Suspension des accords New Start : Poutine fait planer la menace nucléaire sur les alliés de l’Ukraine

Suspension des accords New Start : Poutine fait planer la menace nucléaire sur les alliés de l’Ukraine

Vladimir Poutine annonce, dans un discours du 21 janvier, suspendre le traité New Start. L’accord, signé avec les Etats-Unis, prévoit une limitation de la prolifération des armes nucléaires et la réalisation d’inspections sur les sites nucléaires de chacun des Etats. 
Henri Clavier

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Une nouvelle fois, Vladimir Poutine entretient le doute sur une éventuelle augmentation de l’arsenal nucléaire russe. L’accord New Start, au moment de sa conclusion entre les Etats-Unis et la Russie en 2010, laissait entrevoir un renouvellement des relations entre les deux puissances. Il s’agit du dernier traité bilatéral entre les Etats-Unis et la Russie.

Un accord de contrôle des armements nucléaires

Les dispositions du traité New Start s’inscrivent « dans la continuité des objectifs poursuivis par les précédents accords Start I et Start II », observe Patrice Bouveret, cofondateur de l’observatoire des armements. Le texte impose, à chacun des deux Etats, une limitation de l’arsenal nucléaire à hauteur de 1 550 ogives déployées. Une réduction de 30 % par rapport au niveau fixé par l’accord Start I.

Autre pilier de l’accord, la possibilité pour chaque Etat d’inspecter l’arsenal nucléaire de l’autre signataire. Après des négociations tendues entre l’administration Biden et le Kremlin, les deux camps étaient finalement parvenus à un accord, à l’été 2021, pour un renouvellement jusqu’en juin 2026. Pour Patrice Bouveret, la conclusion de ce traité a « vraiment permis de limiter les risques inhérents au nucléaire. Il s’agit surtout d’un accord de contrôle ».

La Russie cherche à « mettre la pression et à sanctionner les Etats-Unis pour leur soutien à l’Ukraine »

En août, Moscou annonçait déjà suspendre l’inspection des infrastructures militaires par les Etats-Unis. Le motif ? Les entraves américaines à l’inspection des sites selon le chef d’Etat de la Russie. Une illustration de la dégradation des relations entre les deux puissances puisque « l’un des premiers actes de Joe Biden a été de prolonger le traité New Start, alors que Donald Trump y posait des conditions irréalistes », note Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Russie.

Alors ce discours marque-t-il une rupture dans le contrôle respectif des arsenaux nucléaires ? « A moitié, et dans son discours Poutine précise qu’il continuera de respecter l’accord. L’objectif est d’envoyer un message aux opinions publiques occidentales, de faire planer l’existence d’un doute, d’un risque d’une nouvelle course à l’armement », analyse Patrice Bouveret.

Dans ce contexte, il s’agit de « mettre la pression et de sanctionner les Etats-Unis pour leur soutien à l’Ukraine », estime Patrice Bouveret avant d’ajouter que « les canaux de discussion entre les deux pays sur les armes nucléaires sont dégradés, mais ils existent toujours ». Le but poursuivi par la Russie est aussi de « renverser la charge de l’irresponsabilité, de pointer la responsabilité des Etats-Unis et des Occidentaux dans le délitement des accords de désarmement », souligne Isabelle Facon. Le discours russe cible la mise en péril des dispositions de l’accord par les Etats-Unis à travers le soutien apporté à l’Ukraine.

« On ne se dirige pas vers une nouvelle escalade nucléaire »

Difficile donc d’estimer les conséquences du discours de Vladimir Poutine. Le diable se cache dans les détails, « dans le traité, la suspension n’est pas prévue, seulement le retrait. En 2007, la Russie avait suspendu sa participation au traité sur les forces conventionnelles en Europe, avant de s’en retirer quelques années plus tard » rappelle Isabelle Facon. Pourtant, un retrait total de l’accord semble peu probable. Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères russe, affirme vouloir « préserver la stabilité stratégique en matière nucléaire ». Selon Isabelle Facon, le communiqué laisse penser que « la Russie va s’en tenir aux plafonds prévus par le traité et continuer à notifier ses tirs. La principale conséquence est la fin des inspections sur sites et des réunions de la commission consultative bilatérale qui veille à la mise en œuvre du traité ».

Pour autant, pas de quoi redouter une nouvelle course à l’armement, selon Patrice Bouveret. Le refus des inspections est « purement politique » et aucun des deux Etats ne souhaite se réarmer massivement. « On ne va pas se diriger vers une escalade nucléaire, la Russie n’a ni les moyens ni l’envie de renforcer son arsenal nucléaire, ce sont des choix sur le long terme. Le problème, pour l’armée russe, découle plutôt du manque de munitions », commente Patrice Bouveret.

Une suspension « de nature à fragiliser la non-prolifération »

Si la suspension de l’accord New Start par la Russie, ne doit pas déclencher une nouvelle course à l’armement, ce précédent est « de nature à fragiliser la non-prolifération » souligne Isabelle Facon. Après le désengagement des Etats-Unis et de la Russie du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en 2019, « ce n’est pas un signal positif pour la non-prolifération des armes nucléaires » observe la chercheuse spécialiste de la Russie.

Dans la même thématique

Hopital Laennec – CHU
5min

Société

Texte sur la fin de vie scindé en deux : « Une bonne décision, car on a deux philosophies différentes », selon le sénateur LR Philippe Mouiller

Sur la fin de vie, François Bayrou a décidé de présenter deux textes. L’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir. Une décision saluée par le président de la commission des affaires sociales, le sénateur Philippe Mouiller. D’autant qu’il s’agissait d’une demande « du groupe LR ».

Le

Suspension des accords New Start : Poutine fait planer la menace nucléaire sur les alliés de l’Ukraine
7min

Société

Le consentement dans la définition pénale du viol fait débat parmi les juristes et les féministes

Chaque année en France, 94 000 femmes déclarent un viol ou une tentative de viol. Or, une infime partie des plaintes pour viol ou agressions sexuelles aboutit à une condamnation, soit 0.6%. Face à ce constat, certains parlementaires, à l’instar de la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, souhaitent ajouter la notion de consentement dans le Code pénal. Mais les féministes, comme les professionnels du droit, sont divisés sur la question. Reportage.

Le

SIPA_01148520_000041
2min

Société

IVG : une proposition de loi socialiste pour reconnaître la « souffrance » infligée aux femmes avant la loi Veil

L’ancienne ministre des Droits des femmes actuelle sénatrice socialiste, Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi, cosignée par l’ensemble des collègues de son groupe. Elle vise à reconnaître « les souffrances physiques et morales » infligées par une « législation prohibitionniste » avant 1975, date de l’adoption de la loi Veil. Le texte sera examiné en séance publique le 20 mars.

Le