Le drame d’Evian-les Bains survenu ce week-end a brutalement remis à l’agenda la question des rodéos urbains. Samedi au petit matin dans cette ville de Haute-Savoie, un pompier volontaire s’est retrouvé entre la vie et la mort après avoir été renversé par un jeune homme de 19 ans, qui effectuait des dérapages, et dont le permis de conduire était suspendu. Selon la préfète du département, le soldat du feu est aujourd’hui dans un état « stable », mais « lutte encore » pour sa santé.
Plusieurs membres du gouvernement se sont exprimés en soutien du pompier, mais également pour tenir un discours de fermeté vis-à-vis de ce phénomène, qui a déjà fait l’objet de textes législatifs ou réglementaires. Le Premier ministre François Bayrou a par exemple dénoncé une « malédiction pour un très grand nombre de maires et un très grand nombre de villes ». Il a également assuré que le gouvernement était au travail pour élaborer « des règles et des capacités pour pouvoir bloquer les gens sans conscience qui se livrent à ce genre de pratiques ».
Vendredi soir, alors qu’un rodéo urbain rassemblait 500 voitures à Bordeaux, avant d’être stoppé, puis dispersé par les forces de l’ordre. Contre ce qu’il nomme le « fléau des rodéos urbains », le ministre de la Justice Gérald Darmanin a appelé les procureurs à « saisir systématiquement les véhicules impliqués dans des rodéos et, comme la loi le permet, les vendre ou les faire détruire avant même le jugement ». Une semaine plus tôt, un élu municipal en Gironde avait été violemment agressé après avoir tenté de mettre fin à un rodéo urbain.
Instruction donnée à la police pour prendre en chasse les auteurs de rodéos urbains
La place Beauvau va elle aussi adresser de nouvelles consignes aux forces de l’ordre. Invité du Grand Jury (sur RTL, Public Sénat, Le Figaro et M6), le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau s’est engagé à prendre « dans quelques jours une nouvelle instruction pour généraliser les poursuites sur les rodéos ». Il sera donc demandé aux policiers et gendarmes partout sur le territoire de prendre en chasse ces véhicules.
L’ancien président du groupe LR au Sénat, actuellement en campagne pour la présidence de son parti Les Républicains, s’était rendu sur les lieux à Evian-les Bains avec son ministre François-Noël Buffet. Selon le ministre de l’Intérieur, dans la zone du ressort du préfet de police de Paris (capitale et départements de la petite couronne), la police engage des « poursuites physiques » des véhicules, mais cette approche n’est actuellement pas systématique sur l’ensemble du territoire français.
Sur le front de la législation, la dernière grande offensive sur le sujet remonte à 2018, avec l’adoption de la loi du 3 août, qui renforce « la lutte contre les rodéos motorisés ». Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, la pratique du rodéo urbain est passée d’une simple infraction au Code de la route à un délit passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. La loi en question définit ce délit comme « le fait d’adopter, au moyen d’un véhicule terrestre à moteur, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence […] qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique ».
Des circonstances aggravantes sont prévues. La peine peut être portée à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, si les faits sont commis « en réunion », et même trois ans et 40 000 euros d’amende si les auteurs ont consommé de l’alcool, des stupéfiants ou conduisaient sans permis. Des peines complémentaires sont également laissées à la disposition des magistrats, comme une suspension du permis de conduire pendant trois ans maximum, de travaux d’intérêt général, ou encore « la confiscation du véhicule » utilisé pour le rodéo, si la personne en est le propriétaire.
En juin 2024, un décret est venu durcir certaines règles de circulation, y compris les rodéos urbains, dans le prolongement d’un plan de lutte annoncé en avril 2023.
A l’automne 2022, à l’initiative du Sénat, les parlementaires avaient tiré profit de l’examen de la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur), pour durcir la réponse pénale contre les rodéos urbains. Il s’agissait de réprimer spécifiquement ceux « qui exposeraient autrui à un risque de mort ou à une infirmité permanente ». La peine passerait à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, contre un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. La disposition avait cependant été censurée au Conseil constitutionnel, considérant que l’article ne présentait pas de lien avec le texte initial. C’est ce qu’a rappelé ce week-end, le vice-président du Sénat, Loïc Hervé (Union centriste).
Des appels à durcir une nouvelle fois le quantum des peines
L’an dernier, une députée UDR (Union des droites pour la République), Christelle d’Intorni, a déposé une proposition de loi pour durcir l’échelle des sanctions, systématiser l’annulation du permis de conduire, ou encore pour donner une base légale de la méthode du « contact tactique » des forces de l’ordre, lors des poursuites.
Durant l’été 2020, le sénateur de l’Essonne Vincent Delahaye (Union centriste), qui avait déjà tenté à travers une proposition de loi en 2017 un renforcement des sanctions, avait encouragé la création de « davantage de brigades motorisées » pour combattre ce phénomène (relire notre article). A la même époque, le tribunal administratif de Marseille avait condamné l’Etat, à la suite d’une plainte d’un collectif d’habitants, considérant que les mesures prises au niveau central étaient « insuffisantes pour restaurer la tranquillité publique » dans des lieux « concernés par le déroulement régulier de rodéos motorisés ».
À noter qu’une proposition de loi chemine toujours au Parlement pour créer un homicide routier, avec pour conséquence principale en cas d’adoption de bannir le mot « involontaire ». Le texte, porté par le député LR des Alpes-Maritimes Eric Pauget, faisait l’objet d’une deuxième lecture à l’Assemblée nationale la semaine dernière. L’homicide routier découlerait de circonstances aggravantes, comme la consommation de stupéfiants, le défaut de permis, le dépassement de la vitesse de plus de 30 km/h, l’usage du téléphone au volant, le refus d’obtempérer, le délit de fuite, ou encore le rodéo urbain.
Les rodéos urbains ont donné lieu l’année dernière à 3480 interpellations, 1304 gardes-à-vue et près de 2500 véhicules saisis par la police nationale, selon la porte-parole de la police nationale, selon qui la « mobilisation est totale ».