Sabine et Serge Atlaoui, deux vies contre la peine de mort
Serge Atlaoui est aujourd’hui le seul Français condamné à mort dans le monde. Emprisonné en Indonésie depuis 2005, accusé de trafic de drogue, il se bat pour sortir du couloir de la mort. La réalisatrice Christine Tournadre a suivi son combat et celui de sa femme, Sabine dans un documentaire. Elle raconte le quotidien de ce couple déchiré qui a dû faire de sa vie un combat contre la peine de mort. Son film « Serge, condamné à mort » a obtenu le Grand Prix du FIGRA 2018. Rencontre.
Dans le documentaire, on sent votre attachement à Sabine et Serge Atlaoui, avez-vous souhaité faire un film militant contre la peine de mort ?
Christine Tournadre : Ce n’était pas mon intention à l’origine. J’avais au départ été contacté par une visiteuse de prison qui était très inquiète de la situation de Serge Atlaoui, qui était complètement délaissé. Et je suis intervenue car je vivais en Indonésie mais je ne connaissais pas du tout le cas de Serge. J’ai alors rencontré Serge et Sabine et c’est venu petit à petit.
Il n’était alors pas du tout question d’alerter l’opinion publique ou de faire un documentaire, il s’agissait d’être discret, donc avec Sabine et Serge nous nous sommes mis d’accord pour faire un document au long cours, pour raconter leurs histoires. J’ai basculé là-dedans au fur et à mesure. J’ai le sentiment, un peu comme Sabine, que si je n’avais pas été mise devant ce cas-là, le combat contre peine de mort était un combat d’arrière-garde. Évidemment ça se passait dans d’autres pays, mais ça paraissait lointain. J’ai été happée par cette histoire et c’est devenu un combat important pour moi, quasiment le combat d’une vie.
Aujourd’hui avec ce film, vous essayez de faire connaître l’histoire de Serge Atlaoui ? Le combat contre peine de mort ? Quel est l’objectif de ce film ?
C. T. : C’est un peu les deux. L’histoire de Sabine et Serge devient un symbole du combat contre la peine de mort. L’objectif du film, c’est, au travers d’un cas individuel, d’avoir une résonance beaucoup plus universelle. Et de montrer toute l’horreur que représente cette situation du couloir de la mort et cette peine encore appliquée dans le monde, de le vivre de l’intérieur. Ne pas avoir un regard seulement journalistique, statistique, économique etc. mais que ce soit l’émotion qui nous permette de comprendre ce que ça engendre comme barbarie. En essayant d’être le moins voyeur possible, l’idée c’était de se mettre dans la peau d’un condamné à mort et d’une femme de condamné à mort.
Sabine Atlaoui. Image issu du documentaire "Serge, condamné à mort" de C. Tournadre
Vous avez suivi et noué des liens d’amitié avec Sabine et Serge Atlaoui, vous les avez suivis pendant 10 ans, vous les avez vus se transformer ?
C. T. : C’est l’intérêt de suivre une histoire au long cours. On voit l’évolution des personnages et cela m’importait beaucoup. Je ne voulais pas que ce soit juste une description d‘un cas judiciaire mais que derrière, l’humain l’emporte, que l’on comprenne ce que ça suppose comme torture pour l’un comme pour l’autre.
C’est magique de voir les transformations, plutôt « positives » pour Sabine. Elle devient une combattante, une militante, qui se révèle au travers de cette histoire. Elle était une toute petite femme de ménage sans aucune prétention et sans aucun avenir et d’un seul coup, au travers de ce combat, elle devient une femme qui améliore sa diction, sa façon de parler, qui n’a plus peur de s’adresser à des gens importants, à des gens de pouvoir. D’une femme amoureuse, elle devient quelqu’un qui va avoir un impact politique.
Dans quel état d’esprit sont-ils tous les deux aujourd’hui ?
C. T. : Serge est toujours combatif mais il a des hauts et des bas bien évidemment. Il y a des moments où il espère, et des moments où il est découragé. Récemment, il a été transféré dans une prison où les conditions se sont beaucoup détériorées, donc pour lui c’est difficile. Sabine, elle n’en démord pas. De toute façon, elle n’arrêtera pas le combat.
Elle avait été obligée de tout abandonner pour s’occuper de la cause de son mari. Et là, elle a pu retrouver un travail, qui lui permet de faire les deux avec des gens très compréhensifs. Elle est devenue maintenant une militante complète et décidée non seulement à aider la cause de son mari, mais aussi à aider la cause de la lutte contre la peine de mort dans le monde autant qu’elle le peut.
Aujourd’hui vous continuez à filmer ?
C. T. : Je suis toujours à leurs côtés mais j’ai arrêté pour le moment les enregistrements parce que nous sommes arrivés au bout de quelque chose. J’attends qu’il y ait une issue… Si jamais il y avait une issue positive, ce qui m’intéresserait c’est de voir quelle est la réinsertion possible, pour Serge, et comment leur histoire peut évoluer après de tels traumatismes. Pour eux et pour leurs enfants, comprendre comment on peut se reconstruire après une telle épreuve.
Aujourd’hui quels espoirs sont permis autour du cas de Serge Atlaoui ?
C. T. : Nous sommes toujours dans l’espoir et dans l’attente. Il n’y a pas d’accord de transfèrement entre les deux pays (NDLR : la France et l’Indonésie) donc la seule chose qui pourrait intervenir ce serait une grâce présidentielle, qui permettrait de commuer sa peine de peine de mort à peine à vie.
Comment percevez-vous l’action d’Emmanuel Macron sur ce dossier depuis son arrivée à la présidence en mai dernier ?
C. T. : À chaque fois qu’il y a eu un nouveau président, il y a toute une inertie au départ pour rencontrer les personnes responsables, les remobiliser sur le sujet et faire en sorte qu’elles puissent essayer d’intercéder, tout en respectant évidemment le système judiciaire indonésien. Ça prend toujours un peu de temps et nous sommes dans cette phase de démarrage avec l’équipe de Macron.
Bande-annonce - Documentaire "Serge, condamné à mort"
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