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Violences conjugales : « le contrôle coercitif », un concept qui pourrait tout révolutionner 

37 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint depuis début 2023. Des statistiques qui font craindre une année noire. Pour tenter d’endiguer les choses, Isabelle Rome, la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, envisage de faire entrer un nouveau concept dans le code pénal : « le contrôle coercitif » ; et cela pourrait tout changer. Explications.
Audrey Vuetaz

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Un mari qui trouve que sa femme est habillée trop court ou trop sexy et qui décide de ses tenues. Une femme qui doit dire où elle est et ce qu’elle fait quand elle est en pause ou qui n’a pas accès à son compte en banque… autant de définitions du « contrôle coercitif », une contrainte imposée par un conjoint dans la vie de tous les jours. Les enquêteurs le retrouvent dans 100 % des féminicides.

Alors Isabelle Rome, la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, réfléchit à en faire un délit pour déceler et punir les hommes violents avant qu’ils ne passent aux coups. Mi-avril, elle a lancé un groupe de travail sur ce sujet avec des experts de haut niveau.

En Grande-Bretagne, au Canada et dans certains états australiens, le contrôle coercitif constitue déjà un délit. « Pour moi, faire la même chose en France c’est une évidence, cela permettrait de rattraper le retard par rapport aux autres pays », réagit Sarah McGrath la présidente de l’association Women for Women France.

Un changement de paradigme

La France a été le premier pays à incriminer les violences psychologiques, c’était en 2010. « Mais on s’appuie sur le concept d’emprise très difficile à déceler, explique Dominique Verien, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, avec le contrôle coercitif, les choses sont plus concrètes, on peut aussi avoir des témoignages de proches qui ont vu le conjoint agir ou isoler sa victime. »

« Au lieu de se demander pourquoi la victime n’est pas partie, on se demande comment est-ce que l’agresseur s’y est pris pour qu’elle reste. La victime ne doit plus prouver l’emprise, désormais on braque le projecteur sur celui qui impose et cela change tout », souligne Andreea Gruev-Vintila, chercheuse en psychologie sociale à l’université Paris-Nanterre. A l’origine, elle travaillait sur le terrorisme, des caractéristiques qu’elle retrouve dans les violences intrafamiliales, qui doivent être considérées selon elle comme des violences sociales.

Des magistrats circonspects

Dominique Verien vient de remettre au garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, un plan rouge sur les violences intrafamiliales. Au cours de ses auditions elle a rencontré des magistrats circonspects sur la possibilité de faire du contrôle coercitif un délit. « Il faut voir si ce qui est mis en place au Royaume-Uni est transposable en droit français, il ne faudrait pas que cela se retourne contre les victimes. »

En coulisses, les magistrats craignent d’être étouffés par les procédures avec un nouveau délit qui ferait doublon avec ceux déjà existants.

« Au contraire, explique Sarah McGrath la présidente de l’association Women for Women France, c’est le délit originel, celui qui supplante tous les autres. » Andreea Gruev-Vintila abonde « au lieu d’avoir une infraction pour harcèlement et une autre pour violence conjugale, vous n’en avez plus qu’une. »

Pour l’instant, l’heure est encore à la concertation. En attendant, Dominique Vérien demande que les professionnels soient formés à ce concept encore méconnu.

De son côté, l’Association Women for Women France a mis en place sur son site internet des ressources pour aider les femmes victimes de contrôle coercitif, avec des pistes très simples pour s’en sortir comme « comment ouvrir un compte en banque sans son conjoint ou comment faire une demande de logement social ? »

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