Une adolescence entre les murs : les mineurs délinquants
Des mauvaises conditions de détention pour les mineurs, un manque de stabilité et de structures adaptées, une politique carcérale de plus en plus répressive… les enjeux et défis ne manquent pas pour améliorer la politique carcérale des mineurs en France. En juin 2018, la mission d’information du Sénat sur les mineurs enfermés rendra ses conclusions. Pour Sénat en action, la journaliste Samia Dechir a suivi les travaux des sénateurs et constaté les conditions de détention des mineurs.

Une adolescence entre les murs : les mineurs délinquants

Des mauvaises conditions de détention pour les mineurs, un manque de stabilité et de structures adaptées, une politique carcérale de plus en plus répressive… les enjeux et défis ne manquent pas pour améliorer la politique carcérale des mineurs en France. En juin 2018, la mission d’information du Sénat sur les mineurs enfermés rendra ses conclusions. Pour Sénat en action, la journaliste Samia Dechir a suivi les travaux des sénateurs et constaté les conditions de détention des mineurs.
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Par Adrien BAGET

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Pourquoi une mission d’information sénatoriale sur les conditions de détention des mineurs ?

Samia Dechir : C'est le groupe la république en marche qui a souhaité une mission d’information du Sénat sur ce sujet. C’est Michel Amiel, sénateur LREM qui en est le rapporteur. Cette initiative s’inscrit dans un contexte fort de la politique carcérale des mineurs. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord une forte hausse du nombre de mineurs incarcérés. Aujourd’hui près de 860 jeunes de moins de 18 ans vivent derrière les barreaux. En plus de cela, la justice des mineurs a évolué dans un sens plus répressif. Il s’agit donc de faire un état des lieux et de préparer au mieux la réforme de la justice voulue par le gouvernement. Cette mission sénatoriale ne va pas révolutionner la politique carcérale mais permettre d’émettre des avis et des pistes de réflexions pour l’avenir.

Pourquoi vous êtes vous intéressée à ce sujet ? Et qu’en retirez-vous ?

Samia Dechir : Il s’agit avant tout de s’intéresser aux différences de conditions et de traitements entre les mineurs. Seul deux tiers d'entre eux sont placés dans un quartier dédié à l’incarcération des plus jeunes mais ils y croisent parfois des détenus majeurs. Pour le tiers restant, et c'est la meilleure solution, ils sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) créés en 2007, de tailles plus petites et avec plus de moyens.

Il y a aussi la création en 2002 des centres éducatifs fermés qui accueillent les mineurs, suite à des actes criminels, mais qui n'est pas une prison.

Ma démarche est aussi de donner la voix aux différents acteurs du système carcéral et d’analyser leurs différents éléments de réponse. Il ne s’agit ni de trancher ni de donner une réponse définitive aux problèmes posés. J’en retire que les conditions de détentions ne sont pas satisfaisantes du tout, même s’il y a eu des efforts de fait, il n’y a toujours pas assez d’établissements, de moyens et de places. Cela n’empêche pas les récidives des mineurs par la suite.

Quelles a été la réaction des sénateurs lors des visites de prisons ?

Samia Dechir : À travers des auditions, des visites carcérales, il s’est agi avant tout pour les sénateurs de préparer la réforme carcérale à venir et de voir si les conditions de détention sont satisfaisantes ou pas et si cela peut servir de pistes de recherches à l’avenir. Les sénateurs ont par exemple jugé que les conditions n’étaient pas satisfaisantes, mais pas alarmantes pour autant. Pour Michel Amiel, sénateur (LREM) des Bouches-du-Rhône , le sentiment était mitigé à la sortie de la visite du Centre éducatif fermé à Marseille. Le constat est que les jeunes ne restent que 3 mois maximum au sein du centre, il est donc difficile de mettre en place une vraie politique de réinsertion avec un accompagnement digne de ce nom.

Pensez-vous que le projet de créer une vingtaine de Centre éducatifs fermés en plus est une bonne idée ?

Samia Dechir : Les CEF font avant tout débat car ces centres ont souvent été considérés comme les antichambres de la prison, c’est-à-dire un lieu de violence et de radicalité. Selon moi, il faudrait d’abord s’interroger sur la bonne marche ou non des CEF. Il serait bon d’avoir accès aux statistiques des fugues de mineurs, des récidives une fois les peines purgées. Il serait bon aussi de s’interroger sur les problèmes existants au sein des CEF avant de vouloir en créer de nouveaux.

Que retirez-vous du témoignage de ce jeune en difficulté que vous avez pu rencontrer ?

Samia Dechir : Le témoignage de Dylan est très intéressant et précieux, car il a connu tous les types d’établissements pour mineurs. Son expérience personnelle permet d’éclairer et de saisir la réalité de l’incarcération pour les mineurs. Son enfance et son parcours plutôt chaotique révèlent l’échec du système et les failles du processus. Notamment le fait que beaucoup de jeunes mineurs sortent de ces établissements dès leur majorité et se retrouvent plongés dans le monde carcéral des majeurs au sein de maisons d'arrêt. C’est un choc difficile à gérer à cause d’un système trop rigide qui tendrait à plus de souplesse. Malgré l’aide sociale à l’enfance, leurs parcours difficiles font qu’ils se retrouvent ballottés de structures en structures. Pour Dylan qui en a expérimenté 11, plus de stabilité et de structures lui aurait permis une meilleure adaptation et de ne pas récidiver.

Retrouvez " Délinquant mineurs derrière les murs ", dans Sénat en action, le vendredi 15 juin à 6 h et 19h, le samedi 16 juin à 16h et le dimanche 17 juin à 20h sur Public Sénat.

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