Avec sa réforme de l’administration territoriale de l’Etat, le Premier ministre souhaite redonner les « moyens de l’autorité » aux préfets, principaux représentants de l’Etat dans les régions et les départements. Accompagné de sept ministres, François Bayrou a dévoilé ce mardi 8 juillet, à Chartres, les grandes lignes de son projet visant à renforcer le rôle des préfets.
Une « décision attendue depuis très longtemps » assure le Premier ministre qui estime qu’elle pourra renforcer la lisibilité et la cohérence de l’action de l’Etat. Pour cela, l’exécutif modifiera le décret de 2004 qui régit actuellement les prérogatives des préfets. La nouvelle rédaction du décret sera présentée en conseil des ministres lors de la dernière semaine de juillet. « Il y aura aussi des dispositions législatives qui seront examinées si besoin par le Parlement à la rentrée », ajoute François Bayrou.
Renforcer le rôle du préfet comme garant de la cohésion de l’action de l’Etat
« Les préfets de département auront les pouvoirs d’intervenir dans tous les dossiers qui dépendent de l’action de l’Etat », martèle le chef du gouvernement. Le premier article du décret de 2004 sera donc modifié pour inscrire le rôle de « garant de la cohérence » de l’action de l’Etat du préfet.
En redonnant un rôle central au préfet, le gouvernement souhaite lutter contre la complexification de la mise en œuvre des politiques publiques de l’Etat. En effet, un récent rapport du Sénat démontre que le préfet, au sein des régions et des départements, subit la concurrence croissante des agences et opérateurs de l’Etat. Les rapporteurs de la commission d’enquête sur les agences de l’Etat préconisaient d’ailleurs de faire du préfet « le véritable chef d’orchestre » de l’action de l’Etat. Au cours des auditions, le corps préfectoral avait pointé la nécessité pour le préfet de piloter les opérateurs de l’Etat et d’en être le véritable délégué territorial. Concrètement, une quinzaine d’agences et d’opérateurs de l’Etat sont amenés à travailler avec le préfet, notamment l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Office français de la biodiversité (OFB) ou encore l’Office national des forêts (ONF).
La réécriture du décret de 2004 consacrera ce rôle de délégué territorial du préfet qui sera responsable de chacune des actions de l’Etat ». Le préfet sera également associé à la nomination de l’ensemble des chefs de services de l’État, à l’exception de ceux nommés en conseil des ministres. « C’est à nos yeux une dimension nouvelle donnée à la décentralisation, les élus auront un interlocuteur unique au lieu de se débrouiller tout seul en allant voir les responsables d’agences », explique François Bayrou.
Accentuer le pouvoir de dérogation du préfet
En plus de renforcer le rôle du préfet, la réforme de l’administration territoriale de l’Etat doit permettre de renforcer les pouvoirs dérogatoires du préfet. « Si une décision ne leur paraît pas aller dans le sens de l’intérêt général, ils auront le pouvoir de demander à ce qu’on les réexamine », détaille François Bayrou. Cela devrait donner la capacité aux préfets de « mener avec le plus de souplesse possible des politiques territoriales adaptées aux besoins ». « Quand il y a des normes stupides ou qui ne correspondent pas à la réalité du terrain, on peut déroger à ces normes. Pour ça aussi, il faudra que les préfets soient protégés dans l’exercice de cette liberté », ajoute encore le chef du gouvernement. La réforme étend le pouvoir de dérogation de préfets à l’ensemble de leurs compétences.
Depuis 2020, un décret accorde aux préfets le pouvoir de déroger à des « normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour prendre des décisions non réglementaires ». Ces dérogations doivent néanmoins porter sur les compétences du préfet, être motivées par l’intérêt général et avoir pour effet d’alléger les démarches administratives. Un rapport du Sénat, publié le 13 février 2025, préconisait d’approfondir le pouvoir de dérogation des préfets afin de renforcer l’efficacité de l’action de l’Etat. Les élus du Palais du Luxembourg ont également adopté, en première lecture, une proposition de loi sur le sujet le 11 juin 2025.
Des mesures susceptibles de réduire les dépenses ?
Ces mesures doivent donc permettre de renforcer l’efficacité de l’action de l’Etat et de « rendre la dépense publique plus cohérente », estime François Bayrou qui doit présenter ses orientations budgétaires, mardi 15 juillet. Si aucune de ces orientations n’a encore été dévoilée, le gouvernement espère générer des économies grâce à une meilleure organisation de l’administration territoriale de l’Etat. « Cette nouvelle organisation de l’action publique, c’est aussi une manière de rendre plus efficace la dépense publique […] Je sais que dans tous les domaines d’action on peut toujours obtenir des résultats similaires identiques et mêmes supérieurs en réorganisant l’action », prédit le locataire de Matignon.
Ces mesures ne devraient néanmoins pas être une formule magique pour la réduction des dépenses publiques. En effet, alors que la ministre en charge des comptes publics, Amélie de Montchalin, estimait qu’il était possible d’économiser 2 à 3 milliards d’euros en fusionnant ou supprimant un tiers des agences et opérateurs de l’Etat, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale avance un chiffre plus modeste aux alentours de 500 millions d’euros.