Sa présence était attendue aux 94e Assises nationales des départements de France, dans le Tarn. Après avoir salué le « travail admirable » des élus du territoire, « au service de nos concitoyens », Sébastien Lecornu a déploré la situation économique difficile auxquels sont confrontés les départements depuis de nombreuses années, très affectés par les coupes budgétaires de l’Etat. Réinvoquant sa volonté de « rupture » et de « rétablir la confiance », l’élu de l’Eure a insisté sur « la question de la pluri annualité » : « Nous sommes collectivement […] devenus myopes à chercher des solutions uniquement pour le lendemain et le surlendemain, […] sans cap structurant sur le long terme ». Et, compte tenu du « contexte international », il a mis en garde : la « montée en puissance sur le régalien », soit la hausse des budgets consacrés à la défense, à la justice et à la sécurité intérieure, n’est pas négociable. « Il va falloir trouver des conclusions beaucoup plus structurelles dans notre manière de nous organiser », en donnant aux départements les moyens d’action dans certains domaines, dans lesquels ils apparaissent comme les acteurs les plus adaptés.
« Le pouvoir doit circuler dans le pays »
Le Premier ministre n’a pas manqué de répéter sa connaissance et son attachement aux territoires. L’occasion de rappeler à son auditoire sa volonté d’ouvrir un nouvel « acte de décentralisation », un cheval de bataille qu’il agite depuis sa première nomination à Matignon. « On peut beaucoup attendre de l’Etat, mais il ne peut plus décider de tout, tout seul depuis Paris ». Une telle réforme devra passer par un rééquilibrage des principes de liberté et d’égalité entre les territoires, prévient-il. « C’est avec les conseils départementaux qu’on va tenter d’écrire le premier chapitre de la réforme de l’État, et notamment de la grande clarification autour des questions sociales, médico-sociales et sanitaires ». Et d’ajouter : « Le pouvoir doit circuler dans le pays ».
De manière à « refaire des Conseils départementaux la collectivité des solidarités », l’hôte de Matignon a listé différentes pistes ouvertes « à la réflexion » : réformer « en profondeur » des Agences Régionales de Santé (ARS), affirmer « la part régalienne du sanitaire » (analyse de l’eau, gestion des épidémies) et en rendre responsable le préfet, transférer la gestion du bâti des hôpitaux de proximité et les 10 000 kilomètres de routes nationales encore gérées par l’État, mettre en place le copilotage du dispositif France Santé, renforcer les capacités d’intervention sur l’eau, le numérique et la distribution de gaz et d’électricité…
De quoi l’amener aussi à considérer une refonte du financement département par la voie de la cotisation sociale généralisée (CSG) : « Je vais être très direct. Si on fait du Conseil départemental la collectivité des solidarités, du sanitaire et du médico-social, il est donc logique que les départements perçoivent une part de la CSG ».
Vers une allocation sociale unique
Seconde grande annonce, accompagnée de salves d’applaudissements dans le parterre d’élus et de ministres, Sébastien Lecornu s’est engagé à déposer en Conseil des ministres en décembre un projet de loi relatif à la création d’une Allocation Sociale Unifiée (ASU). Cette mesure, plébiscitée par Laurent Wauquiez (LR), permettrait de « s’adapter à la réalité des parcours de vie en fonction des problèmes de santé, des déménagements et des carrières qui sont de plus en plus hachées », en rapprochant « la prime d’activité, le RSA et un certain nombre d’aides au logement ». Un tel dispositif, via un compte social unique construit avec les départements, « aura un mérite : le paiement au juste droit. Parce que d’un côté, la fraude est scandaleuse et inacceptable parce qu’elle vient mettre un coup de canif dans le pacte social républicain. Et de l’autre, voir des Françaises et des Français qui n’arrivent pas à ouvrir leurs droits et qui se mettent eux-mêmes en situation d’exclusion d’ouvrir leurs droits, par définition, ce n’est pas la promesse républicaine non plus ». Et entraînera « des économies, non pas sur les bénéficiaires […] mais tout simplement, évidemment, des économies de gestion ».
« Il faut qu’il y ait un budget voté d’ici la fin de l’année »
Premier engagement que les ministres porteront, par voie d’amendement dans le PLF : « ouvrir le dossier du DILICO [dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales] », en le plafonnant dans son montant et en réduisant le nombre de départements concernés. Quant au fond de sauvegarde, initialement à hauteur de 300 millions d’euros, le gouvernement proposera, également par voie d’amendement, le doublement de son enveloppe à 600 millions et la non-modification des critères. Une quinzaine de minutes avant lui, sur la même scène, le président de l’Association des départements de France François Sauvadet alertait une énième fois sur la crise financière dont souffrent les territoires.
Piqure de rappel à destination des parlementaires pour finir sa prise de parole : « Il faut qu’il y ait un budget voté d’ici la fin de l’année », si ces mesures veulent voir le jour. Elles ne « ne trouveront aucune application dans quelque chose de virtuel sans budget et en situation de crise politique et budgétaire ».