Ces 10 et 11 février, la France accueille l’IA summit, une rencontre internationale pour interroger et encourager l’innovation dans les technologies de l’intelligence artificielle. Ces dernières années, l’IA s’est développée à vitesse grand V, s’arrogeant, comme le montre l’étude Ipsos-CESI, une place toujours plus importante dans le quotidien des Français. Avec elle, le développement d’une hégémonie des Etats-Unis, talonnés par la Chine dans ce nouveau marché, et une Europe à la traîne. Malgré le retard du vieux continent, Emmanuel Macron a invité les investisseurs à miser sur la France lors de la clôture de la première journée du sommet : « Nous avons déjà des avantages compétitifs par rapport aux Etats-Unis ».
Le 30 novembre 2022, OpenAi a rendu accessible à des millions d’utilisateurs son outil ChatGPT. Une introduction inédite de l’intelligence artificielle, alors que ses utilisations avaient été jusqu’alors restreintes à des chatbots institutionnels et d’entreprises, limitées à quelques mots-clefs.
Cette première version balbutiante, GPT-3.5, est désormais loin. Et avec elle, ses trop nombreuses erreurs factuelles surnommées « hallucinations ». L’intelligence artificielle générative s’est perfectionnée. Désormais, elle s’est invitée dans la vie quotidienne des Français. Selon le sondage d’Ipsos-CESI, près de neuf Français sur dix déclarent en avoir entendu parler et ils sont 39 % à en faire usage. Parmi ces utilisateurs, 15 % s’en servent dans le cadre de leur travail ou de leurs études, et 33 % dans la sphère privée.
Les jeunes, adeptes de l’IA
Sans surprise, la jeunesse française s’est emparée avec enthousiasme de ce nouvel outil. 74 % des 18-24 ans ont adopté son utilisation. La courbe s’inverse sensiblement avec l’âge. Ils sont 55 % des 25-34 ans à l’utiliser, 39 % des 35-44 ans, 35 % des 45-49 ans, et seulement 17 % des 60-75 ans – une tranche d’âge moins susceptible de savoir manier les nouvelles technologies.
14 % des utilisateurs l’utilisent dans l’aide aux devoirs. En 2024, un sondage réalisé en Nouvelle-Aquitaine révélait que 90 % des élèves de seconde avaient déjà eu recours à l’intelligence artificielle générative pour les assister dans leurs devoirs. L’arrivée de l’IA à l’école confronte par ailleurs les professeurs à des risques de triche et interroge les méthodes traditionnelles d’évaluation. Ces nouveaux usages exigent également une acculturation du personnel enseignant à ces technologies afin d’accompagner les élèves dans leur utilisation.
L’utilisation de l’IA générative est plébiscitée au quotidien. Toujours selon l’étude Ipsos-CESI, 30 % des Français l’utilisent au moins une fois par jour, et 78 % au moins une fois par semaine dans le cadre professionnel ou étudiant. Une tendance qui se confirme dans la vie personnelle, puisqu’ils sont 24 % à l’utiliser quotidiennement, et 74 % au moins une fois par semaine.
Des outils adaptés à tous les besoins, ou presque
Les modèles d’IA génératives sont variés, et les utilisations nombreuses. On pense bien entendu aux « agents conversationnels » que sont ChatGPT, Gemini et le nouveau venu chinois Deepseek, mais aussi aux générateurs d’images comme Dall-E, Midjourney, Grok ou Adobe Firefly, ainsi qu’aux générateurs d’audio comme Fugato de Nvidia. La liste est longue, et les entreprises de la tech se sont toutes mises sur le pied de guerre afin de s’imposer sur un marché fortement concurrentiel.
Les tâches demandées aux intelligences artificielles reflètent cette très grande diversité. Selon Ipsos, 48 % des Français les utilisent pour effectuer des recherches, 38 % pour être assistés dans la rédaction de textes ou de documents, 36 % pour de la traduction et 32 % pour les assister sur l’orthographe et la grammaire. 29 % des Français l’utilisent pour générer des images.
Grâce à son arrivée précoce sur le marché, ChatGPT s’est taillée la part du lion : elle est de loin l’IA générative la plus exploitée, avec 66 % des utilisateurs qui indiquent s’en servir. Google suit, mais de loin, avec son IA Gemini, utilisée par 30 % des utilisateurs d’IA générative.
Cette omniprésence de l’IA était rapportée par une étude publiée par le FMI en janvier 2024 : aujourd’hui, plus on est qualifié, et plus l’IA est susceptible d’avoir un impact direct sur notre carrière. Ainsi, 60 % des emplois seraient directement touchés par ces nouvelles technologies, et 40 % des emplois seraient mis en péril.
Les Français demeurent inquiets
Oui à l’intelligence artificielle, mais avec des pincettes. Les Français identifient des risques multiples associés à son utilisation. Parmi les inquiétudes principales, 49 % des Français sont soucieux de la diffusion de la désinformation par l’IA. 44 % des interrogés craignent également une trop grande dépendance à ces technologies, et 44 % redoutent une baisse des capacités cognitives autour de leur usage. L’atteinte aux métiers de la création inquiète 34 % des répondants.
Un impact environnemental sous-estimé
Enfin, seuls 19 % des Français se disent inquiets de l’impact de l’IA sur le réchauffement climatique. Pourtant, l’explosion de l’IA dans nos vies pèse énormément sur l’environnement.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE), alerte sur les besoins en énergie de ces nouvelles technologies. Le secteur de l’IA représente déjà 3 % de la consommation d’électricité annuelle des Etats-Unis – une part destinée à augmenter dans les prochaines années. En cause également, une utilisation en eau très conséquente.
Le rapport environnemental annuel de Google, publié le 2 juillet dernier, mettait également en garde contre l’essor de l’intelligence artificielle. A raison : son développement a remis en question les ambitions climatiques de l’entreprise. Bien que Google se soit engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, ses émissions ont augmenté de 48 % entre 2019 et 2023.
Alors que le sommet pour l’IA se termine ce 11 février, Emmanuel Macron affiche l’ambition de rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine. Ce dimanche, il annonçait d’ores et déjà 109 milliards d’euros d’investissements « privés français et étrangers » dans les prochaines années, en faveur du développement de l’IA.
Méthodologie :
Echantillonnage de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans à 75 ans constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle et de région de résidence. Interviews réalisées par questionnaire auto-administré en ligne via la plateforme Ipsos Digital du 10 au 13 janvier 2025. Les résultats de ce sondage doivent être lus en tenant compte des marges d’incertitude : 0,4 à 1,8 point au plus pour un pour un échantillon de 1000 répondants.
Cécile Bezat