Paris : Journee nationale de mobilisation du secteur de la culture
Journee nationale de manifestation des acteurs du secteur de la culture contre les coupes budgétaires, à Paris, le 20 mars 2025 - Crédit : OLIVIER JUSZCZAK/SIPA/2503202043

Tissu associatif : « Ça ne tient plus ! », alerte le secteur

Entre coupes budgétaires et évolution structurelle des subventions, le Mouvement associatif se mobilise ce samedi 11 octobre, espérant obtenir « un sursaut collectif », exhorte Martin Bobel, vice-président de l’organisme.
Aglaée Marchand

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Il tire la sonnette d’alarme. Pour la première fois, le Mouvement associatif appelle à une mobilisation massive à l’échelle nationale ce samedi, afin d’interpeller les pouvoirs publics sur la dégradation des associations. L’organisme, rassemblant 700 000 organisations membres, prévoit des rassemblements partout en France ce 11 octobre, répertoriés sur une carte interactive sur leur site internet. Avec un seul mot d’ordre : « ça ne tient plus ! ».

« Parler à la société tout entière »

Le signal lancé est fort. Et les chiffres, avancés par le Mouvement associatif, alarmants. Les associations sont au bord de la rupture. En France, ce sont 20 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui font vivre le tissu associatif dans toutes les sphères de la vie quotidienne : solidarité, culture, sport, santé, environnement… Pour répondre à des besoins qui ne cessent de s’accentuer : « 2,4 millions de personnes sont concernées par l’aide alimentaire ; 2 159 enfants dorment à la rue, dont 503 ont moins de trois ans ; le taux de pauvreté qui augmente pour la première fois depuis 1996… », énumère la présidente Claire Thoury, dans un communiqué de presse en date du 3 septembre. Et pourtant, entre 2005 et 2020, la part des subventions publiques a diminué de 41 % dans le budget des associations, passant de 34 % à 20 %, d’après un avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en mai 2024. Le contrecoup est net : plus de la moitié rencontrent des problèmes de trésorerie de manière ponctuelle (31 %) ou récurrente (23 %), et 28 % déclarent revoir leurs activités à la baisse pour survivre, selon une étude menée par l’ORVA des Hauts-de-France, à la demande du Mouvement associatif.

Le gouvernement « n’a pas écouté les messages du monde associatif »

C’est « un contexte de crise budgétaire multiple », indique Martin Bobel, vice-président de l’organisme, en partie lié à ces réductions budgétaires. Mais les difficultés rencontrées découlent aussi d’une inflation accentuée post Covid-19, d’« un effet ciseaux » entre « une augmentation des dépenses de charges » et « une hausse de la demande sociale », poursuit-il. « Le message qu’on souhaite faire passer, c’est que ce n’est pas du tout une bonne idée de faire des économies sur les associations. Elles sont tellement nombreuses, qu’on peut espérer que ça ne se voit pas, que ça ne s’entende pas, mais on va faire en sorte que ça s’entende ». Les revendications du secteur, qui se sont multipliées depuis l’appel lancé par le président du Restos du Cœur au 20 heures de TF1 en septembre 2023, sont restées « lettres mortes », regrette-t-il. Il en prend pour preuve le budget 2025 : « Ça a été pour nous la réaction d’un gouvernement qui n’a pas écouté les messages du monde associatif ». Rien que dans le secteur de l’ESS, 186 000 emplois sont menacés, selon les données de l’Union des Employeurs de l’Économie Sociale et Solidaire (UDES). Alors que les salariés des associations, qui constituent 10 % des emplois privés en France, rappelle-t-il, sont tournés « vers l’intérêt général », et se subsistent parfois à l’État en remplissant des missions « de service public ».

Une « rupture du lien de confiance » avec l’État

Autre point de crispation : l’instauration en 2021 du Contrat d’Engagement Républicain, « vécu comme une rupture du lien de confiance entre l’État et les associations », critique Martin Bobel. Précisant les « engagements à tenir vis-à-vis des règles républicaines », cette mesure ne fait pas l’unanimité, les associations craignant la « notion d’engagement à ne pas menacer l’ordre public ». Une « menace très floue » qui instaure « un climat de défiance et de peur de la censure », pour le vice-président du Mouvement associatif, alors que les associations reflètent une pluralité « nécessaire au fonctionnement démocratique ». Il dénonce également un contrat qui transgresserait « la liberté administrative des communautés territoriales », en permettant à l’État « de supprimer des subventions accordées, même quand elles sont données par des mairies ».

Développement d’une « logique concurrentielle »

L’évolution structurelle du financement des associations est aussi dans le viseur du Mouvement associatif, et dans celui du CESE. Ayant largement évolué ces dernières années, le mode d’attribution des subventions publiques, est au cœur d’un avis publié en 2024, dont Martin Bobel est le co-rapporteur, et qui a été voté à l’unanimité par le comité, sans abstention.

Longtemps, ces subventions ont été « stables » et « pluriannuelles », et « prenaient parfois en charge une partie des dépenses de fonctionnement ». Elles tendent aujourd’hui vers des aides ponctuelles et vers une uniformisation des appels d’offres, qui mettent « en concurrence les associations » entre elles, mais aussi parfois avec des entreprises, dans le secteur des crèches et des Ehpad par exemple, précise-t-il. Autre conséquence : « l’accroissement exponentiel de la charge administrative », pour répondre aux demandes, suivre les travaux, et contrôler les projets. Le CESE sonne aussi le tocsin face aux règles de l’Union européenne, qui inscrivent les associations « dans une logique concurrentielle » et invisibilisent « le fait démocratique de l’association », avance Martin Bobel.

Une « urgence démocratique »

Sur la base de ce constat, le CESE fait état d’une « urgence démocratique » et formule vingt préconisations dans l’objectif de « renverser la tendance » et de « renforcer [le] financement » des associations, « et leur indépendance ». Entre autres : fixer comme objectif que la part du budget de l’État consacrée aux associations soit portée à 2.5 %, mettre en œuvre une loi de programmation pluriannuelle de financement de la vie association pour sa contribution à l’intérêt général, ou intégrer les activités associatives non lucratives dans le champ de l’intérêt général au sens européen.

Mais ce week-end, l’enjeu est surtout « de parler à la société tout entière », souligne Martin Bobel : responsables politiques, bénéficiaires d’associations, citoyens engagés… Sans gouvernement, l’organisme sait que les marges de manœuvre sont limitées. L’ancienne ministre chargée de la Vie associative Marie Barsacq a promis à plusieurs reprises dans l’année être « pleinement mobilisée », pour « préserver les moyens » des associations, mais l’incertitude règne, dans l’attente d’un prochain budget. Alors, pour l’heure, le Mouvement associatif mise plutôt sur « un sursaut collectif », défendant un « sujet de terrain, de démocratie, de vivre ensemble, de choix de société ».

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