Collectivités locales : la Cour des comptes épingle le recours aux cabinets de conseil
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Collectivités locales : la Cour des comptes épingle le recours aux cabinets de conseil

Dans un rapport publié le 10 juin, les magistrats financiers appellent les collectivités territoriales à mieux justifier leurs recours à des cabinets de conseil, dont le coût a augmenté ces dernières années. La Cour note en particulier que les raisons mises en avant pour justifier ces dépenses étaient « dans leur grande majorité peu étayées ».
Guillaume Jacquot

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C’était un angle mort de la retentissante commission d’enquête sur l’influence des cabinets de conseils menée au Sénat début 2022. L’instance, qui avait dénoncé à quelques semaines de l’élection présidentielle le recours « massif » et « croissant » des ministères aux cabinets de conseil, s’était concentrée sur le cas spécifique de l’État et des administrations centrales. Le cas des collectivités locales avait été mis de côté.

L’opportunité d’inclure les collectivités locales dans les obligations de la proposition de loi, née des recommandations de la commission d’enquête, divise d’ailleurs depuis l’an dernier l’Assemblée nationale et le Sénat. Un rapport de la Cour des comptes, dévoilé ce 10 juin, s’est penché sur la question et devrait contribuer à éclairer avec de nouvelles données les débats parlementaires, alors que la proposition sénatoriale est toujours en attente d’une deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Réalisé à la demande de citoyens sur son site internet, l’audit de la Cour des comptes a été mené auprès de 16 collectivités réparties dans quatre régions (Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nouvelle-Aquitaine et en Polynésie française), représentant 10 millions d’habitants.

En moyenne 1,3 % des charges à caractère général des collectivités

Sur l’échantillon étudié par quatre chambres régionales des comptes, les prestations de conseil ont représenté une part limitée des dépenses de ces collectivités (en moyenne 1,3 % de leurs charges à caractère général), mais leur montant a augmenté de 20 % entre 2019 et 2023. Pour les 15 collectivités métropolitaines concernées, le total des dépenses liées aux cabinets de conseil a représenté 195 millions sur la période 2019-2023.

« La tendance observée est à la hausse, quoique dans une proportion bien moindre que celle constatée pour l’Etat », relève le rapport. En 2021, la commission d’enquête sénatoriale avait souligné que les dépenses des ministères en prestations de conseil pour l’État avaient « plus que doublé » de 2018 à 2021. Pour l’année 2021, elle avait estimé au minimum à un peu plus d’un milliard d’euros les dépenses engagées par les ministères et un échantillon de 44 opérateurs publics, soit 0,24 % du budget total des ministères.

Un enjeu « pas aussi prégnant que pour l’État », estimait la rapporteure au Sénat de la proposition de loi

En séance, le 17 mai, la rapporteure de la proposition de loi sénatoriale, Cécile Cukierman (communiste) avait jugé que les prestations de conseil effectuées pour le compte des collectivités territoriales atteignaient « généralement des montants plus faibles » que l’État, et que de « nombreux outils » de contrôle existaient déjà. En outre, elle avait souligné que « l’enjeu du contrôle et de la transparence de l’usage des prestations de conseil par les collectivités territoriales » n’était « pas aussi prégnant que pour l’État ».

Le rapport de la Cour des comptes note que « l’influence de prestataires dans la définition de politiques publiques n’a pas été relevée, contrairement à ce qu’avait observé le Sénat, en 2022, pour l’Etat ».

De façon générale, les collectivités motivent le recours à ces prestataires externes par « la réalisation de certaines études prescrites par les textes, le défaut d’expertise en interne, un surcroît temporaire d’activité, ou encore le besoin d’un regard extérieur », énumère le rapport. Mais la Cour des comptes considère que ces raisons, sont « dans leur grande majorité, peu étayées ». « Les collectivités n’ont pas démontré que les ressources disponibles en interne ou au sein de leurs satellites ou d’autres organismes publics présents sur leur territoire, n’étaient pas en capacité de répondre à la commande », épingle-t-elle.

La région Occitanie, qui compte 67 agents dans la direction communication, fait appel à des conseils externes

Dans le contexte de recherche d’économies tous azimuts, la Cour considère qu’il devrait être possible d’effectuer un meilleur « arbitrage entre internalisation et externalisation de prestations ». Le rapport donne plusieurs exemples d’externalisations pour des sujets qui sont pourtant au cœur de leurs missions. Il cite par exemple le fait que la métropole de Montpellier ait confié à un cabinet externe la mesure annuelle du taux de fraude dans les transports en commun, ou encore la réalisation du rapport de développement durable. La Cour régionale épingle également l’externalisation de « l’élaboration, l’évaluation ou le renouvellement de plusieurs schémas dans le champ social » dans le département de l’Hérault.

On apprend également que la région Occitanie a fait appel à des consultants externes pour des « missions de conseil stratégique en communication », alors que sa direction de la communication compte 67 agents.

« La mise en concurrence est peu intense »

Les auteurs du rapport braquent également les projecteurs sur les procédures d’achat publics. « L’expression préalable des besoins est lacunaire et la mise en concurrence peu intense, alors même que l’offre en matière de conseil aux collectivités locales est plus diversifiée et moins concentrée que celle s’adressant à l’État », écrivent-ils. L’un des autres reproches concerne l’évaluation des prestations de conseil externes. « Leur utilité et leur valeur ajoutée sont rarement évaluées par les collectivités dans des rapports formalisés », considère la Cour des comptes.

Face à des ressources internes « parfois sous-exploitées », la Cour appelle à mieux recenser les compétences internes, mais aussi renforcer la concurrence et évaluer systématiquement les missions de conseil, des préconisations assez similaires à ce qui était préconisé pour le giron de l’État.

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