UGO AMEZ/SIPA/2503241510

Violences conjugales : 107 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2024, une augmentation de 11%

Selon des données publiées par le ministère de l’Intérieur, 107 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en France l’année dernière, un nombre de victimes en hausse de 11% par rapport à 2023. Près d’un tiers d’entre elles avaient déjà porté plainte pour des violences.
Aglaée Marchand

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« En moyenne, un décès est enregistré tous les trois jours », précise d’emblée le rapport du ministère de l’Intérieur, qui recense chaque année le nombre de morts violentes au sein du couple, évalué à 138 pour l’année 2024, soit une hausse de 16 % par rapport à 2023 (119). 403 tentatives d’homicides ont par ailleurs été comptabilisées. Sur ces 138 décès, les femmes en représentent 107 (77 %), contre 96 l’année précédente. De quoi affirmer qu’elles « sont les principales victimes des morts violentes au sein du couple » et que « le profil type de l’auteur reste majoritairement masculin ». Dans les détails, le ministère révèle que ce dernier est « le plus souvent en couple, de nationalité française et n’exerçant pas ou plus d’activité professionnelle » et « majoritairement âgé de 20 à 49 ans ». L’étude fait également part d’une recrudescence des 70 ans et plus, tant du côté des auteurs que des victimes.

Dispute et séparation non-acceptée : les deux mobiles principaux

47 % des femmes assassinées avaient déjà subi des violences antérieures (50), majoritairement physiques, mais parfois aussi psychologiques et sexuelles. Parmi elles, 74 % les avaient signalées aux forces de sécurité intérieure (37), et 81 % avaient même déjà déposé une plainte (30). Néanmoins, une seule bénéficiait depuis d’un dispositif « téléphone grave danger » et deux d’une ordonnance de protection. L’un des auteurs faisait par ailleurs l’objet d’un placement sous contrôle judiciaire.

Les faits sont en majorité commis au domicile du couple, de la victime ou de l’auteur (90 % des homicides) à l’aide d’une arme blanche ou d’une arme à feu, et la période hivernale se démarque avec un nombre plus élevé en janvier et février (respectivement 18 et 17). Quant aux mobiles, la dispute ou la séparation non acceptée constituent toujours les principales motivations du passage à l’acte, signale l’enquête. Au sein de la sphère familiale, les violences touchent parfois les enfants, qui peuvent être à proximité de la scène (9 %) ou devenir orphelins d’un ou deux parents, c’est le cas de 94 mineurs dans 46 affaires. En outre, sept infanticides ont aussi été recensés dans un contexte de conflit conjugal.

Dans l’Hexagone, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur regroupe le plus grand nombre de morts violentes au sein du couple (20), suivie par l’Ile-de-France (18). En Outre-mer, la Martinique et la Réunion enregistrent trois victimes chacune, et la Guyane en comptabilise deux. Rapportées au taux d’homicide au sein du couple pour 100 000 habitants, ces violences touchent davantage quatre territoires en 2024 : le Lot-et-Garonne, le Var, la Martinique et Saint-Martin. L’île des Caraïbes se classe en première position avec un taux de 3,13 pour 100 000 habitants, la moyenne nationale étant évaluée à 0,20.

Des financements de lutte contre les violences faites aux femmes « dérisoires »

De sombres chiffres, alors que la lutte contre les violences conjugales a été qualifiée de « grande cause du quinquennat » par le Président de la République en 2017. En juillet dernier, la commission des Finances du Sénat se penchait sur l’évolution du financement dédié au combat contre les violences faites aux femmes. Ses rapporteurs, Pierre Barros (PCF) et Arnaud Bazin (LR) se montraient alors mitigés. Constatant une hausse de ces moyens financiers de 36,5 millions d’euros en 2020 à 101,1 millions en 2024 (176,8 %), ils s’alarmaient que ceux-ci demeurent « dérisoires », lorsque les coûts des violences sont estimés entre 2,5 et 70 milliards d’euros par an en France. D’autres fonds seraient aussi mal connus et donc sous-exploités, à l’échelle des collectivités territoriales, de l’Union européenne mais aussi ceux d’origine privés, à destination des associations, dont le rôle est « essentiel », compte tenu de leur expertise et expérience de terrain et de leur capacité d’information et d’accompagnement des victimes.

Sur la vingtaine de recommandations formulées par les deux sénateurs, l’une préconise de revoir le positionnement du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), en dotant cette politique publique d’une vraie administration centrale et interministérielle. Des mesures pour mieux accompagner et prendre en charge les victimes, et permettre à celles qui fuient les violences de recouvrer progressivement leur complète autonomie, ont également été mises en avant par Pierre Barros et Arnaud Bazin.

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