Stress post-traumatique : « Après le Kosovo je n’aurais jamais dû repartir au combat »
Comme beaucoup de soldats dont Nicolas Mingasson parle dans son documentaire « Le souffle du canon » diffusé sur Public Sénat, à 46 ans, Marc est revenu de toutes les batailles. Engagé à tout juste 17 ans dans l’armée de terre il a été de toutes les opérations extérieures, mais la plus difficile n’a peut-être pas été celle que l’on croit. Souffrant d’un « stress post-traumatique », diagnostiqué tardivement, il a dû surmonter la pire des blessures, celle pour laquelle il n’a jamais appris à se battre, la blessure psychique.

Stress post-traumatique : « Après le Kosovo je n’aurais jamais dû repartir au combat »

Comme beaucoup de soldats dont Nicolas Mingasson parle dans son documentaire « Le souffle du canon » diffusé sur Public Sénat, à 46 ans, Marc est revenu de toutes les batailles. Engagé à tout juste 17 ans dans l’armée de terre il a été de toutes les opérations extérieures, mais la plus difficile n’a peut-être pas été celle que l’on croit. Souffrant d’un « stress post-traumatique », diagnostiqué tardivement, il a dû surmonter la pire des blessures, celle pour laquelle il n’a jamais appris à se battre, la blessure psychique.
Public Sénat

Par Pierre Bonte-Jospeh

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Afghanistan, Mali, Bosnie, Somalie. « Pendant 20 ans j’ai traîné mes rangers dans tous les conflits. Que ce soit comme au sein d’une force d’interception, comme en ex-Yougoslavie où nous étions entre les Albanais et les Serbes, ou en situation de guerre ouverte comme c’était le cas en Afghanistan ou au Mali. » En 2013, il est à la tête d’un groupe de combat de 11 hommes, une fierté pour celui dont le grand-père était combattant pendant la Seconde Guerre mondiale. « Il était immigré polonais, c’est lui qui m’a inculqué les valeurs de "patriote". C’était un modèle pour moi. Il m’a fait comprendre ce qu’était l’amour des siens, l’amour du drapeau et de la France. »

Premier contact avec la mort

Marc a 19 ans quand, pour la première fois, il est confronté au combat. Il fait face immédiatement à la mort d’un des siens. « J’ai perdu mon chef de section en Somalie. Bien sûr, j’avais la peur au ventre. Celui qui vous dit le contraire vous ment. » Une première confrontation avec la mort de ses camarades qui laissera des traces profondes « Si on est préparé à affronter le danger, on est mal préparé à affronter tous les à-côtés, on n’est pas formés pour en affronter les conséquences », lâche-t-il, amer.

La douleur des hommes qu’il commande, de « ses enfants » comme il le dit lui-même sera une épreuve encore plus douloureuse. Il s’en souvient : « Nous étions au Kosovo. Ce jour-là tout mon groupe a été touché. Que j’en prenne « une », c’est presque normal, mais pas mes hommes. Ce jour-là, j’ai été blessé trois fois dans la même journée. Mais ma mission c’était de ramener tous mes hommes. » Si Marc et son équipe tiennent la position le bilan de la journée est terrible : 64 blessés. « D’abord, on est satisfait d’avoir résisté aux assauts () mais après on cherche à comprendre pourquoi ça a merdé. » Des questions, sans réponses qui tournent dans sa tête à son retour en France.

Je n’avais qu’une hâte c’était de repartir au combat.

A son retour, Marc, malgré la naissance de son fils, ne se sent pas bien. « Je suis devenu hyperviolent, irascible pour un rien. Dans mon couple, rien n’allait plus. J’ai été condamné à un an de prison pour violences conjugales. Un peine effectuée au sein de l’armée en placement individuel. » À sa sortie, rien n’est résolu. « Je buvais, j’étais passé entre les mailles du filet. Je n’avais qu’une hâte c’était de repartir au combat. »

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Finalement, ce sera le Mali pour l’opération Serval face aux groupes terroristes islamistes. « Je cherchais le contact, je cherchais un shoot d’adrénaline. Je provoquais le danger. Au fond de moi je savais que ce serait ma dernière opération », lâche-t-il aujourd’hui plein de lucidité retrouvée. « Je voulais rentrer dans une boîte. » Peut-être pour ne plus affronter ses peurs, et ses blessures.

À l’époque, Marc ne se l’avoue pas encore, mais les conséquences de son stress post-traumatique (SPT) sont profondes « Je mentais à tout le monde, à mes chefs, mais aussi à moi-même. » Finalement, c’est à Chypre, lors du « sas de retour à la vie normale » organisé par l’armée de terre qu’un psychologue diagnostique son « SPT ». Mais la prise en charge ne se fait pas immédiatement.

Une histoire de déchirement, et d’abandon

C’est le début d’une longue descente aux enfers. Une descente précipitée par le départ de ses proches. Une histoire de déchirement, et d’abandon, dont Marc parle avec détails. Une histoire qui se finit dans la rue, où finalement un adjudant le reconnaît avant de l’amener à la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre.

Marc, comme les soldats filmés par Nicolas Mingasson dans son documentaire Le souffle du canon, diffusé à partir de ce soir sur Public Sénat, sera l’un des tout premiers à suivre un stage dans le parc du Mercantour. « Je n’aurais jamais dû repartir après le Kosovo », avoue-t-il aujourd’hui. Si l’agressivité contre lui, contre les autres, et si sa peur d’être entouré de monde se sont estompées, sa « blessure psychique sera toujours là », admet -il. Aujourd’hui, il remercie l’armée de l’avoir aidé, mais il continue de penser à tous ceux qui, rendus à la vie civile, ont été abandonnés à eux-mêmes, à leurs douleurs. « Ce sont des oubliés de la nation. Une fois qu’on est lâchés dans la nature, on est livrés à nous-mêmes. » Certains n’en réchappent pas, raconte-t-il sans fléchir« Mon tireur ne l’a pas supporté. I s’est jeté sous un train. Les anciens combattants de la Grande guerre, ou de la Seconde Guerre mondiale ont eu droit à la reconnaissance de la nation. Nous, non. »

Aujourd’hui, Marc travaille comme mécanicien. « Je ne peux pas me satisfaire d’une pension d’invalidité. » Mal diagnostiquées, ses blessures psychiques ne donnent souvent droit à aucune reconnaissance, ni officielle, ni pécuniaire.

Un manque de reconnaissance qui aurait pu se doubler d’un sentiment d’injustice pour celui qui a toujours voulu servir son pays. « Ma condamnation m’a privé de médailles, alors que je me suis toujours battu pour la France. » Sa rencontre avec le président de la République, Emmanuel Macron, lors d’une cérémonie, il y a deux ans, lui a permis de combler une partie de cette blessure. Si la poignée de mains et les mots échangés n’ont duré que quelques secondes, Marc en parle encore aujourd’hui comme d’un moment nécessaire, une reconnaissance qui si elle n’efface pas la souffrance, apaise le soldat.

Découvrez le Souffle du canon, diffusé ce samedi 14 novembre à 21 heures sur Public Sénat et à retrouver en replay sur notre site.

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