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Taxe sur les autoroutes : les sénateurs dénoncent le « chantage » des sociétés concessionnaires sur le prix des péages

Le ministre des Transports, Clément Beaune a annoncé une hausse des péages autoroutiers pour l’année prochaine « inférieure à 3 % ». Mais la taxe sur les concessions autoroutières et les aéroports, inscrite au projet de loi de finances pour 2024 pourrait bien se répercuter sur les usagers en 2025, même si le gouvernement assure du contraire.
Simon Barbarit

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C’est une hausse des péages inférieure à celle de cette année qui attend les automobilistes au 1er février 2024. « L’année prochaine, il y aura une hausse qui sera limitée, une hausse qui sera inférieure à 3 % », a promis, mercredi, le ministre délégué aux Transports Clément Beaune. Un chiffre à comparer avec la hausse de 4,75 % qui a été appliquée cette année. La majoration annuelle des tarifs s’appuie sur une base législative et réglementaire mais aussi contractuelle. Depuis la privatisation des autoroutes opérée en 2006, les majorations sont censées compenser les charges supplémentaires pour les opérateurs, en particulier le coût de nouveaux investissements. Le sénateur centriste, Vincent Delahaye, rapporteur en 2021 d’une commission d’enquête sur les profits exceptionnels des sociétés concessionnaires d’autoroutes, rappelle que ces contrats prévoient « une indexation de 70 % de l’inflation alors que les charges des sociétés d’autoroutes en sont en partie déconnectées puisque l’inflation ne représente que 30 % de leur chiffre d’affaires. Le ministre a annoncé une hausse inférieure à 3 %, ça veut dire 2,9 %. Si vous faites le calcul avec l’année dernière, en deux ans les tarifs ont augmenté de presque 8 % ce qui représente 520 millions de profits. Il est grand temps de dénoncer ces contrats », plaide-t-il une nouvelle fois.

En quoi consiste la taxe sur « les infrastructures de transport de longue distance » ?

Pour mémoire, le rapport de la commission d’enquête du Sénat évoquait des perspectives de rentabilité prometteuses sur le long terme. Pour Vinci, les dividendes cumulés sur 2020-2036 « seraient de l’ordre de 20,7 milliards d’euros ». Pour APRR et AREA, qui appartiennent au consortium Eiffarie, le rapport parlait même d’« une rentabilité hors normes » avec « 22,3 milliards d’euros », sur la période 2006-2035, soit quatre fois plus que le coût d’acquisition de 6,7 milliards d’euros.

Le sujet, extrêmement technique sur le plan juridique, et extrêmement sensible au niveau politique, empoisonne chaque gouvernement depuis 15 ans. Au printemps dernier, afin de mettre un terme à ce déséquilibre en défaveur de l’Etat, le gouvernement avait demandé des solutions au Conseil d’État, ce dernier avait préconisé un accroissement de la taxation sur les concessionnaires.

Cette piste a donc été reprise dans le projet de budget pour 2024, à l’article 15, adopté lundi soir par les sénateurs. Une taxe sur les revenus d’exploitation « d’infrastructures de transport de longue distance » qui vise les concessions autoroutières, mais aussi les grands aéroports. Elle devrait rapporter 600 millions d’euros de recettes pour favoriser le développement du ferroviaire. Mais voilà, les contrats de concession prévoient aussi des compensations des modifications de la fiscalité spécifique aux sociétés de concession autoroutières. C’est pour se prémunir de cette compensation effectuée sur le dos des usagers des autoroutes que le gouvernement a englobé les revenus d’exploitation des grands aéroports dans l’assiette de la taxe. « La fixation des tarifs des péages autoroutiers est encadrée par des dispositions législatives et réglementaires qui empêchent toutes répercussions sur les prix (des péages). La clause du paysage fiscal n’est pas opposable dès lors que la taxe prévue n’est pas spécifique aux sociétés d’autoroutes », a rappelé, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave lundi soir.

A quand « un sommet des autoroutes » ?

Eiffage et Vinci ont déjà annoncé qu’ils iraient au contentieux pour contester cette taxe. « Cela va se jouer sur le terrain de la justice administrative, de la justice constitutionnelle et le cas échéant de la justice européenne », a prévenu e directeur général adjoint de Vinci et président de Vinci autoroutes, Pierre Coppey. Vinci a déjà annoncé que les péages augmenteraient de 5 % si une taxe sur les concessions d’autoroutes était mise en œuvre en 2024. « De l’intox », pour Clément Beaune qui a assuré sur RMC, mercredi, que la nouvelle taxe n’aurait « aucun impact sur l’évolution des péages ».

Le Sénat n’a pas eu l’avis du Conseil d’État

« C’est sûr qu’ils vont aller au contentieux et avec l’argent des automobilistes en plus. C’est un coup de pression, du chantage. Ce n’est pas une façon de faire », s’agace Vincent Delahaye. Le sénateur centriste a récemment demandé au ministre des Transports la mise en place d’un « sommet des autoroutes » qui réunirait autour de la table différents acteurs et les parlementaires. « Clément Beaune m’a répondu qu’il lancerait des travaux sur l’avenir des concessions autoroutières auxquels le Parlement serait associé, d’ici la fin de l’année. J’attends toujours la date », rappelle Vincent Delahaye.

Le sénateur LR, Albéric de Montgolfier est moins optimiste que le gouvernement sur la validité juridique de cette nouvelle taxe. « C’est une fable de dire que seuls les concessionnaires vont payer. Il y aura évidemment des répercussions sur les péages et sur les redevances aéroportuaires. Et d’ailleurs, le gouvernement n’a pas présenté l’avis du Conseil d’Etat sur cet article 15. Bruno Le Maire avait pourtant promis d’être transparent lors de son audition devant la commission des finances ».

« Oui, nous n’avons pas reçu l’avis du conseil d’Etat. C’est bien qu’il y a un malaise car les sociétés autoroutières semblent assez confiantes sur l’issue de leur recours. Nous allons voir comment procéder pour l’obtenir l’avis du Conseil d’Etat », confirme le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR) qui évoque la possibilité d’aller le consulter sur place.

« Il faut que l’Etat se fasse respecter »

« Il faut que l’Etat se fasse respecter. C’est le Parlement qui décide de l’impôt et le barème s’applique aux contribuables comme aux grands groupes. Les acteurs privés ne sont pas décideurs », rappelle, quant à lui, le sénateur communiste, Éric Bocquet, partisan de renationalisation des autoroutes. « On objecte souvent le coût que ça engendrerait mais on voit aujourd’hui qu’il serait largement amorti ».

D’autant que lorsqu’il s’agit de payer des taxes, les sociétés autoroutières ont déjà fait preuve de mauvaise volonté. Depuis 2015, un protocole signé entre l’État et les et les concessionnaires comporte l’engagement pour ces derniers de contribuer au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT) pour un montant total de 1,2 milliard sur la durée des concessions. « En 2021, en 2022 et en 2023, la contribution n’a pas été versée, soit 180 millions d’euros », rappelle le sénateur LR, Philippe Tabarot.

 

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