Un rapport pointe la « situation préoccupante de la santé périnatale en France »

Un rapport pointe la « situation préoccupante de la santé périnatale en France »

Santé publique France dévoile ce mardi 20 septembre un rapport inédit, premier d’un suivi régulier, sur la situation de la périnatalité en France. Il dresse le constat d’une « situation préoccupante de la santé périnatale en France », avec en particulier une hausse inquiétante de la mortalité néonatale. Un constat qui ne surprend pas les professionnels du secteur.
Mathilde Nutarelli

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Santé publique France dévoile ce mardi 20 septembre un rapport inédit sur la santé périnatale dans l’hexagone. Il dresse un constat de l’état de santé de la femme enceinte, du fœtus et du nouveau-né, de la grossesse au post-partum. Ce rapport est inédit, car il regroupe plusieurs indicateurs de différentes sources, à différents niveaux (national, régional), sur une période de dix ans (2010-2019).

La mortalité néonatale en hausse

Le texte met en avant une « situation préoccupante de la santé périnatale en France ». En effet, il relève une hausse de la mortalité néonatale (décès d’un enfant de moins de vingt-huit jours) sur la période. Elle est passée d’1,6 occurrences pour 1 000 naissances en 2010 à 1,8 pour 1000 en 2019. Sur ce sujet, une forte disparité territoriale est constatée, surtout avec les Outre-mer, où elle se situe entre 3,3 et 4,4 occurrences pour 1 000 en 2019.

Nolwenn Regnault, responsable de l’unité périnatalité à Santé publique France, détaille : « Du point de vue global, l’indicateur montre une tendance à l’augmentation, alors que d’autres pays d’Europe sont plutôt dans une dynamique de diminution ». Elle ajoute : « Par ailleurs, le niveau de base en France est élevé par rapport aux autres pays européens : en 2015, la France se situe au 23ème rang des pays européens sur cette question ». Ce taux élevé n’est pas nouveau, mais avant 2010, il n’augmentait pas.

Pour Pierre Suesser, pédiatre et coprésident du syndicat national des médecins de PMI, la situation n’est pas surprenante. « Nous avions déjà été alertés au printemps par une étude de l'Inserm parue dans le Lancet sur l’augmentation de la mortalité infantile en France », explique-t-il. Il précise : « Cela se recoupe avec la mortalité néonatale, car la moitié de l’augmentation de la mortalité infantile a lieu dans la première semaine de vie ». « C’est extrêmement inquiétant qu’un pays comme la France connaisse cela », déplore-t-il.

Comment expliquer cette hausse préoccupante ? Pour répondre à cette question, le docteur Suesser cite l’étude de l’Inserm parue en mars 2022 : « Le suivi de grossesse et certaines pathologies, qui ne sont pas étrangères à la condition sociale, comme l’obésité ou le tabagisme, peuvent être des causes de la mortalité infantile. L’augmentation de l’âge de la maternité et la précarité sociale jouent également un rôle ». Mais, « ce sont des points de corrélation, sans que ce soient explications mécaniques », précise-t-il.

Une hausse du nombre de mères en situation de précarité

Autre chiffre alarmant, le rapport fait état d’une augmentation de la précarité chez les mères : elles sont plus nombreuses à être sans-abri. Nolwenn Regnault détaille : « Nous avons construit un nouvel indicateur qui regarde la situation spécifique des femmes sans-abri. Il n’est disponible qu’en Île-de-France pour l’instant, car il est basé sur le codage des hôpitaux. Son augmentation peut être due soit à une réelle hausse du phénomène, soit à une amélioration du codage. Dans tous les cas, cela montre qu’il y a une réflexion à avoir sur ces situations ». Ainsi, la part des mères sans-abri en Île-de-France est passée de 0,58 % en 2015 à 2,28 % en 2019, enregistrant sa plus forte hausse à Paris, de +4,14 points. En parallèle, le taux de mortalité maternelle, lui, n’a pas diminué. « Mais globalement, en France, le taux de couverture à l’accouchement très élevé : 96 % des femmes sont couvertes », nuance Nolwenn Regnault.

Ce qui est dit dans les chiffres, le docteur Suesser le constate sur le terrain : « Ces chiffres ne nous étonnent pas. En Seine-Saint-Denis, ce sont des choses auxquelles nous sommes confrontés, dans des lieux très défavorisés, en marge des métropoles. Sans être en capacité de le quantifier, nous constatons que dans un certain nombre de territoires, nous avons plus fréquemment affaire à ce type de public », explique-t-il.

De très fortes disparités territoriales

Le rapport met en avant l’existence de très fortes inégalités territoriales, surtout entre la métropole et les Outre-mer. Nolwenn Regnault explique : « La situation des DROM est particulièrement inquiétante, surtout à Mayotte et en Guyane, où la couverture sociale est moins importante ». Suite à ce rapport, un suivi spécifique est mis en place dans les Outre-mer, afin de travailler à une « meilleure prise en compte des données de ces territoires ».

Ces disparités territoriales, Pierre Suesser les constate aussi sur le territoire métropolitain. Dans les déserts médicaux, d’abord, qui « ne concernent pas que les campagnes, mais aussi les territoires en marge des métropoles », souligne ce pédiatre qui a exercé en Seine-Saint-Denis.

Prévention : « Il y a un problème grave »

Mais alors, comment endiguer la dynamique qui semble s’être enclenchée en France ? Le rapport de Santé publique France conclut : « Les constats issus des analyses de données plaident en faveur d’un renforcement de la prévention et de la promotion de la santé périnatale pour […] un meilleur accès aux droits et aux soins, en particulier dans certains territoires dont les DROM ». La prévention, donc, serait la clé. Ce mot, très à la mode dans le débat public, a même donné son nom au ministère de François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention.

« En 2022, la Direction générale de la santé a mis en place un groupe de travail pour mieux décrire les évolutions et travailler à mieux comprendre les facteurs qui pourraient expliquer la moralité néonatale », explique Nolwenn Regnault. « Mais c’est un travail qui va prendre du temps ».

La partie est loin d’être gagnée, selon les acteurs de la prévention comme les personnels des centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI), car les moyens et la volonté politique manquent. Pour Pierre Suesser, « les moyens ne sont pas mis pour la prévention et aujourd’hui, le système de santé est en très grande difficulté ». « Nous avons perdu 25 % des médecins de PMI depuis début 2010, alors qu’un certain nombre de situations et de pathologies qui sont mises en avant dans le rapport sont susceptibles d’être réglées par la prévention. Encore faut-il que la prévention ait la capacité d’atteindre les personnes concernées », déplore-t-il. Aujourd’hui, le budget des PMI représente moins de 0,05 % des dépenses de santé annuelles françaises.

« On se bat depuis quinze ans pour que les gouvernements successifs revalorisent les services de PMI (moyens, personnel, statut, …). Les médecins internes qui viennent en stage en PMI sont très intéressés par le travail qui y est fait, mais quand on leur annonce les salaires, ils décident de s’orienter ailleurs », explique le pédiatre. « Il y a un problème grave. Il faut renforcer l‘ensemble des professions de PMI et avoir une politique de PMI plus globale, impulsée par le ministère de la santé ».

Le gouvernement a donc du pain sur la planche s’il veut s’attaquer à bras-le-corps à la situation de la périnatalité en France. Peut-être la grande conférence sur le système de soins, lancée par le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun le 3 octobre sera-t-elle l’occasion d’enclencher une dynamique ?

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