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Cyclone Chido à Mayotte : que permet l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » ?

Quatre jours après le passage meurtrier du cyclone Chido à Mayotte, le gouvernement a déclenché l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » pour une durée minimale d’un mois. Le dispositif est prévu par la loi 3DS de 2022 et n‘avait jamais été déclenché jusque-là.
Simon Barbarit

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Interrogé par publicsenat.fr, lundi, l’ancien ministre des Outre-mer et actuel sénateur (PS) de Martinique, Victorin Lurel, l’avait demandé. Depuis jeudi 19 à minuit, c’est désormais chose faite. Le Premier ministre, François Bayrou a déclenché, par décret, l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » pour une durée minimale d’un mois, sur l’ensemble du territoire de Mayotte. Il peut être renouvelé pour une période de deux mois.

Ce dispositif, prévu à l’article 239 de la loi du 21 février 2022, dite 3 DS, n’avait jamais été déclenché jusque-là. Il peut être déclaré lorsqu’« un aléa naturel d’une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à gravement compromettre le fonctionnement des institutions et présentant un danger grave et imminent pour l’ordre public, la sécurité des populations, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique ».

Ce dispositif doit « permettre une gestion plus rapide et efficace de la crise et faciliter la mise en place de mesures d’urgence ». L’Etat n’est ainsi pas freiné dans son action de reconstruction par « des délais imposés par le code des marchés publics », avait expliqué Victorin Lurel. Parmi les décisions qui nécessitent habituellement ces délais, nos confrères du Figaro citent, « la gestion des déchets, le rétablissement des réseaux d’électricité ou d’assainissement, la remise en état des infrastructures de transports critiques, comme les routes, les ports ou les aéroports ».

L’état de calamité naturelle exceptionnelle n’empêche pas le déclenchement de la procédure de constatation de l’état de catastrophe naturelle prévu par le code des assurances. Pour mémoire, trois conditions doivent être remplis pour que les sinistrés bénéficient de l’état de catastrophe naturelle : Avoir souscrit un contrat d’assurance pour les biens, que les dommages aient pour cause déterminante et directe l’intensité anormale d’un agent naturel, et que l’état de catastrophe naturelle ait été constaté par un arrêté interministériel publié au Journal Officiel.

Toutefois, seuls 10 % des biens sont assurés à Mayotte, comme le rappelle le ministère de l’Intérieur. Des crédits « de secours d’extrême d’urgence » pour « aider financièrement » les sinistrés (nourritures, habits) ont été attribués au préfet de Mayotte. Avant le vote du prochain budget, « l’Etat pourra procéder à des investissements ou des dépenses discrétionnaires à destination de la collectivité de Mayotte », a indiqué devant le Sénat, mercredi, le ministre démissionnaire des Comptes publics, Laurent Saint-Martin.

Blocage des prix

Face à la pénurie généralisée qui sévit, le gouvernement a publié un autre décret pour bloquer les prix des produits de grande consommation dans l’archipel à leurs niveaux du 13 décembre, juste avant le cyclone. Sont concernés les produits comme l’eau minérale, les produits alimentaires et boissons, les piles, mais aussi les produits d’hygiène de base, du quotidien et dédiés à la construction ainsi que les aliments pour les animaux.

« Mahorais, on va se relever ensemble », a promis Emmanuel Macron, jeudi, à son arrivée dans l’archipel de Mayotte, jeudi. Le chef de l’Etat devrait faire d’autres annonces.

 

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Trois semaines après le passage ravageur du cyclone Chido sur Mayotte, le sénateur RDPI (Renaissance) de l’archipel Saïd Omar Oili était l’invité de la matinale de Public Sénat. Victimes de Chido : « J’ai posé des questions régulièrement aux services de l’Etat et je n’ai jamais eu de réponses » Interrogé par la journaliste du Journal de Mayotte Mathilde Hangard, le sénateur exprime son fort agacement concernant la gestion de crise de l’Etat. Auteur d’une demande de commission d’enquête sur la gestion de crise, l’élu a écrit le 7 janvier un courrier au ministre des Outre-mer afin de connaître le bilan des victimes de la catastrophe naturelle. A date, les chiffres officiels font état de 39 morts, 124 blessés graves, 4 232 blessés légers. « J’ai posé des questions régulièrement aux services de l’Etat et je n’ai jamais eu de réponses », s’indigne-t-il, « je ne peux pas, au nom des victimes et de ceux qui souffrent, laisser tomber ce sujet-là, parce qu’il y a des gens qui sont peut-être ensevelis sous les décombres et que l’on n’a jamais retrouvés ». Saïd Omar Oili s’inquiète pour les Mahorais et déplore un manque de communication, d’anticipation et de transparence dans l’aide apportée aux sinistrés. « On n’a pas cherché [les personnes disparues]. Je suis élu local depuis vingt-cinq ans. Il y a des gens, quand on va dans les quartiers, je ne les vois pas. Ils sont où ? », demande-t-il sur le plateau de Public Sénat. « Je n’accuse personne, mais pour l’heure […] il n’y a pas de transparence, on dit tout et son contraire ». Mathilde Hangard, présente sur place, souligne que malgré les annonces de la préfecture, certains habitants n’ont toujours pas accès à l’eau, que des queues se forment dans les supermarchés, qu’on s’éclaire encore à la bougie par endroits et que des Mahorais doivent faire parfois plusieurs kilomètres pour trouver du réseau. Le ministère de l’Intérieur annonce pourtant sur son site que « presque 100 % de la population est raccordée à l’eau courante », que « 72, 5 % des clients sont alimentés » en électricité et qu’entre 85 et 93 % des abonnés des opérateurs sont couverts par le réseau. « J’espère qu’au nom de ces victimes, on ira jusqu’au bout de cette commission parlementaire » Ces écarts, Saïd Omar Oili ne se les explique pas. C’est la raison pour laquelle il a demandé au président de son groupe la constitution d’une commission d’enquête sur la gestion de crise. « J’espère qu’au nom de ces victimes, on ira jusqu’au bout de cette commission parlementaire, pour qu’enfin ce genre de choses ne se passe plus dans nos territoires vulnérables », affirme-t-il. D’autres territoires ultramarins sont sujets aux cyclones, comme La Réunion ou les Antilles. Au travers de cette commission d’enquête, l’élu souhaite également mettre en lumière le manque d’anticipation. « Pourquoi, alors que depuis le 8 décembre nous savions tous que le cyclone allait taper Mayotte et qu’il serait très violent, n’a-t-on pas prépositionné des gens sur place pour aller chercher les victimes ? », s’interroge-t-il, « on le voit dans le monde entier, lorsqu’un événement pareil arrive, on prend les mesures de précaution, ça n’a pas été fait cette fois-ci ». Projet de loi d’urgence pour Mayotte : un texte « plein de mesures mélangées » Pour faire face à l’urgence et la reconstruction, qui s’annonce colossale, le nouveau gouvernement planche sur un texte d’ « urgence », présenté ce matin en conseil des ministres, et sur un texte « de refondation » présenté en mars. Des projets de loi qui laissent sceptique le sénateur de Mayotte. Il juge le texte d’urgence fourre-tout, avec « plein de mesures mélangées ». Pourtant, les enjeux sont majeurs, en particulier en ce qui concerne la rentrée scolaire des élèves de l’archipel. Sur le plateau de Public Sénat, Saïd Omar Oili s’inquiète : « Dans l’étude d’impact de la loi d’urgence, on parle de 47 % des établissements publics détruits. Comment peut-on imaginer faire une rentrée de 117 000 élèves ? Ce n’est pas possible ». D’autant que les salles de classe manquaient bien avant le passage du cyclone, d’après le sénateur. Ce que l’élu attend surtout, ce sont des moyens, alors que l’examen du projet de loi de finances sera repris la semaine prochaine au Sénat. Il dénonce l’interventionnisme déconnecté de l’Etat. « Les gens qui viennent chez nous s’occuper de la reconstruction ne connaissent pas la culture mahoraise. La gestion même de la crise est désastreuse, parce qu’on a fait venir des gens de l’hexagone et il n’y a pas d’élus locaux et d’habitants parmi eux », déplore-t-il. Lutte contre l’immigration à Mayotte : « C’est un problème de moyens » Le second projet de loi à venir concernant l’archipel s’attaquera à l’immigration. C’est le souhait des ministres des Outre-mer Manuel Valls et de l’Intérieur Bruno Retailleau. « Nous avons un problème avec l’immigration », affirme Saïd Omar Oili. « Il n’y a jamais eu autant de barques arrivées chez nous que depuis qu’il y a eu le cyclone, car tous les bateaux militaires qui devaient contrôler les frontières se sont échoués », explique-t-il. Mais pour lui, la solution ne réside pas nécessairement dans un nouveau durcissement du droit du sol. « Il y a de l’hypocrisie dans tout ce que nous faisons : nous avons demandé depuis longtemps la fin des cartes de séjour territorialisées », s’indigne-t-il. Ces cartes de séjour, qui n’existent qu’à Mayotte, interdisent leur détenteur de se déplacer dans tout autre département français. Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait prévu de les supprimer en février 2024, lors de son passage sur l’archipel. Saïd Omar Oili plaide également pour une augmentation des moyens dans le contrôle des côtes de l’île pour empêcher toute arrivée illégale. « Aux Antilles, ils ont des patrouilleurs partout, c’est un problème de moyens », affirme-t-il. Interrogé sur la présence de Marine Le Pen à Mayotte en début de semaine, Saïd Omar Oili est catégorique : « Je ne veux pas que Mayotte serve de politique au niveau national. J’ai l’impression que notre île est devenue un jeu humain. 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