Après presque un an de travaux, la mission d’information du Sénat sur les femmes sans abri présentait son rapport et une vingtaine de recommandations dont une à contre-courant de la politique de fermeté migratoire affichée par le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Thaïlande, la face sombre du nouvel eldorado du football
Par Amélia Morghadi
Publié le
En Thaïlande, le football supplante peu à peu la boxe, sport emblématique du pays. En dix ans le foot s’est professionnalisé grâce aux investissements des nouvelles fortunes thaïlandaises, qui misent sur les jeunes talents étrangers, créant une véritable « machine à rêve mondialisée ».
Quitter son pays pour réussir en Thaïlande
Ils sont nombreux comme Tassirou Bary à avoir quitté famille et amis pour tenter l’aventure thaïlandaise. Ce Sénégalais de 19 ans, qui n’a jamais été joueur professionnel dans son pays, a dû emprunter 1500 euros pour pouvoir se payer l’aller simple vers la Thaïlande. Il est entré avec un visa touristique, et il lui reste seulement 2 mois pour trouver un club, ou il sera contraint de rentrer chez lui. Une option qui n’est pas envisageable : « Il faut travailler dur pour avoir quelque chose dans la vie » assure-t-il. De toute façon, il ne pourra pas se payer le billet d’avion de retour, sa famille a déjà tout donné pour lui permettre de venir.
« Quand je serai joueur de haut niveau, je vais rembourser les gens envers lesquels j’ai des dettes »
Plein d'espoir, il loge dans un dortoir, à même le sol, en compagnie d'autres jeunes gens dans sa situation, dans l'attente qu'un recruteur le repère lors d'un tournoi de football.
Ousmane Chérif a lui aussi quitté l’Afrique il y a quelques années pour réaliser son rêve de gloire. Cet ancien joueur de foot guinéen est devenu, après avoir joué à travers toute l’Asie, le premier, et seul entraîneur africain de Thaïlande.
À 37 ans, il entraîne une petite équipe qui a été déclassée en ligue 1, les « Enfants d’Isan », le club fondé par Khun Anucha, l’une des nouvelles fortunes thaïlandaises qui ont permis le développement du football.
Un business sous tension
Après avoir fait fortune en bourse, Khun Anucha se lance le monde impitoyable du football. « Depuis que je suis tout petit, je regarde la Première Ligue anglaise, j’ai toujours rêvé en regardant ce championnat, d’avoir mon propre club de foot qui serait à l’image de ce qu’il se passe là-bas » explique l’entrepreneur.
Mais depuis sa descente en 4ème division l’équipe a perdu tous ses sponsors et la maigre subvention de 25 000 euros de la Fédération thaïlandaise peine à combler les trous. Khun Anucha investit à perte dans son club, et a même vendu voiture et résidence secondaire, décidant de mener un train de vie plus modeste au profit de l’équipe.
Avec seulement 25 joueurs et un budget de 130 000 euros, l’équipe des « enfants d’Isan », nom de sa région d’origine, fait pourtant office de petit joueur. Sa stratégie : profiter du savoir faire étranger. Et lorsqu’il donne sa chance à Ousmane Chérif, on le prend pour un fou.
« Les gens de la Fédération thaïlandaise l’ont appelé pour lui demander s’il n’était pas fou, comment il pouvait donner son équipe à un noir africain ? »
Un chantage au visa
Pour trouver des joueurs bon marché, les recruteurs organisent des tournois de football. Ici la concurrence est rude, Ivoiriens, Camerounais, Guinéens, et quelques Thaïlandais viennent dans l’espoir de trouver un club. Mais parfois le rêve tourne au cauchemar.
Loin des promesses de gloire, en réalité, ces jeunes joueurs se retrouvent bien souvent piégés dans le pays. Peter, un Kényan, n’a même pas eu son ticket pour participer au tournoi, arrivé en Thaïlande avec un visa touristique, il s’est fait exploiter par un club amateur qui lui promettait un emploi après une période d’essai. Sans contrat, son visa a expiré : il est désormais à la merci des recruteurs et des services d’immigration.
« Les joueurs qui n’ont pas leur visa n’ont pas de salaires, et ils ne peuvent rien faire : dès que le joueur part, on le menace d’appeler l’immigration »
« Si tu n’as pas de visa, l’immigration te prend et te met en prison avant de te rapatrier » témoigne un recruteur. Mais ils ne payent pas le billet : « Tu restes en prison jusqu’à ce que ta famille envoie l’argent pour qu’on paye le billet pour toi » explique-t-il.
Face à l’afflux des candidats, la Fédération thaïlandaise a diminué le quota des joueurs étrangers autorisés dans les équipes, notamment en ligue 1 où chaque équipe a droit à un maximum de cinq joueurs étrangers dans son effectif. Pas sûr que cela dissuade les candidats au départ.
----
Retrouvez « Exil Football Club » d'Anne-Charlotte Gourraud, dans les Dessous de la mondialisation, le lundi 30 avril à 23h, sur Public Sénat.