L’ancienne ministre des Droits des femmes actuelle sénatrice socialiste, Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi, cosignée par l’ensemble des collègues de son groupe. Elle vise à reconnaître « les souffrances physiques et morales » infligées par une « législation prohibitionniste » avant 1975, date de l’adoption de la loi Veil. Le texte sera examiné en séance publique le 20 mars.
[Série] Melina Mercouri vue par la sénatrice Dominique Vérien : comédienne, parlementaire, ministre « un parcours inspirant » pour les femmes
Par Public Sénat
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Elle a eu un parcours riche et multiple, comédienne, chanteuse mais aussi femme politique à l’origine des « capitales européennes de la Culture » et elle fera rayonner la Grèce au-delà de la péninsule… Quelles leçons tirer de la vie de cette femme d’engagement ? Le parcours de Melina Mercouri est-il inspirant pour les femmes d’aujourd’hui ? Dominique Vérien, sénatrice et Vice-Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances a visionné le documentaire : « Melina Mercouri, une tragédienne grecque amoureuse » et pour publicsenat.fr elle livre son regard de politique sur le parcours atypique de cette femme qui du cinéma au gouvernement a toujours placé son amour de la Grèce au centre de son univers.
Melina Mercouri était une actrice qui aimait chanter et faire la fête, ambitieuse dans sa carrière artistique, exigeante avec elle-même, quel regard portez-vous sur l’artiste avant qu’elle ne se tourne vers la politique ?
Dominique Vérien : C’est une femme qui avait une forte énergie. Energie qu’elle a mise au service de toutes ses passions : le théâtre, le cinéma… et la Grèce.
Elle était, comme on le dit dans le film, la passionaria des Grecs exilés pendant la période des colonels mais c’est aussi grâce cette énergie et à cette joie de vivre qu’elle déployait malgré tout qu’elle a dû permettre à tous ces Grecs expatriés de garder la force et l’espoir donc c’était un beau symbole, un symbole d’espoir. Effectivement, elle était à la fois exigeante mais on a aussi l’impression d’un feu follet. C’était une boule d’énergie, pas forcement facile à vivre au quotidien pour son compagnon Jules Dassin qui était heureusement plus posé.
Une femme assez forte et vive. Elle devait être fatigante en fait [rires]…
Au-delà de sa carrière artistique, on le découvre dans le documentaire, Melina Mercouri a toujours été très concernée par la vie sociopolitique de son pays. Au moment du coup d’État des colonels en 1967 alors qu’elle se séjourne aux Etats-Unis, elle est déchue de sa nationalité, excommuniée et s’exile en France. Qu’en pensez-vous ?
Dominique Vérien : Elle l’a dit, elle était grecque jusqu’au bout des ongles, avec un grand-père maire d’Athènes, un père parlementaire… donc le fait d’être déchue de sa nationalité alors que cela coulait tellement dans ses veines, je pense que ça a forcément dû être un déchirement.
Et apprendre en même temps, et ça, je l’ai découvert, qu’elle était excommuniée parce qu’elle avait épousé un juif, cela montre aussi, avec cette concomitance, le lien qu’il pouvait y avoir entre les colonels et l’Eglise Orthodoxe, ce qui n’est pas un bon présage, notamment pour moi qui travaille sur les questions de laïcité, même s’ils s’en sont sortis après quand même. Par son histoire, on comprend mieux comment la Grèce a évolué et pourquoi elle, Melina Mercouri, est devenue plutôt socialiste. Quelqu’un me disait, dans mon entourage, c’est une femme socialiste. Oui, mais je pense que si les communistes avaient fait cette révolution, elle aurait été de centre droit puisque de toute façon, elle était équilibrée et elle cherchait le bien de la Grèce et de ses habitants.
Lionel Jospin qui fut son ami par la suite, dit d’elle dans le documentaire « elle s’est engagée pleinement, depuis les Etats-Unis et la France où elle s’exile, avec un grand courage et une détermination absolue ». Le réalisateur Costa-Gavras ajoute quant à lui, « elle informait les gens de ce qui se passait avec beaucoup de justesse ». Que pensez-vous de ces valeurs ? C’est déjà l’attitude d’une femme engagée, bien qu’elle ne fasse pas encore de la politique, au sens classique du terme ?
Dominique Vérien : Oui c’est une attitude de femme politique et c’est pour ça qu’elle va faire de la politique. C’est l’attitude d’une femme qui était amoureuse de son pays et qui croyait dans les habitants plus que dans son gouvernement lorsque les colonels ont pris le pouvoir. Je pense, et c’est pour cela que je parlais d’espoir, qu’elle a toujours dû croire que l’issue serait heureuse et qu’ils allaient pouvoir récupérer le pays parce qu’ils étaient les plus forts. Elle et les autres Grecs en exil étaient à l’extérieur mais ils gardaient espoir et je pense que cette joie de vivre qu’elle dégageait les a aussi aidés à tenir et à avoir foi en l’avenir.
Après la chute du régime autoritaire en 1974, elle rentre en Grèce, elle est élue parlementaire du Pirée, quartier populaire, elle qui vient d’un milieu bourgeois, puis elle sera ministre de la culture à deux reprises jusqu’à sa mort.
Quel regard portez-vous sur cette entrée en politique grâce au suffrage universel ?
Dominique Vérien : Elle avait prouvé qu’elle était combattante, cela permet d’effacer ce côté « bourgeoise », pendant son exil elle avait été privée de tout, en plus de sa nationalité et elle avait combattu donc je pense que cela lui donnait une crédibilité pour être élue, y compris dans un quartier populaire.
Sur sa manière de faire de la politique, Lionel Jospin dit : elle avait ce mélange de théâtralité et de sincérité, la sincérité servait la théâtralité ». C’est un beau compliment ? Le monde politique est-il si théâtral ?
Dominique Vérien : C’est amusant parce que j’ai toujours cru que pour pouvoir réussir en politique il fallait être sincère, mais ça ne veut pas dire que cela ne s’accompagne pas de théâtralité. Il y a des codes, des façons de faire, des façons de dire, par contre, même si on passe par des modes d’expression, ce qu’il faut c’est toujours croire en ce qu’on dit, en ce qu’on fait, en ce qu’on veut obtenir et atteindre. Pour moi, faire de la politique c’est essayer de changer le monde donc il faut forcément y mettre tout son cœur et sa sincérité, si on est hypocrite cela ne sert à rien, on ne peut jamais réussir.
Le parcours de Melina Mercouri est-il inspirant pour les femmes actuelles du monde entier ? Diriez-vous que c’est un bon exemple ?
Dominique Vérien : Oui, cette femme est inspirante pour la liberté qu’elle avait. Elle a fait ses choix et a toujours réussi à les assumer, puisque je pense que sa famille par exemple ne rêvait pas de faire d’elle une comédienne, objectivement, du coup elle s’est émancipée en se mariant avec un époux qui croyait en elle et elle a toujours fait ce qu’elle a voulu faire, avec qui elle voulait… Je pense qu’elle est inspirante en cela. Cela peut toujours être un modèle aujourd’hui, d’autant qu’on a toujours besoin de modèles pour pouvoir s’identifier et se dire que « c’est possible puisque telle personne l’a fait »… Et les femmes souvent, ne manquent pas de modèles de femmes mais manquent de communication sur les modèles de femmes. Redécouvrir la femme engagée qu’était Melina Mercouri peut permettre à des jeunes filles notamment, de s’engager à leur tour. Dans une période où les jeunes s’engagent de moins en moins en politique, je pense que ce sont les jeunes filles qui vont s’engager si on leur montre des modèles.
Melina Mercouri a toujours osé les choses, cela la rend donc inspirante ?
Dominique Vérien : Oui elle est forcément inspirante car elle croyait tellement en ce qu’elle voulait faire, elle en avait tellement envie que peut importe ce que les autres pouvaient penser… alors que malheureusement les femmes s’autocensurent souvent, n’osent pas faire les choses de peur qu’un parent, qu’un conjoint ne soit pas d’accord… Alors qu’en fait, si on leur demandait ils nous feraient peut-être plus confiance qu’on ne se fait confiance nous-même. Il y a quand même une éducation qui fait que les filles se font moins confiance que les garçons, c’est vraiment un regard très sexué qu’on porte sur les hommes et sur les femmes et du coup, Melina Mercouri pourrait peut-être par sa liberté et sa détermination susciter des vocations…
Retrouvez le documentaire « Melina Mercouri, une tragédienne grecque amoureuse » le 28 août à 18h sur Public Sénat et sur notre espace Replay.