pour l’environnement aurait plus ou moins le même effet, selon le rapport de Mélanie Vogel. Cependant l’intégrer à la Sécurité sociale pourrait permettre un mode de gouvernance plus participatif, réunissant entreprises, syndicats, associations, experts et citoyens. Ainsi, une éventuelle 6ème branche ne servirait non pas à financer de nouveaux risques, mais à mieux préparer l’accroissement « probable » de certains risques dans les prochaines décennies, et donc des besoins de financement qui vont avec. La mission d’information mise pour ce faire, sur les économies du passage d’un système curatif à un système préventif en matière de santé environnementale, sur l’affectation de la fiscalité environnementale déjà existante à une telle branche et sur des ressources dédiées au remboursement de la dette sociale, une fois celle-ci éteinte (CADES). Ce dispositif permettrait aussi de garantir que d’éventuelles nouvelles contributions des ménages, proportionnelles à leur empreinte environnementale, soient bien affectées à la lutte contre le dérèglement climatique, ce qui permettrait d’apporter un début de réponse aux réticences actuelles à la fiscalité écologique.

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