L’histoire tragique a un amer goût de déjà-vu. Après une violente agression par son ex-compagnon, le 13 décembre à Blois, une jeune femme de 24 ans est toujours dans le coma entre la vie et la mort. La (future) victime s’était rendue deux heures plus tôt dans un commissariat où on l’avait invitée à revenir le lendemain.
« C’est absolument révoltant », réagit Annick Billon, sénatrice de la Vendée et présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, qui se dit très en colère de retrouver ces scénarios encore aujourd’hui. « Lorsqu’une victime a le courage de se présenter au commissariat et de demander de l’aide, elle doit la trouver quoiqu’il arrive. »
L’ex-compagnon avait déjà été condamné pour violences intrafamiliales
Le 13 décembre, la jeune femme s’était rendue au commissariat de Blois où elle avait été reçue par un policier à l’accueil. La mère de la jeune femme, qui se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres, aurait imploré le policier par téléphone de prendre sa fille en charge. Mais malgré cela et le fait que l’ex-compagnon dont elle avait peur avait écopé de quatre mois de prison avec sursis en 2015 pour des faits de violences aggravées sur son ex-concubine et qu’il disposait de 14 mentions dans son casier judiciaire, le policier n’a pas enregistré sa plainte.
« Tous les voyants étaient au rouge, considère la centriste Annick Billon. Le policier aurait dû avoir les moyens d’identifier qu’il y avait urgence et que la femme était en danger. » La sénatrice signale que la jeune femme était en situation de rupture avec ce compagnon. « C’est une période très critique pour les femmes qui viennent de quitter un foyer violent, ça aurait dû alerter le policier. »
Dominique Vérien, une autre sénatrice centriste, est chargée avec la députée Emilie Chandler d’une mission temporaire auprès du garde des Sceaux sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont le rapport définitif sera rendu en mars 2023. Pour la sénatrice de l’Yonne, il faut que les membres des forces de l’ordre soient tous formés. « Il n’est plus possible qu’il n’y ait qu’un référent ou que cette formation soit faite sur la base du volontariat. Afin que toute la chaîne puisse détecter et prendre en charge les victimes. »
Aujourd’hui, la loi indique que chaque département doit se doter d’une maison de protection des familles où des gendarmes formés aux violences intrafamiliales peuvent prendre en charge et protéger les victimes. Pour Annick Billon, c’est évidemment une avancée mais ce n’est pas suffisant. « C’est déjà une étape difficile de se rendre dans un commissariat, il n’y a pas toujours la possibilité ou l’information pour trouver celui où des policiers ou gendarmes sont formés. Ça ne devrait pas être au petit bonheur la chance, les victimes devraient pouvoir trouver une écoute et une prise en charge dans tous les commissariats. »
Un rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes pointe du doigt la « double peine » à laquelle sont soumises les femmes victimes de violences intrafamiliales vivant en milieu rural. Notamment du fait de la difficulté d’accès à des sites d’accueil adaptés qui soient accessibles.
208 000 plaintes en 2021
Dominique Vérien note toutefois que des postes spécifiques sont déjà prévus dans certaines casernes. En revanche, ces postes sont souvent non pourvus, assure la sénatrice. Pour elle, c’est une question de moyens, mais aussi de personnel. Les services de police et de gendarmerie ont recensé une augmentation de 21 % des plaintes de victimes de violences conjugales entre 2020 et 2021 avec 208 000 plaintes, selon le ministère de l’Intérieur.