Urgences hospitalières : le Sénat veut auditionner François Braun, chargé d’une mission flash par Emmanuel Macron

Urgences hospitalières : le Sénat veut auditionner François Braun, chargé d’une mission flash par Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a demandé à son référent santé, l’urgentiste François Braun, d’esquisser d’ici un mois des pistes pour répondre à la crise traversée par les services d’urgences, en sous-effectif à l’approche de l’été. Les sénateurs, qui ont produit il y a deux mois un rapport fleuve sur la situation hospitalière en France, accompagné de nombreuses recommandations, s’interrogent sur la nécessité d’un nouveau diagnostic.
Romain David

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Un nouveau rapport sur la situation des urgences hospitalières. Encore un. En déplacement mardi au Centre hospitalier de Cherbourg, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une mission « d’un mois sur les soins non programmés », alors que les urgences, épuisées par deux années de pandémie, traversent une crise inédite. Manque de personnels, de lits, de matériel… sur les 620 services d’urgence que compte le territoire, 120 établissements limitent déjà - ou se préparent à limiter – leurs activités, selon un pointage établi par l’association Samu-Urgences de France (SUdF). Son président, le médecin urgentiste François Braun, également référent santé d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, a été chargé de cette mission flash. L’objectif fixé par le chef de l’Etat : cibler et chiffrer, « territoire par territoire », les manques afin de proposer des solutions.

Dans les couloirs du Palais du Luxembourg, cette annonce a été accueillie avec un certain scepticisme. Alors que les rapports sur la saturation du système de soins et les plans d’action s’empilent depuis plusieurs années, à quoi bon lancer une énième consultation ?, interrogent les sénateurs qui ont déjà longuement travaillé sur ces questions. « Le temps n’est plus au diagnostic mais à l’action ! », martèle le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS), président de la commission d’enquête lancée en décembre 2021 par la Haute Assemblée sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France. La rapporteure LR Catherine Deroche a piloté ses conclusions : trois mois de travaux, une quarantaine d’auditions et un rapport de 313 pages « circonstancié, fouillé, qui a bénéficié d’un très bon retour du côté des soignants », se félicite-t-elle.

Réorganisation et revalorisation

« La saturation des services des urgences tient en partie aux difficultés de la médecine de ville à faire face à l’augmentation des besoins de santé de la population », lit-on dans ce document. Selon les chiffres cités, le nombre de passages annuels aux urgences a plus que doublé en un peu moins de 30 ans, passant de 10,1 millions en 1992 à 21,2 millions en 2019. Le rapport formule de nombreuses recommandations pour aider à désengorger la médecine hospitalière : une meilleure collaboration avec les professionnels de ville, via des services dédiés à la coordination, afin d’organiser l’admission des patients ; la création de cellules de gestion des lits ; la mise en place d’outils numériques plus performants pour alléger les charges administratives. Mais aussi un renforcement « significatif » du nombre d’infirmiers et d’aides-soignants avec un mécanisme d’alerte lorsque le ratio « patients par soignant » dépasse un seuil critique.

La Haute Assemblée insiste également sur la nécessité d’une « reconnaissance financière équitable et adaptée aux contraintes et sujétions spécifiques auxquelles sont soumis médecins et soignants hospitaliers », et ce afin de redonner de l’attractivité à ces métiers.

» Lire notre article : Les pistes de la commission d’enquête du Sénat pour sortir l’hôpital d’une « spirale négative »

Les propositions du Sénat laissées de côté ?

L’exécutif compte-t-il aussi s’appuyer sur cette boîte à outils ? « Je souhaite que la commission d’enquête puisse auditionner François Braun. On est en train de monter le rendez-vous », glisse Catherine Deroche. Les sénateurs veulent notamment l’interroger sur sa méthodologie : « Si on lui a confié ce dossier, c’est qu’il a déjà des idées sur la question… », ajoute l’élue du Maine-et-Loire. Fin mai, Samu-Urgences de France a effectivement publié ses propres recommandations. Elles recoupent en partie celles du Sénat, avec des dispositifs de régulation du flux de malades et des revalorisations financières. « Je ne suis pas sûr qu’il faille confier à ce seul acteur les clefs d’un tel dossier. D’autant que le Ségur de la Santé, qui consistait déjà en des revalorisations, a très rapidement montré ses limites », nuance Bernard Jomier. « C’est bien la preuve qu’il faut des réponses d’une autre nature, qui traitent notamment le problème de la perte de sens ».

En convoquant François Braun, les parlementaires entendent rappeler que leurs travaux ont également vocation à accompagner la politique du gouvernement. « On a un président de la République qui ne regarde pas ce que le Parlement fait », s’agace Sophie Primas, la présidente de la commission des Affaires économiques. « Pour le coup, nous avons travaillé de manière transpartisane pour rentrer dans le fond du dossier et produire un rapport consensuel », pointe-t-elle.

Le président joue la montre

Catherine Deroche reconnaît qu’une partie des recommandations formulées par le Sénat réclament des transformations structurelles, donc sur le long terme. À ses yeux, un nouveau rapport sur la question n’aura d’intérêt que « s’il propose des solutions immédiates et très pratiques ». « Sans doute y aura-t-il des mesures urgentes à prendre sur la permanence de soins cet été, mais un signal politique fort est attendu pour sortir d’une léthargie de plusieurs années sur ce dossier », estime cette médecin cancérologue de formation. « Les réponses apportées seront nécessairement décevantes si elles ne sont que d’ordre financier », avertit encore Bernard Jomier.

D’un point de vue plus politique, lancer une mission de plusieurs semaines sur la question permet aussi à l’exécutif d’enjamber les élections législatives qui se tiendront les 12 et 19 juin prochains. « C’est une façon de gagner du temps. Je comprends qu’Emmanuel Macron ne veut pas faire prendre de risques aux candidats de la majorité sur le terrain, avec des annonces susceptibles de cliver », relève Sophie Primas. On imagine aisément que des mesures contraignantes pour les soignants, afin de garantir le bon fonctionnement des services d’urgence durant la période estivale, pourraient embraser des professions à bout de souffle.

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